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LIONEL VIEUX - Patriote haïtien et héros en République Dominicaine

Écrit par Lepetitjournal République Dominicaine
Publié le 4 août 2016, mis à jour le 4 août 2016

 

 

Lionel Vieux, photographié dans les bureaux du quotidien El Dia

 

Dans le cadre de la commémoration d'avril 1965 qui marque le débarquement des marines américains sur le territoire dominicain, Lionel Vieux, un autre haïtien qui a lutté pour défendre la souveraineté dominicaine, n'est pas oublié.

La presse dominicaine, Acento.com, El Dia, La Républica et autres, ainsi que des institutions de prestige comme le « Museo de la Resistencia »,  lui ont tous rendu hommage.

La République Dominicaine n'oublie pas ses « benefactores », Lionel Vieux est un de ceux-là et il leur rappelle cette lutte pour défendre la souveraineté de leur pays. On se  souvient bien du commando haïtien, ce groupe formé d'une cinquantaine d'haïtiens sous le commandement de Fred Baptiste. Lionel Vieux y faisait parti et quand les yankees pénétrèrent à Santo Domingo, ils étaient tous prêt à affronter l'envahisseur. On se souvient de l'haïtien Capito Lafontant dont la photo au dessus d'un char d'assaut, un blindé, fit la une de certains journaux européens.

 

Le journaliste José Luis Soto nous rappelle que la  République Dominicaine commémore chaque 24 avril l'anniversaire de la Révolution de 1965. Elle se remémore et honore ceux qui participèrent au combat comme ceux qui y ont donné leur vie pour défendre une si noble cause.

Ils étaient des milliers à mourir, beaucoup de sang coula au cours de cette guerre civile au cours de laquelle des dominicains qui n'ont jamais sût ce que c'était que la démocratie, appelèrent les yankees à venir envahir leur pays. Le sang de Jacques Viau est mêlé à ce sang qui a coulé pour défendre la terre Quisqueya.

 

L'haïtien Jacques Viau au centre portant un béret.

 

Pour sa loyauté, pour sa solidarité, pour son amour de notre patrie, le peuple dominicain lui vouera une éternelle reconnaissance. Il est le ciment qui un jour solidifiera l'amitié haïtiano-dominicaine.

Monsieur Soto nous dit en outre que Jacques Viau, était un haïtien cultivé, fils d'un important leader politique haïtien, candidat à la présidence, qui fuyait la dictature qui s'était établi en Haïti à cette époque. La famille se refugia ainsi en République Dominicaine.

Les faits tels que relatés par le journal « Le Monde »

Dans ses reportages du 21 mai et du 5 juin 1965, Marcel Niedergang, nous relate les faits : « Après  l'exécution en 1961 du dictateur Rafael Leonidas Trujillo, Juan Bosch est élu à la Présidence de la république avec le soutien des classes populaires et du Parti révolutionnaire dominicain. Dès sa prise de fonction, il lance de profondes réformes.

Le 25 septembre 1963, le colonel Elías Wessin de l'armée de l'air dominicaine chasse Juan Bosch du pouvoir et le 24 avril 1965, un groupe d'officiers, dirigé par des colonels dont Francisco Caamaño, avec un soutien populaire massif, lance un mouvement civilo-militaire pour le rétablissement de la constitution de 1963 et le retour de Juan Bosch à la présidence.

Quatre jours après la victoire du peuple dominicain, le président Lyndon B. Johnson ordonne l'invasion de la République dominicaine. Avec le soutien de l'Organisation des États américains (OEA) et sous le couvert de ne pas permettre à un autre Cuba dans la Caraïbe, il lance 42 000 Marines dans l'opération “Power Pack”. Cette invasion sera la deuxième en moins de 50 ans. Elle durera un peu plus d'un an et entrainera le massacre de milliers de dominicains.

Le 1er juillet 1966, les élections porteront au pouvoir Joaquín Balaguer, un docile collaborateur de Trujillo. Contraint à l'exil, Juan Bosch s'installe en Espagne ».

 

Les colonels Francisco Caamaño, Rafael Tomás Fernández Domínguez et Juan María Lora Fernández furent les leaders militaires de la Révolution d'Avril et Silvano Lora, le peintre de l'âme et du coeur d'un peuple invalide et Jacques Viau Renaud le poète haïtien  qui fit de la République Dominicaine agressée et piétinée un poème intemporel.

 

La résistance populaire dominicaine.

« Les milices populaires ont craqué devant les chars et les mitrailleuses dans les quartiers nord de Saint-Domingue. Après quatre jours et quatre nuits de violents et sanglants combats, les troupes du général Imbert ont finalement réussi à pousser leur avance jusqu'aux approches de l'avenue Duarte et du marché de Villa-Consuelo.

