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CHARLES BERLING - "Ce nest pas parce que lon d

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018



Cinéma, théâtre, écriture, chanson : à 53 ans Charles Berling est un artiste multiple. Dans Le prénom, en salles ce mercredi, face à Patrick Bruel et Valérie Benguigui, il intègre parfaitement les codes du bobo intello égoïste et lâche. Lepetitjournal.com a rencontré un homme volontiers bavard qui fonctionne aux défis et à la découverte

Lepetitjournal.com - Votre prénom vous plaît-il ?
Charles Berling - J'en suis très content. Et, contrairement à ce qui se passe dans le film, je ne crois qu'il ait été source de discorde ! Ma génération n'était pas encore dans cette période commencée dans les années 80 où l'on remettait en question le cadre classique des prénoms. J'étais fils d'officier de marine, des expatriés, à Tahiti, en Indochine... Dans ce milieu-là, la question ne se posait. Les autres enfants de la famille se nomment Isabelle, Philippe, Paul, Marie et Suzanne. C'est très cohérent, très catholique.

Y-a-t-il selon vous des prénoms, comme peut-être celui du film, à "black lister" ?
Ce n'est pas exactement comme cela que je le dirais. Mais étant donné le phénomène des médias, il y a des prénoms qui prennent une toute autre envergure. Si en France, les gens appellent leur fille Carla, la référence sera immédiate. Pareil pour Barack. Peut-être faudrait-il éviter de donner ce genre de prénom?

Charles Berling a du? s'inte?grer rapidement a? une e?quipe de?ja? rode?e sur les planches


Dans Le Prénom, vous êtes le seul nouveau par rapport au casting de la pièce de théâtre, en lieu et place de Jean-Michel Dupuis. Vous avez eu du mal à suivre le rythme d'une troupe qui avait joué 250 fois ensemble ?

Ma présence a certainement bousculé leurs habitudes et relancé la machine, ce qui était plutôt souhaitable pour faire le film. Je me suis tout de suite senti à ma place, même si évidemment j'ai dû travailler pour rattraper mon retard sur les autres. Mais c'est intéressant le travail ! C'était un beau défi. J'aime combattre, bouger mon cul. Nous avons pratiquement tourné toutes les scènes dans l'ordre, ce qui était un avantage pour moi. Les autres s'en foutaient de déconstruire car ils connaissaient tout sur le bout des doigts sur le plan narratif. Et puis mon rôle est plaisant : contradictoire, emporté, déprimé, drôle, attachant.

"La crise économique mais aussi identitaire est là"

Du choix d'un prénom ressort un multitude de non-dits et de ranc?urs. Cela reflète-t-il la société actuelle ?

On est tous dans des zones de nous-mêmes, face à la société, à cran. Il y a beaucoup d'incertitudes. La crise, économique mais aussi identitaire est là. Dans ce genre de mouvement sismique, l'écrivain est comme les mouches, ça s'agite. Et ça crée ce genre de choses.

Et nous devenons tous toujours un peu plus égocentrique ?
La parole s'est empêchée depuis tellement longtemps qu'un grain de sable peut entraîner des cataclysmes. Dans le film, c'est drôle et extrêmement violent. Et très intéressant, car c'est la photographie de ce qui s'est passé, tout en essayant d'imaginer ce qui va se produire.

La devinette du pre?nom de Patrick Bruel fait pour l'instant beaucoup rire ses amis

On assiste à une belle partie de ping-pong oral entre les différents protagonistes. Ces moments-là sont-ils du pur plaisir pour un acteur ?

Il y a ici une façon très méridionale de manier la parole, un goût de la joute. Cela ma rappelle le film Ridicule sur cette nécessité française de la joute oratoire. L'écriture est ciselée, tout est cohérent. Et forcément, le plaisir est énorme, merveilleux. Même si parfois je me disais : "putain, je suis en retard !", je le sentais. Les autres acteurs avaient une science de la situation énorme. Et je cavalais pour les rattraper. Dans la compréhension de la scène, dans les possibilités de jeu dedans, ils étaient des partenaires extraordinaires et redoutables.

"Ce n'est pas parce que l'on décentre la France que l'on ne l'aime plus, au contraire"

Vous parliez tout à l'heure de votre famille expatriée. Quel lien garde-t-on avec son pays d'origine lorsque l'on est physiquement ailleurs ?
On reste proche de son pays, mais il y a une vraie grâce à être expatrié dans le sens où l'on prend du recul avec le chauvinisme français, qui est très puissant. Longtemps, quand j'étais môme, j'avais l'impression que la France était le centre du monde. Quand on s'en éloigne un peu, on voit que c'est loin d'être le cas. Je voyage beaucoup, j'aime bien tous les continents. Du coup, je décentre la France. Mais ce n'est pas parce que l'on décentre la France qu'on ne l'aime plus, au contraire. Je suis très attaché à ce pays, je suis souvent l'actualité quand j'en suis éloigné, mais je ne considère qu'il soit la seule et unique raison d'être au monde. Je me considère comme un citoyen du monde.

Les rires ont laisse? place a? une explication de texte enleve?e


C'est cette culture mondiale, et votre histoire familiale riche en pays, en origines et en religions qui vous ont ouvert l'esprit et dirigé vers d'autres pans de la culture : chanson, écriture, théâtre? ?

