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CHRISTIAN DUGUAY - "L’acteur français amène une âme, une profondeur, une émotion, sans trop la forcer"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 15 juillet 2013

 
Si le film Jappeloup a connu un joli succès en France (près de 2 millions d'entrées), il le doit autant à l'histoire de ce cheval champion olympique en 1988 avec son cavalier Pierre Durand et à la prestation de Guillaume Canet qu'à la réalisation enlevée de Christian Duguay. Le metteur en scène canadien de 56 ans, réputé pour ses productions de mini séries épiques (Jeanne d'Arc, Coco Chanel?), a répondu aux questions du petitjournal.com à quelques jours de la sortie du DVD en France. Et à quelques semaines de la sortie du film en salles au Canada.
 
Lepetitjournal.com - Quel souvenir gardez-vous du moment précis où Jappeloup a triomphé aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988 ?
Christian Duguay - Je revois le parcours de Pierre et de Jappeloup. J'étais à Montréal, ça se passait au milieu de la nuit. J'avais jusqu'alors du mal à suivre les compétitions. J'avais en effet eu une brisure assez difficile quand j'ai perdu mon cheval. Il avait été revendu. Je me dirigeais alors vraiment vers la très haute compétition. J'ai tout abandonné, je refusais de voir des concours, c'était très pénible. Mais cette compétition m'avait un peu remis en selle.  
 
Comme Guillaume Canet, l'équitation est donc un milieu que vous connaissez sur le bout des doigts ?  
L'équitation, ce sont surtout des souvenirs d'enfance, aller en compétition et une rencontre avec un cheval extraordinaire. Nous voyagions avec mon père, nous n'étions pas une famille très riche comme il y en a beaucoup dans ce milieu. Mais nous récoltions les rubans, les prix? Cela faisait râler les riches ! Du coup, avec Guillaume, lors de l'écriture, nous avons échangé des souvenirs de jeunesse identiques. Cela fait que nous sommes très rapidement tombés dans une émotion réelle, nous nous sommes vite compris. Alors qu'il est toujours difficile au départ de se retrouver avec un scénariste qui ne réalise pas. C'était la première fois pour Guillaume, il faisait tout normalement. Mais dès la première scène de tournage, nous savions que le film nous plairait à tous les deux. Et que l'on allait vivre une aventure particulière.
 
Pourquoi Guillaume Canet n'a pas tourné lui-même Jappeloup ?  
Le producteur avait ce projet de film sur Jappeloup depuis une petite dizaine d'années. Il a essayé avec un autre réalisateur mais cela n'a pas marché. Puis il a proposé mon nom à Guillaume, qui a regardé mes films. Il a été assez séduit. Et puis le fait que je connaisse déjà le sport, cela aidait, il n'avait pas besoin de tout expliquer. Mais la vraie raison est qu'il voulait monter, se remettre à cheval, refaire de la compétition. Le travail qu'il a fait en tant qu'athlète, la rééducation pour monter sur le cheval, c'était du plein temps. Il ne pouvait faire les deux. Et si vous regardez bien, Guillaume ne joue pas en général dans ses films, juste quelques petits rôles.
 
 
                "Nous, les Québécois, avons une relation particulière avec la  

                          France, du fait de notre éducation, notre culture"
 

Franchement, avez-vous senti l'arrivée du succès, près de deux millions de spectateurs ?
J'en étais persuadé. De par la présence de Guillaume, l'histoire, le côté rock de cette histoire, ce traitement populaire avec en même temps de la densité, des rapports humains réels et forts. Nous espérions aller chercher le grand public. Quand Pathé a vu le film, ils espéraient ce succès, voire plus ! Ce n'était donc pas une surprise.
 
Peut-on espérer le même succès au Canada où le film sortira au mois de septembre ?
Nous l'espérons ! Guillaume va venir faire la promo. Mais ce ne sera pas facile. Même si je connais des fans, et que le film est francophone. Le cinéma français est populaire au Québec.
      

Cela est uniquement dû à la langue ?  

