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UN DICTATEUR TYPIQUE - Rafaël Léonidas Trujillo Molina

Écrit par Lepetitjournal République Dominicaine
Publié le 12 juillet 2016, mis à jour le 21 février 2024

 

 

Santo Domingo

13 Décembre 1937

Dans la Caraïbe, il y eut peu de tyrannie comme celle de Rafaël Léonidas Trujillo Molina, à l'exception de celle de Dessalines et peut être celle d'Ulysses Heureaux. Dans les superbes forteresses du 16ème  siècle de Santo Domingo, où fût une fois emprisonné Christophe Colomb, il n'y a maintenant que peu de prisonniers politiques. Pourquoi ? Ils sont tous morts ou exilés.

Le dictateur le plus voyant, Rafael Trujillo est l'exemple typique du dictateur latino américain, mais en plus féroce. Il est un mélange de l' « empereur » Brutus Jones et des dictateurs européens, mais ses voisins américains le trouvaient bizarre et essayaient à travers lui de comprendre les dictateurs de l'Amérique latine.

Trujillo était partout dans la presse. Des critiques virulentes venaient de partout : À Caracas, le Président provisoire Romulo Betancourt annonça que le Venezuela ne reconnaîtrait pas son gouvernement d'assassins. À Londres, la conférence de la jeunesse du monde expulsa les deux représentants dominicains parce qu'ils ne représentaient pas un pays démocratique. À Washington, le sénateur cubain Eduardo Chibas déclara que le gouvernement dominicain était un obstacle de la démocratie dans les Amériques.

Cependant, Trujillo était le produit final de l'occupation militaire américaine. Quand les forces américaines laissèrent la République en 1924, Trujillo était déjà commandant dans cette armée dominicaine formée par les fusiliers marins et il commençait déjà sa marche à la présidence qui devait aboutir dès 1930.

Bien que ceci ne me concerne en rien, il est bruit que la capacité amoureuse du dictateur était notoire. Ce qui aboutira à l'un des plus grands massacres perpétrés sur notre île Quisqueya.

Une des amies de lit du dictateur, vieillissante, Isabel Mayer, âgée de  60 ans, était célèbre pour ses fêtes somptueuses et sa cuisine. «  Ayez encore plus de fruits de mer ! C'est  bon pour l'homme, » disait-elle souvent à ses invités.

Trujillo était à une de ses parties quand le massacre infâme des Haïtiens s'est produit en 1937. La rumeur disait que dame Isabel s'était plainte des paysans haïtiens, qui traversaient furtivement la frontière après avoir volé son bétail.

Les troupes de Trujillo ont été lâchées. Elles ont fracassé des têtes de bébés contre des roches, des femmes enceintes furent déchiquetés à la baïonnette, des milliers d'haïtiens furent abattus. Les porcs se sont gorgés sur les milliers de cadavres en décomposition.

Pendant ce temps en Haïti le Président Vincent effectuait  une visite aux Etats-Unis.

 

Sténio Vincent, président d'Haïti

 

Le Président Vincent fit une visite officielle aux États-Unis. Différemment du président Borno, il ne débarqua pas à Governor's Island, ainsi, il n'y eut pas de problème pour son salut présidentiel. Il n'eut aucun problème non plus à l'hôtel Mayflower à Washington ou il descendit. Cet hôtel de classe était fréquenté par plusieurs officiels américains dont le sénateur raciste « Cotton Head » Smith. Le  président haïtien fut reçu cordialement et sans obstruction car il  venait offrir  aux États-Unis une base navale et aérienne en Haïti afin d'assurer la défense du canal de Panama.

Le Président Sténio Vincent, poète nationaliste fut élu sous une plate-forme anti occupation américaine quoique ce fût les États-Unis qui supervisèrent les élections de 1930. Aussitôt installé, il choisit le Lieutenant Paul Magloire comme son aide de camp.

Son gouvernement commença à affronter des difficultés dès 1937 quand le dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo, dans un moment de folie furieuse, commanda à ses forces armées de massacrer plus de 15,000 coupeurs de canne haïtiens qui travaillaient dans les plantations dominicaines.

Le président accepta une indemnité de $550,000 du général Trujillo. Les Haïtiens assassinés furent ainsi étiquetés à un prix individuel de moins de $40.00. Haïti ne le lui pardonna pas et son gouvernement succomba en 1941.

Le prochain Président fût Elie Lescot, un membre de la bourgeoisie de Port-au-Prince. Il choisit Paul Magloire, devenu entre temps colonel,  comme Chef  de la police et ensuite comme Commandant du palais national, un poste clé.

