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JULIEN DORÉ - "Je suis juste un animal parmi les autres"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 29 novembre 2013


Découvert par la Nouvelle Star, Julien Doré est l'un des rares chanteurs issus de ce radio-crochet à voir sa carrière perdurer et même se bonifier avec les années. Son album Løve, très inspiré de sa relation amoureuse avec Marina Hands, est l'un des albums français de cette fin d'année.

L'excellent troisième album de Julien Doré s'appelle LØVE, Love avec un O barré, un mot qui en danois signifie lion. Amour, voyage et bestialité : les trois thématiques récurrentes dans le travail de l'ancien candidat de la Nouvelle Star sont omniprésentes dans cet opus de 12 chansons tantôt entraînantes, tantôt mélancoliques. Contrairement à Ersatz et Bichon, Julien Doré est à l'écriture et la composition de quasiment toutes les chansons, entouré des musiciens de ses débuts. Formé par les Beaux-Arts de Nîmes, rendu populaire par un télé-crochet, Julien Doré nous livre son album le plus abouti, déjà consacré par un disque d'or et le succès de son premier single Paris-Seychelles.

LePetitJournal.com : LØVE est un album de chansons d'amour mais c'est aussi une sorte de carnet de vos voyages récents sur lequel vous avez travaillé en plus petit comité que les précédents, puisque vous avez quasiment co-écrit et co-composé toutes les chansons. Est-ce que vos voyages vous ont donné envie de vous recentrer professionnellement ?   
Julien Doré : Effectivement, il y a un paradoxe entre le fait d'écrire des textes qui parlent de voyage et le fait de les écrire de façon totalement solitaire, enfermé. Mais en même temps quand on écrit, c'est aussi une façon de s'échapper dans les jolis souvenirs que l'on a. Avec mes gars, après la tournée très longue qu'on venait de faire ensemble, on s'est posé la question de comment on allait travailler sur un nouvel album. On avait très envie s'y remettre ensemble très vite. On avait besoin de s'isoler, mais un isolement du regard extérieur, pas un isolement physique. On s'est dit que cet album, on allait attendre avant de le partager avec les gens avec qui je travaille, c'est à dire ma maison de disques. On a enregistré aux Studios de La Fabrique qui sont des magnifiques studios à Saint-Rémy de Provence (voir le Making-of de l'enregistrement de Paris-Seychelles). C'est une grande maison de pierres entourée de nature avec rien du tout autour. On a vécu trois semaines dans cet endroit magique qui a sans doute influencé pas mal de choses musicalement dans l'album.  

Sur Youtube, vous avez mis des making-of de l'enregistrement de l'album, du clip de Paris-Seychelles. Vous aviez envie de partager l'envers du décor avec votre public ?
Oui, je voulais vraiment partager ces moments-là parce qu'aussi non il n'y aurait pas eu de témoignage de la réalisation de cet album. Avant même d'avoir fini d'écrire les chansons, je savais exactement avec qui j'allais vouloir partir enregistrer dans ce studio, comment on allait bosser. Le fait d'être entre nous, en petit comité, ça nous a donné envie de garder une vraie trace de l'histoire de ce disque, sans savoir au début ce qui allait se passer exactement, ce que cet album allait donner. Et puis la personne qui a fait toutes ses images, Fabrice Laffont, est un très bon ami à moi avec qui j'avais co-réalisé le clip du titre Les Limites, donc on n'avait pas du tout l'impression d'être épié.



Vous parlez de la co-réalisation du clip des Limites, là vous êtes encore co-réalisateur du clip de Paris-Seychelles et on retrouve des dessins de l'album sur le livret de l'album. Vous avez aussi joué au cinéma et avez reçu une formation complète aux Beaux Arts. Est-ce qu'il y a une étape que vous aimeriez encore franchir en tant qu'artiste, comme vous lancer dans la réalisation d'un film par exemple ?
Cela fait partie aux choses auxquelles je pense de temps en temps. Parfois, j'ouvre mon ordinateur ou un carnet et j'écris des choses dans le but, sans doute un jour, de les mettre un jour en images. Mais c'est compliqué. Pour l'instant, j'ai la chance, ne serait-ce qu'au travers de la musique, d'avoir vraiment la possibilité de travailler dans plein de zones culturelles différentes, à savoir ma musique et les images autour de ma musique. J'aime créer les images qui entourent ma musique à travers les clips, les pochettes, les livrets. Tout cela prend déjà beaucoup de temps notamment la réalisation de clips, car on peut noter des belles idées sur une feuille de papier, mais après, quand on se confronte à la réalité du tournage, cela devient très compliqué. Un jour, j'espère réaliser un court-métrage ou un long-métrage, être capable d'écrire une histoire et de la mettre en images à travers un film. J'ai commencé à écrire quelque chose il y a environ un an. Mais tout ce qui touche au cinéma se fait sur de très longues durées? encore plus que pour la musique.

