Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Singapour – Vote d’une loi sur les fake news fortement contestée

Fake News, Loi, SingapourFake News, Loi, Singapour
@ Pixabay
Écrit par Chloé Laage
Publié le 12 mai 2019, mis à jour le 12 mai 2019

À l’origine de nombreux débats, craintes et contestations, le projet de loi concernant les fake news a été ratifié par le Parlement singapourien, mercredi 8 mai. Journalistes, universitaires et géants de l’internet ont émis des doutes concernant la protection de la liberté d’expression et l’émergence de potentiels abus de pouvoir.

 

Que dit cette loi fake news ?
« La nouvelle loi est conçue pour donner au gouvernement les outils nécessaires pour lutter contre les fausses informations sur Internet, qui peuvent devenir virales en quelques minutes et causer des torts indicibles », a déclaré Kasiviswanathan Shanmugam, ministre de la Justice et des Affaires intérieures, devant le Parlement. C’est justement dans un objectif de lutte contre les infox, que cette loi habilite le gouvernement à agir pour protéger la sécurité, la santé, les finances publiques et la confiance des Singapouriens dans ses dirigeants. En vertu de ce texte, le gouvernement de Singapour déterminera ce qui est factuel et ce qui ne l’est pas. Si ce dernier affirme que des informations concernant les institutions publiques sont fausses, il pourra ordonner des corrections ou la suppression du contenu.

 

Un texte qui, on peut l’imaginer, a suscité de nombreuses contestations et critiques de toute part. Ses principaux détracteurs dénoncent une entrave à la liberté d’expression et affirment que cette nouvelle loi met trop de pouvoir entre les mains du gouvernement, menaçant ainsi les libertés civiles.

 

Tout le monde, ou presque, sera concerné
Les particuliers, les compagnies et les sites de médias sociaux, tels que Facebook, Google et Twitter seront principalement visés. Cette loi couvrira les canaux de communication ouverts ainsi que les plates-formes de communication fermées, y compris celles dotées d'un cryptage de bout en bout qui permet uniquement aux expéditeurs et aux destinataires de lire les messages échangés.

« Le projet de loi reconnaît que les plates-formes fermées ne sont pas nécessairement privées. Elles peuvent être utilisées pour des communications personnelles et privées, mais également pour communiquer avec des centaines, voire des milliers, d'inconnus à la fois », a affirmé Edwin Tong Chun Fai, ministre d'État chargé de la justice.

 

Jusqu’à 1 million de dollars et 10 ans de prison
Toute personne reconnue coupable d’avoir publié de fausses informations avec une intention malveillante ou allant à l’encontre de l’intérêt public, pourra subir une peine pécuniaire, allant jusqu’à un million de dollars singapouriens, et/ou carcérale, jusqu’à 10 ans de prison.

 

Bien que de nombreux ministres et députés ont souligné que le gouvernement ne sera pas l’ultime arbitre, toute accusation pouvant être contestée devant un tribunal, les opposants craignent que le processus d'appel soit lent, intimidant et coûteux.

 

Critiques : travaux universitaires pris au piège, répression des opinions divergentes, autocensure...
Le parti de l’opposition souhaitait que les tribunaux, et non les ministres, soient les arbitres des fausses informations. Il accusait le gouvernement de créer une loi intéressée qui pourrait être utilisée à mauvais escient pour réprimer les critiques. Le chef du Parti des travailleurs, Pritam Singh, dont le parti s'était vigoureusement opposé à cette nouvelle loi, avait appelé à une division du vote de chaque député.

 

Les universitaires se sont également fortement mobilisés contre la loi fake news. 124 universitaires ont ainsi signé une lettre envoyée à Ong Ye Kung, ministre de l’Éducation, dans laquelle ils expliquent craindre que le travail universitaire soit pris au piège de la loi... Le ministre a assuré à la Chambre que le gouvernement n'appliquerait pas les nouvelles réglementations à la recherche universitaire. Avant de préciser, que ces dernières seront invoquées si la recherche utilise, dès le départ, des observations ou des données fausses, ce qui empêcherait le bon déroulement du discours public.

 

D'autres craignent que la législation permette au People's Action Party – le seul parti au pouvoir à Singapour depuis 1959 – de promouvoir l'autocensure et d'intimider les dissidents. Sudhir Vadaketh, écrivain singapourien, a déclaré « L'impact le plus important à court terme sera que les gens cessent de partager et de commenter autant en ligne. Ils auront peur de critiquer la politique gouvernementale et vont s'inquiéter de commenter ce qui se passe à Singapour ». Un argument renversé par Kasiviswanathan Shanmugam qui a assuré que « cette législation traite de fausses déclarations de faits. Elle ne traite pas d’opinion. Vous pouvez avoir n'importe quel point de vue, aussi raisonnable ou déraisonnable soit-il ». Affaire à suivre...

 

Que dit la loi française sur les fake news ?
Adoptée par le parlement le 20 novembre 2018, la loi s’applique uniquement aux périodes électorales. Elle définit les fake news, comme étant « des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin ». Un juge des référés peut être saisi pour cesser la diffusion d’une fausse information durant les trois mois précédant un scrutin national.

 

Autrement dit, à la différence de la loi singapourienne, cette loi s’applique sur une période donnée, et il appartient au pouvoir juridique de juger si une information ou un média doit être suspendu ou non.
Cependant, les critiques de l’opposition ont été basées sur les mêmes arguments, jugeant les textes « inefficaces » voire « potentiellement » dangereux pour la liberté de la presse. La question de l’autocensure a également été au cœur des débats. Les sénateurs s’étaient, eux, davantage opposés à la procédure de référé qui oblige le juge saisi à se prononcer en 48 heures.

 

Chloé Laage
Publié le 12 mai 2019, mis à jour le 12 mai 2019

Sujets du moment

Flash infos