 

Dans la basse ville, on dresse des barrages de bidons d'huile assez dérisoires qui voudraient être des barricades, ou l'on s'embusque derrière des camions de livraison renversés. Les armes sont disparates, les costumes aussi. On voit des civils en casque rond et bas, et des militaires en calot… Les revolvers gonflent les poches des blue-jeans des employés et des étudiants et toutes les femmes décidées à combattre, sont en pantalon…

La foule paraît à la fois insouciante et déterminée. Quand les chasseurs du colonel Wessin y Wessin apparaissent en rase-mottes dans l'axe du pont, des milliers de poings se lèvent avec fureur vers les appareils. Après le crépitement des rafales, des dizaines de corps restent recroquevillés sur le sol, et la foule reflue vers les maisons. Mais elle revient et chaque passage des appareils suscite la même explosion de colère impuissante et de défi insensé, et laisse une nouvelle traînée de cadavres. Mais il semble décidément qu'il faudrait tuer toute cette ville pour lui faire quitter le pont Duarte. Le lundi 26 avril au matin, l'ambassadeur Tapley Bennet Jr. est rentré de Floride et le soir le “navire d'assaut” SS Boxer avec quinze cents “marines” à bord arrive devant Saint-Domingue ».

« Dans cette société marquée par le machisme, hérité de la culture hispanique, le combat des femmes, qui s'était davantage porté sur la poésie ou l'éducation, en 1965, a rejoint la révolution. Comme Teresa Espaillat Hernández, Amadea M. Conde de Isa (Doña Chelito), Carmen Ascuasiati de Alfau, Delta Bohemia Soto Grullón, Emma Tavarez Justo, Magaly Pineda ou Belkis Maldonado, elles animeront des ateliers de culture populaire, de politique, d'alphabétisation ou de propagande. Mais elles assumeront également des tâches logistiques ou la préparation des cocktails molotov. Et les armes à la main, elles résisteront aussi à l'invasion des Etats-Unis. »

 

Lionel Vieux est un de ces Haïtiens, héros anonymes.

Lionel appartenait avec ses compatriotes haïtiens au Commando B3, auquel appartenait aussi le poète Jacques Viau, Fred Baptiste le « camoquin », Norge Botelo, Diomedes Mercedes.

En avril 1965 quand les marines américains envahirent pour la seconde fois le territoire dominicain, ce groupe d'haïtiens, qui fuyait la répression du gouvernement Duvalier et qui s'était refugié chez le voisin dominicain ne se fit pas prier et ne réfléchit pas deux fois avant de se présenter au combat.

Certains comme Jacques Viau trouvèrent la mort en plein combat, d'autres furent victimes de la dictature et connurent la prison et l'exile et comme le mentionne certains membres de la presse dominicaine, « leurs souvenir fut pendant un temps effacé, sinon par la mort, du moins par l'oubli et l'exil impie ».

 

Jacques était un haïtien intégral qui aimait son pays et détestait la dictature. Quand survint Avril 1965, ce jeune d'à peine 22 ans, qui déambulait dans la petite ville qu'était lors Santo Domingo, avec son cahier de poésie sous les bras, s' est immédiatement unie aux jeunes dominicains pour les aider à défendre leur drapeau, et je me souviendrai toujours de sa voix sereine et de ses yeux clairs disait de lui Tony Raful.  

Son ami Lionel Vieux est un de ces haïtiens, héros anonymes, qui ont versé leur sang pour défendre une patrie qui n'est pas la leur, mais qu'ils aimaient et qu'ils aiment toujours. Compagnon de Jacques Viau, il est fier d'avoir risqué sa vie pour défendre la République Dominicaine, il n'avait que 27 ans. Il faisait parti d'un groupe d'exilés haïtiens qui s'entrainaient pour renverser François Duvalier quand survint la Révolution d'avril.

Amanda Castillo nous dit comment avec passion et simplicité Lionel Vieux raconta comment il passa les jours de la révolution aux cotés de ses compagnons de lutte dominicains, mais aussi haïtiens, français et italiens. Quelques uns d'entre étaient présents et c'est après cinquante ans qu'ils se retrouvèrent. Parmi ceux la, il y avait Fafa Taveras, José René Suarez, El Gordo Oviedo, Narciso Isa Conde, Máximo Cardoze Peralta, Marcos Matos et d'autres anciens combattants qui accoururent pour partager ce moment avec leur ancien camarade de combat Lionel Vieux.

Au cours de son exposé, il déclara comme nous le rapporte le quotidien El Dia :

« Je crois que j'étais le premier haïtien à prendre asile à l'Ambassade dominicaine en Haïti à la chute de  Trujillo et quand je suis arrivé à Santo Domingo, j'ai pris contacte avec Jacques Viau et tous les groupements révolutionnaires d'ici, parmi lesquels le Groupe du 14 juin, le MPD et le Parti Socialiste. »

« Je me souviens de la solidarité de beaucoup de dominicains qui me donnèrent du travail et qui me louèrent une chambre ou de ce tailleur qui me permit de dormir sur sa table de travail avec deux autres exilés haïtiens. Je fais des efforts pour me rappeler le nom du propriétaire d'une pension de famille de Santomé qui me donnait à manger et des cigarettes attendant patiemment le jour ou je  pourrais payer, sachant que peut-être ce jour ne viendrait jamais. »