Est-ce que cela vous oblige à être attentif au travail des réalisateurs lorsque vous décrochez des rôles au cinéma ?
Les fois où j'ai eu la chance de tourner, j'ai été vachement attentif à comment se passe en réalité le travail de réalisateur. Quand tu lis un scénario pour la première fois, tu t'imagines plein de choses mais après, le réalisateur doit le cadrer dans les deux sens du terme : le cadrer à l'image, mais aussi cadrer les journées de travail, tenir son équipe, savoir être soutenu par elle, savoir guider ses acteurs, savoir les filmer, savoir faire sortir d'eux ce qu'il avait pu imaginer en les choisissant? Tout ce travail, j'y suis sensible. J'observe beaucoup quand j'ai la chance d'être sur un long-métrage, mais dans le même temps, on me demande de m'abandonner à mon personnage, de justement ne pas penser à la technique. C'est un peu ambigu.

Et puis chaque histoire est différente. Si un jour j'ai la chance d'écrire un scénario, d'en être heureux, de le proposer pour la réalisation d'un film, j'aurai d'autres problèmes. Finalement, c'est un peu comme quand j'écris une chanson. Au moment de l'écriture, je ne me pose pas la question de ce que l'on va décider en studio : est-ce que cette chanson sera sur mon disque, en quelle position, qu'est-ce que je vais lui enlever, lui rajouter? Donc chaque chose en son temps. Pour l'instant en ce qui concerne le cinéma, je suis juste dans la période où je commence à écrire des choses.  

Pour en revenir à l'album, il est rempli de chansons d'amour qui n'ont jamais le même ton. On passe de titres dansants à des titres plus mélancoliques. Est-ce que cet enchaînement de hauts et de bas concorde avec votre vision de l'amour ?
La vision de l'amour, de la relation à l'autre que j'exprime dans ce disque, c'est, je pense, une vision complexe de tous les états dans lesquels on passe lorsqu'on est amoureux, que ce soit moi ou sans doute même tous les gens qui ont été amoureux une fois dans leur vie. On peut être parfois totalement béat, stupide par amour, jusqu'à être complètement désespéré. Je n'ai pas essayé de décrire les sentiments amoureux en me disant qu'il fallait que je pense à mettre dans l'album tous ces états que l'on traverse. C'est juste qu'ils sont venus comme ça, quand j'ai écrit mes textes.

Paris-Seychelles est déjà un gros tube qui est décliné en 3 remix sur la version Deluxe. C'est un coup de foudre que vous avez eu pour cette chanson ?
Cette chanson que j'ai co-composée avec Darko, on voulait vraiment pouvoir danser dessus. On trouvait que la ligne de basse que Darko avait écrite donnait vraiment envie de bouger. Puis j'ai rencontré Griefjoy (ndlr : collectif de DJ niçois à l'origine de deux remix de la chanson) via un ami proche qui bosse dans ma maison de disque et on est parti sur ce titre car ils m'ont proposé une autre vision, une version encore plus dansante, et ça m'a beaucoup plus. C'est la première fois que je mets des remix dans un de mes albums, alors que je continue à entendre de très bons remix de mes anciennes chansons. Peut-être car je pensais à l'époque que mes albums ne s'y prêtaient pas.

Il y a deux featuring sur l'album, un avec Micky Green, l'autre avec le duo Brigitte, quelle est l'histoire de ces rencontres ?
En fait, on se connaît depuis pas mal de temps, que ce soit avec Brigitte ou Micky Green. Micky cela fait des années que l'on se croise dans des studios ou via des amis en commun, mais on n'avait encore jamais chanté ensemble. On connaissait chacun la musique de l'autre et quand j'ai écrit Chou Wasabi, je pensais déjà à un duo. La voix de Micky est venue tout de suite dans ma tête avec son flow, avec sa manière d'interpréter. Pour Brigitte, on avait fait pas mal de festivals ensemble, on était souvent programmés en même temps et on a sympathisé. Il y avait quelque chose de proche entre mon spectacle et le leur, et sur cette chanson Habemus Papaye qui est un mélange de soul et de hip-hop, assez proche de Frank Ocean que j'aime énormément, avoir deux voix féminines très belles, harmonisées presque d'une façon R'n'B, cela me plaisait bien.

Il y a une très belle chanson qui commence à faire parler d'elle, c'est Le Corbeau blanc, dont la puissance des textes et de la musique peuvent faire penser à Christophe ou Barbara. Comment est née cette chanson ?
Je connais très peu Barbara mais c'est vrai que L'Aigle noir est peut-être, ne serait-ce que dans son titre, un joli opposé à mon Corbeau blanc. Cette chanson, dans l'écriture, c'est une lettre ouverte. Elle est vraiment importante pour moi et elle se trouve dans la continuité de mon travail d'écriture en français commencé dans le deuxième album. Il n'y a pas vraiment d'influence ni dans la composition ni dans l'écriture. Ce texte, on a essayé de le mettre en musique avec le groupe Omoh presque d'une façon cinématique, atmosphérique.