 

Janvier 1938

Le général Trujillo disait à qui voulait  l'entendre que les dictateurs européens comme Mussolini, Tito et autres Hitler, ne connaissent leurs succès dans la satrapie que parce qu'ils l'imitaient  et s'abreuvaient de sa grande expérience. Aucun satrape ne porte autant de médailles et de décorations que lui.

 

Les  journaux américains racistes de son époque le décrivaient comme un mulâtre à la peau couleur de rat. Heureusement que ces chroniqueurs ne pratiquaient  pas dans l'île caraïbe, d'autres y ont perdu leurs vies pour beaucoup moins que cela.

La place Colomb de la capitale pourrait facilement être pavée par les crânes de ses victimes innocentes. Entre autres, cette place devait changer de nom pour devenir la place Ramfis, en l'honneur de son fils. Santo Domingo, fondée et baptisée par le propre frère de Colomb, il y a plus de quatre cents ans, devient  Ciudad Trujillo, Trujillo Ville. Les journaux de l'époque osaient même faire des plaisanteries d'assez mauvais goût, en disant que la Place Ramfis était assez grande  pour être pavée par les crânes de tous les Haïtiens récemment massacrés par le dictateur.

Lors du massacre, il n'épargna ni les femmes, ni les enfants : paysans, ouvriers, professeurs, hommes, femmes, enfants, bébés, commerçants, tous furent délibérément massacrés. Il osa même appeler cette tuerie un incident local.

Les Haïtiens étaient  piégés dans les champs, dans leurs foyers, dans les rues, au lit, et ces gens, travailleurs et industrieux, furent massacrés sans pitié. Ils n'avaient commis aucun crime et vivaient sur le sol dominicain invités par cette nation à couper la canne à sucre, seule denrée produite à cette époque par ce pays.

À cette occasion, le gouvernement haïtien reçut  pas moins de neuf mille dépositions, rédigées par des prêtres, des médecins et des officiers de l'armée haïtienne, qui décrivaient les atrocités. Pendant des semaines, les maisons, les dépôts, les églises, les écoles, les hôpitaux du côté haïtien de la frontière, ne désemplissaient pas de blessés, de mutilés, qui avaient pu ramper ou qui ont pu être transporté à travers la frontière. Beaucoup avaient les têtes fendues ou écrabouillées à coups de machettes, leurs corps lacérés et percés de coups de poignards, les seins des femmes ouverts et tranchés et des enfants avaient perdu qui des doigts, qui des mains ou des oreilles.

 

Autour de Dajabon, des camions dégoulinant de sang ne cessaient de déverser des corps aux os brisés et à la chair déchiquetée dans les eaux infestées de requins. D'autres corps étaient incinérés avec de la gazoline et provoquaient d'énormes boucans qui restaient allumés pendant des jours. Le vent transportait l'odeur de cadavre brûlé à des kilomètres à la ronde. Le ciel était noir de cette fumée macabre. La police et l'armée, nul autre ne portant des armes, continuaient leurs marches funèbres contre les Haïtiens. Hommes et femmes étaient pourchassés à travers les plantations de canne à sucre et parfois introduits dans les fours pour connaître une fin sans nom dans un carnaval de sang et de terreur. 

Le 1er Octobre, Trujillo apparut en personne à la frontière. Il était vêtu d'un uniforme bleu ayant autour du cou un foulard rouge, il était prêt à l'action et ce jour-là, 300 haïtiens furent immolés à Banica. Le 2 Octobre le président  fit organiser une fête à l'église de Dajabon  ou il prononça un discours dans lequel il déclara qu'il éliminera du pays tous « les chiens, les porcs et les Haïtiens ».

Le curé français Jean Marie Jan, décoré de la Légion d'honneur, a révélé que le dictateur déclara: Je crois que « le peuple dominicain est heureux que je les débarrasse des Haïtiens ». Il osait impliquer le bon  peuple dominicain dans son crime odieux. Quel serait donc l'intérêt du peuple d'éliminer ceux qui les aidaient à cultiver la terre tout en se laissant exploiter. Trujillo avait d'autres objectifs ! Le bon curé Jan nous dit que l'homme à la couleur de rat, le plus solennellement, déclara : « Hier, 300 cents haïtiens ont été tués à Banica, il faut continuer l'extermination ». Pendant des jours, la tuerie continua de plus belle.