Nous, les Québécois, avons une relation particulière avec la France, du fait de notre éducation, notre culture. Elle sont québécoises mais de souche française. Sans parler de la langue bien sûr. Pour ma part, le cinéma français m'a beaucoup influencé. J'ai certes été propulsé rapidement dans le milieu anglophone, j'étais opérateur caméra sur des gros films aux Etats-Unis, comme Rocky par exemple. Après, on m'a demandé de faire des films d'actions en tant que chef opérateur, jusqu'à ce que je devienne moi-même metteur en scène (il a notamment réalisé Planète hurlante en 1995, ndlr). C'est un peu malgré moi que je me suis retrouvé dans ce cinéma anglo-saxon. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté de faire des mini séries sur des personnages français comme Jeanne d'Arc ou Coco Chanel, avec des gros budgets, de l'ordre de 15 à 20 millions d'euros. Et lorsque m'a offert Jappeloup, j'ai plongé ! J'ai vu ce que je pouvais y faire. Et, en plus, c'était mon premier film dans ma langue natale.

Vous vous êtes senti français ?
J'ai pris énormément de plaisir à faire ce film ! Il m'a permis de me rendre compte que j'étais capable d'aller capter les subtilités du jeu français. Je m'y suis bien retrouvé. Les comédiens ont d'ailleurs vu que j'avais cette capacité d'aller chercher chez eux les subtilités de leur jeu et également donner un souffle épique au film. J'avais enfin trouvé un film qui représentait une aspiration profonde.
 
 
     "Les spectateurs ne veulent qu'une seule chose : une bonne histoire"
 
 
Vous êtes canadien et vous faites des films et des minis séries en Espagne, en Italie, en France, en Angleterre? Quel citoyen êtes-vous réellement ?
Je vis principalement en Europe. En réalité, je me promène entre Canada et le Vieux Continent. Ma société, qui a produit Jappeloup d'ailleurs, est au Canada. Mais beaucoup de mes films se font en Europe, en Italie, en Espagne comme vous l'avez dit. Je fais beaucoup de mini-séries d'envergure (Jeanne d'Arc, Coco Chanel, Anna Karénine? ).
 
Vous l'avez l'habitude de côtoyer des équipes internationales sur ces tournages. Sur Jappeloup, il y avait une majorité de Français. Est-ce différent dans la gestion globale du film ?  

Tous les acteurs ont leur particularité. Quand je fais des mini-séries avec des Français, Allemands, Américains, Italiens, on sent des différences culturelles dans leur façon de jouer. Le Français va amener un âme, une profondeur, une émotion sans trop la forcer, alors que les Italiens ont tendance à la forcer. Les Américains sont méthodiques, rigoureux. Mais au final, un bon comédien est un bon comédien.  
 
Êtes-vous prêt à réitérer l'expérience française ?!  
Oh oui ! C'était une très belle expérience. J'ai quelques projets en cours, notamment avec Guillaume Canet. Les gens de Pathé aimeraient également bien que nous collaborions de nouveau ensemble. Mais il fat d'abord que les projets mûrissent un peu. J'en suis pour l'instant au stade des recherches et de l'écriture.  
 
Vous avez près de 40 ans de carrière au cinéma. Quel regard portez-vous sur l'évolution du septième art ?  
J'adorais le cinéma des années 70, les films de Claude Berri par exemple. Après, l'univers cinématographique a été modifié à cause de la télévision avec les téléfilms, les téléromans. Dans les années 90, j'ai l'impression qu'il y a eu comme un relâchement. Puis il y a eu le passage vers le numérique, avec un abus de grosses technologies, on en trop vu. Aujourd'hui, un cinéma vraiment intéressant est en train d'arriver. Nous pouvons faire des films avec moins d'argent, la compétition est donc plus virulente. Et cela nous amène finalement à comprendre que ce que les spectateurs veulent : une bonne histoire.
Jérémy Patrelle (www.lepetitjournal.com) mardi 16 juillet 2013
 

 
Jappeloup

Un film de Christian Duguay, avec Guillaume Canet, Marina Hands, Daniel Auteuil, Lou de Laâge, Tchéky Karyo, Jacques Higelin?
Sortie en DVD le 17 juillet , Pathé Distribution



logofbinter
Publié le 15 juillet 2013, mis à jour le 15 juillet 2013
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