C'est évident. Et cela n'est pas toujours bien compris en France. Alors que c'est assez naturel ailleurs. Avoir fait mes études en Belgique pendant trois ans à l'âge de 20 ans m'a beaucoup marqué. La Belgique est un petit pays qui n'a pas vraiment de centre ni cette puissance qu'a la culture française. Mais elle se nourrit de tas d'autres choses de l'étranger et cela m'a bien convenu. À ce moment-là, on ne se dit pas : "il faut penser ça" mais plutôt "qu'est-ce que je pense vraiment de ça ? Est-ce que j'aime ou pas ?". Nous nous définissons par rapport à des goûts, à une vie, à notre histoire et pas seulement en fonction de courants de pensées.

"Le service public, dans ma culture, ce n'est pas un vain mot"


Vous aviez besoin de diversifier ainsi vos activités culturelles ?
Faire seulement l'acteur ne m'intéresse plus. Je n'ai d'ailleurs jamais vraiment envisagé ma carrière ainsi, mais j'ai beaucoup fait l'acteur un certain temps et ça ne me laissait pas le temps de faire autre chose. Je suis arrivé à un moment de ma carrière et de ma vie où j'ai cette nécessité impérieuse d'être l'auteur. Sinon, je serai malheureux. Il me faut des défis, des découvertes, des situations pas confortables. Un acteur qui chante en France, ça ne l'est pas. Quand les gens me voient chanter, ils sont étonnés. Cela veut dire qu'ils avaient un a priori négatif. Ce n'est pas pavé de roses, mais les concerts se passent très bien, et je sais que les choses prennent leur temps pour se faire, c'est normal. Je ne peux pas envisager ce métier qu'autrement que de se remettre en jeu. Quand j'entends quelqu'un qui commence à revendiquer son expérience et sa longévité, ça ne sent pas bon. Depuis deux ans je dirige le Théâtre Liberté à Toulon avec mon frère, c'est passionnant. Difficile aussi. J'ai connu cette ville durant mon enfance et mon adolescence, j'y ai commencé le théâtre. Toulon renaît après des périodes sombres comme l'époque du Front National. Participer, à 50 ans, au renouveau d'un territoire et de gens que vous aimez et que vous connaissez bien, c'est merveilleux. Le service public, dans ma culture, ce n'est pas un vain mot. La décentralisation, Jean Vilar, André Malraux? Ces mecs ont fabriqué cette démocratie culturelle, à un prix abordable : cela a un grand sens pour moi. Travailler pour ça, ce n'est pas ce qui va me rapporter du blé ou de la notoriété, mais je m'en fous. Cela fait partie de moi.

Vous devriez réaliser l'année prochaine votre premier long métrage, issu d'Aujourd'hui maman est morte, votre roman paru en 2011?
J'arrive effectivement au bout de l'écriture, je suis dans une phase de finalisation du développement et de financement pour un tournage à l'été 2013. C'est la même histoire que mon livre. Celle de ma mère, de mon identité, d'une certaine partie de la France, du colonialisme. C'est le premier film de fiction que j'ai envie de faire.


La tornade Vale?rie Benguigui s'appre?te a? souffler dans les bronches de sa petite troupe


Le colonialisme semble un sujet difficile à aborder au cinéma?

Pour des raisons que l'on peut comprendre. L'histoire de la France colonialiste s'est mal terminée. C'est un pêché de civilisation, pas dans le sens religieux du terme, qui est compliqué car il met en présence des gens, des familles, des histoires qui sont victimes d'un côté comme de l'autre. Lorsque l'on passe des films sur les pieds noirs ou les arabes, pour ce qui concerne le Maghreb, on a seulement affaire à des gens qui ont perdu des parents. Cela ne met donc pas dans des dispositions pacifistes. On est sur un volcan. Mais il n'empêche que nous avons tort de ne pas en parler plus, j'en suis persuadé. Regardez Le Prénom : il vaut mieux que ces gens s'engueulent plutôt qu'ils ne disent rien. C'est pareil avec le colonialisme.

Jérémy Patrelle, www.lepetitjournal.com mercredi 25 avril 2012


LE FILM

Vincent (Patrick Bruel) est un homme heureux : au top de sa carrière, il est mariée à une très belle femme (Judith El Zein) et va devenir papa. Lors d'un dîner chez sa s?ur (Valérie Benguigui) et son beau-frère (Charles Berling), en compagnie de son ami d'enfance Claude (Guillaume de Tonquédec), il décide de faire deviner le prénom de son futur garçon. Son jeu gentillet et un tantinet niais se transforme en pugilat verbal à l'annonce du fameux prénom?

La pièce de théâtre, présentée 250 fois au théâtre Edouard VII de Paris en 2010 avait séduit par son dynamisme, ses échanges culturels riches, et son humour à la fois piquant, violent et léger. Même si le film n'est au final qu'une pièce filmée, on se prend de nouveau au jeu de la joute perpétuelle entre les différents protagonistes. Mention spéciale à Valérie Benguigui, matriarche pimpante de cette troupe égocentrique.
Le Prénom (1h49), un film de Matthieu Delporte et Alexandre de la Patellière avec Patrick Bruel, Valérie Benguigui, Charles Berling, Judith El Zein, Guillaume de Tonquédec, Françoise Fabian?

logofbinter
Publié le 25 avril 2012, mis à jour le 5 janvier 2018
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