Le père Jean Marie Jan né le 2 Novembre 1875 en France, fut ordonné prêtre le 20 juin 1898 et fut nommé Évêque coadjuteur du Cap-Haïtien le 15 Janvier 1924. Il  devint le titulaire du diocèse le 12 février 1929 et démissionna de ce poste en 1953, il fut remplacé par Mgr. Albert François Cousineau.

Mgr Jan mourut  le 13 Décembre 1972, Évêque émérite du Cap-Haïtien

 

Je me rappelle que c'était avec horreur que je lisais  le reportage, au fur et à mesure que je lisais, ma gorge se serrait, mais je ne pouvais décoller mes yeux de cette lecture infernale, mais combien véridique.

Un dominicain caché dans un ravin assista au passage d'un groupe d'haïtien mené comme du bétail, à la file indienne, attaché solidement par des cordes de jute, le groupe était mené par des soldats. Deux par deux, les soldats les tuèrent, un soldat abattait sa machette sur le cou de l'un et ensuite sur le cou d'un autre. Certains étaient tués à l'aide de poignard, ils étaient piqués, repiqués jusqu'à ce que mort s'en suive.

Mais pourquoi cette atrocité, on disait que Trujillo avait des idées de conquérants. Voulait-il venger son peuple de l'occupation haïtienne en annexant le territoire haïtien? Son armée était forte, il recevait des armes et des munitions de l'Allemagne et des avions de l'Italie, tandis que de son côté Haïti avait démobilisé sa fameuse armée indigène et n'avait  qu'une petite force de police ou gendarmerie que les Américains lui avaient laissée après leur occupation.

 

Je vivais une époque troublée, dans un pays dangereux mais au milieu d'un peuple accueillant. On pouvait  risquer sa vie à appeler Trujillo Président ou Général. Tout document officiel devait porter ses titres : Généralissime Rafael Léonidas Trujillo Molina président de la République Dominicaine  Bienfaiteur de la Patrie.

Il se considérait comme l'homme le plus important de notre temps et forçait ses sujets opprimés à le lui dire constamment : députés, sénateurs, juges, maires et autres habituellement le comparaient à Philippe de Macédoine, Alexandre le Grand, Jules César, Fernando Cortez, Napoléon, Pierre le Grand, etc.

Trujillo, le mulâtre à la couleur de rat, se sentait plus grand que les plus illustres empereurs égyptiens. On l'appelait Héro, Titan, Pontife, Messie, Demi-dieu, Sauveur de la Patrie, Homme d'État Clairvoyant, Le Très Sage, Père du Peuple, Vaillant et Brave Leader, etc. Il était aussi Amiral, quoique la marine de la République ne possédât qu'un seul petit bateau et « last but not least » il était Docteur, non pas pour avoir écrit ou lu des livres, mais pour avoir vendu un terrain à l'Université pour la somme de 100,000 dollars, terrain qu'il avait exigé que le propriétaire, le Sénateur Mota, le lui vende pour 10,000 dollars. 

Un jour, Jacinto Peynado, ex vice-président que le dictateur avait lui-même mis à ce poste, pour avoir à nouveau ses faveurs, fit mettre une enseigne lumineuse devant sa maison. Les techniciens écrivirent « Dieu et Trujillo » l'ex vice-président, affolé, s'empressa d'aller voir le Bienfaiteur de la Patrie, se mit à genou et implora son pardon d'avoir mis le nom de Dieu  avant le sien. Il devint par la suite Président par la grâce du Bienfaiteur, mais c'était toujours Trujillo qui commandait.

 

Rafaël Léonidas Trujillo Molina, président de la République Dominicaine

 

Il croulait sous le poids de ses médailles, ses sujets passaient des nuits à penser à de nouvelles décorations pour l'honorer lui et sa proche famille. Un jour, le Listin Diario publia ce que de riches admirateurs pensaient de lui, et le journal publia une page remplie de slogans comme :

 « Choisi de Dieu, Sagesse Infini, L'Incarnation de la Sagesse, L'Ame du Peuple Dominicain, » etc.

Le dictateur ne courrait pas de risque, il s'entourait de gardes armées et ne circulait qu'en voitures blindées. Il recevait parfois des visiteurs en braquant des mitraillettes sur eux et au cours des banquets, il entourait son plat d'un pistolet de chaque coté.

Une fois, un serviteur laissa tomber un plat, et Trujillo saisit ses deux pistolets et le fit courir en tremblant.

En écoutant toutes les flatteries et les paroles mielleuses à son égard, on aurait pensé que le dictateur était le chef le plus aimé de ses sujets.

Extrait de « Je suis dans la mêlée »

 

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Publié le 12 juillet 2016, mis à jour le 21 février 2024

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