Votre hommage à Platini a également été très bien accueilli. C'est pourtant un joueur que vous n'avez pas vu vraiment jouer "en direct", puisque vous étiez très jeune quand il terminait sa carrière. Comment se fait-il qu'il vous ait autant marqué, plus qu'un Zidane par exemple qui vous est contemporain ?
C'est justement parce qu'il n'est pas proche de moi qu'il m'a marqué. Je n'arrive pas à écrire des chansons où je parle de l'époque dans laquelle je vis. Même quand je parle d'amour. Evidemment quand je parle d'amour, je parle de quelque chose que j'ai vécu dans un temps très proche, mais j'en parle de façon universelle, comme un sentiment amoureux qui peut convenir au XIXe siècle, comme à aujourd'hui. Pour cette chanson Platini que j'ai écrite complètement à part du reste du disque, je trouvais que ce nom n'avait pas une résonance trop contemporaine. Par rapport à Zidane qui est évidemment le symbole de France 98, et même si j'ai encore des souvenirs et des frissons quand je revois Les Yeux dans Les Bleus, je trouve que Platini c'est autre chose, une autre époque. J'ai l'impression qu'il n'y a rien qui soit venu entacher sa carrière de footballeur. Alors que depuis l'Equipe de France 1998, je pense que le statut du footballeur a changé dans la tête des gens, au travers de l'argent, de la célébrité, des frasques, d'une certaine attitude. Et même Zidane que je respecte et qui est un immense joueur, sa carrière s'est finie sur une dernière mauvaise image. Ce n'était pas non plus très grave. Des mecs qui s'engrainent sur un terrain de foot, il y en a tout le temps.

Avez-vous déjà rencontré Michel Platini ?
Non pas encore mais j'espère bientôt. Michel Platini m'a envoyé un gentil e-mail récemment, me disant qu'il avait été très touché par la chanson et qu'il ne s'attendait pas à ce qu'un garçon de ma génération puisse vouloir lui rendre hommage. Et rien que pour ça, j'étais content d'aller au bout de cette chanson alors que j'étais loin d'imaginer au moment où je l'écrivais que Michel Platini allait l'écouter un jour. On était partis sur la composition du disque avec un thème central, de l'amour et de la rupture, qui s'imposait au fil des chansons. Et quand je fouillais dans mon ordinateur, à chaque fois je retombais sur cette chanson qui était simplement sur une maquette et que j'avais faite chez moi sur un petit clavier en posant ma voix "à l'arrache". Je trouvais qu'il y avait un truc dans cette chanson, et puis on s'est dit qu'on pouvait tenter de la réaliser en studio et qu'on verrait si on la gardait ou pas. Il y a eu une histoire autour du titre, une chorale est venue chanter dessus (ndlr : les ch?urs d'enfants de l'école St Martin de Saint-Rémy-de-Provence) et j'aimais beaucoup cette chanson, l'écouter me faisait du bien. Faire un album, ce n'est pas faire 12 pistes identiques, du coup cette chanson a été intégrée au disque. Elle sert un peu d'interlude, de respiration avant de plonger dans les trois dernières chansons de l'album qui sont les plus sombres.  

Vous avez toujours beaucoup utilisé les analogies aux animaux, mais c'est sans doute encore plus fort dans cet album que dans les précédents. Est-ce que cela veut dire que votre fascination pour le monde animal s'accentue au fil des années ?

C'est presque le cheminement inverse. Mon deuxième album je l'ai appelé Bichon parce qu'au fond il y avait des textes très écrits, très poétiques, très littéraires mais en général je n'aime pas que l'album prenne le nom du titre d'une des chansons. Bichon pour moi c'était le mot affectif que parfois on se donne, même parfois entre musiciens. Bizarrement pour ce troisième album je ne me suis pas du tout posé la question de mettre en avant une image animale, bestiale, mais cela s'est imposé à moi avec le titre de l'album. Le mot danois LØVE avec le O barré, j'y ai d'abord vu évidemment le mot amour en anglais. Puis, j'ai appris que cela signifiait Lion et je me suis dit que dans mon travail, mon univers musical, consciemment ou inconsciemment, la part animale, l'instinct sont toujours présents que je le veuille ou non. J'ai l'impression d'être un artiste au sens où je suis juste un animal parmi les autres. Dans mes textes, il y a aussi beaucoup de noms d'animaux et ça se fait inconsciemment. Sans doute parce que je fais tout à l'instinct. Quand j'écris mes textes, je ne me pose pas de questions, quand je monte sur scène,  j'essaie de tout donner, et j'ai l'impression d'être comme un animal en cage quand je suis dans ma loge deux secondes avant. La musique est quelque chose de très instinctive, et en ça, cela me rapproche du côté animal.

La presse est quasi-unanime sur la qualité de votre album, est-ce que c'est quelque chose auquel vous attachez de l'importance ?
Quand cela concorde avec un bon retour du public qui me suit d'habitude, et que cela permet à des personnes de découvrir ma musique grâce aux critiques qui en parlent de façon jolie, alors là oui c'est un ensemble qui fait beaucoup de bien.
Yann Fernandez (www.lepetitjournal.com) vendredi 22 novembre 2013

Julien Doré - LØVE
12 chansons
Sony Music
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logofbinter
Publié le 21 novembre 2013, mis à jour le 29 novembre 2013
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