Lionel Vieux, n'a pas regardé d'abord la couleur du drapeau avant de défendre la République Dominicaine. Toujours au cours de son récit au Musée du Souvenir de la Résistance Dominicaine, il nous raconte :

« Nous étions jeunes, nous avions un idéal et nous étions reçus dans un pays ou il y avait aussi une dictature qui avait massacré beaucoup de gens et qui était en pleine transformation après avoir mis fin à la vie du dictateur. Le Commando B-3 était formé d'un groupe de dominicains et d'haïtiens, lesquelles se sont unis à la ferveur d'un peuple qui n'était pas disposé à accepter un président qui fut l'émule de Rafael Leonidas Trujillo. »

Après sa participation à la Guerre, il fut détenu prisonnier pendant 18 jours et dès sa mise en liberté, il trouva du travail dans une plantation de canne à sucre de la région de l'Est. Là il fut séquestré et mis de force dans un avion sans savoir où il serait conduit. A l'atterrissage, il se rendit compte qu'il était dans l'ile de Curaçao.

De là, après de nombreuses démarches, il pût obtenir un visa pour Cuba ou il passa 30 ans, loin de son pays et des siens. Il ne put retourner en Haïti qu'en 1986, à la chute de Jean-Claude Duvalier, fils du dictateur qui devint lui aussi président, remplaçant son père. 

L'opinion de Lionel Vieux sur l'actualité et les relations des deux pays.

Pour revenir dans l'actualité, l'opinion de Lionel Vieux compte pour les dominicains, il a gagné ce droit et peut dans la presse dominicaine émettre son opinion librement. Il a partagé sa vision sur les relations dominico-haïtiennes, sur la crise actuelle entre les deux nations. Selon ce qu'il a révélé au journal, il ne se laisse pas influencer par ce que disent les extrémistes de tout bord des deux pays, qui ne cessent d'attiser le feu pour une confrontation.  

Lionel Vieux analyse plutôt le problème dans l'optique de la lutte des classes. Il explique que l'haïtien qui vient en République Dominicaine, n'y vient que  pour travailler, pour sa survie. Les conditions ne sont pas dictées par lui et encore moins s'il est un analphabète qui ne peut pas même compter sur la représentation diplomatique de son pays.

Quelque soit l'endroit, l'haïtien y va que pour travailler. S'il y a lutte de classes, elle ne viendra pas d'eux, mais des travailleurs qui appartiennent à un bloc de gens exploités. Voila ce que nous enseignent les différentes luttes à travers le monde dit-il.

Il considère Michel Martelly comme un démagogue qui s'est conduit de façon irresponsable face au peuple haïtien. Il condamne en outre le rappel de l'ambassadeur Daniel Supplice pour avoir fait une autocritique du gouvernement qu'il représentait. En effet l'ambassadeur Supplice avait qualifié de fiasco la tentative du gouvernement de Martelly de doter les haïtiens illégaux en République Dominicaine, de documents d'identification authentiques.

Il pense que le plus gros effort pour résoudre les problèmes doit venir d'Haïti et de son  gouvernement, cependant il considère que ceci n'exonère pas le gouvernement dominicain de sa responsabilité première qui devrait être l'amélioration des conditions de vie des travailleurs, qu'ils soient dominicains, haïtiens ou autres.

Quand El Dia voulut savoir qui bénéficie de la détérioration des relations entre les deux pays, il répondit:

« Je ne peux pas vous dire qui en profite, mais je peux vous certifier que les grands perdants sont les masses populaires. Mais j'avertis quand même que le conflit actuel entre les deux pays est entretenu dans l'opinion publique pour perpétuer des intérêts de certains dirigeants aussi bien en Haïti qu'en République Dominicaine. Je pense que ce sont les masses populaires qui sortent perdantes et je pense que tout doit être fait pour éviter qu'on se moque d'elles».

Et quand le journal  voulut connaitre son opinion sur la question d'unification de l'ile. Cette idée, que certains dominicains pensent à tord, qui serait prônée par la communauté internationale est pour lui une grosse blague : «Nous avons deux cultures différentes » précise t-il.

 Il est catégorique à repousser cette idée, cela ne se fera jamais dit-il, mais il voit plutôt la nécessité d'une relation harmonieuse, pacifique, entre les deux peuples.

 Pour cela ne faudrait-il pas réécrire les livres d'histoire utilisés dans les écoles? Des versions historiques, dans les deux pays, qui n'aident nullement à l'harmonie entre les deux peuples. C'est nous qui soulignons.

 Pour cet homme qui lutta au côté de Caamaño et des Constitutionalistes de 1965, la réunification de la République Dominicaine et d'Haïti est impossible et celui qui a émis cette idée n'est pas bien de la tête.

« J'écarte toute possibilité d'unification et je critique sévèrement l'irresponsabilité de Martelly »  qui l'avait suggéré dans une boutade très mal perçue.

 

(www.lepetitjournal.com/république-dominicaine)Mercredi 3 aout 2016

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Publié le 4 août 2016, mis à jour le 4 août 2016

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