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LA BACHATA - Origine, préjugé et exclusion culturelle

Écrit par Lepetitjournal République Dominicaine
Publié le 12 août 2016, mis à jour le 16 août 2016

 

Les nouveaux rois de la Bachata,Juan Luis Guerra et Romeo Santos

 Le genre musical que nous connaissons tous, la Bachata, a une origine chargée de préjugés, de mises à l'écart, de hontes, d'exclusions sociales et de persécutions. Mais c'est aussi, le fruit d'une force qui a  imposé à la culture nationale cette musique transcendante qui a pu  conquérir le respect de ses détracteurs et même se faire aimer par eux.

 

La Bachata

Jusqu'à présent aucunes études historiques, sociologiques et anthropologiques n'ont réussi à lever, d'une manière concluante, le voile d'obscurité qui accompagne sa création à la fin du XIXe siècle, quand, fruit de l'hybridation, elle s'est manifestée aux Caraïbes espagnoles et  commença à faire ses premiers pas dans quelques villes du pays. Ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui nous avons une tranche de notre culture qui nous parait belle, ainsi qu'aux étrangers, et sans crainte on peut dire que, avec la meringue si cadencée, la bachata fait partie de la culture musicale des dominicains.

 

                         Cuco y Martín Valoy

 L'académicien de la UASD (l'Université autonome de Santo-Domingo), Luis Ulloa dans son livre  «  La bachata de hoy cara de moneda », l'a définie, il y a plus de trente ans et a touché les éléments constitutifs de son passé, comme l'avait antérieurement fait  Arístides Incháustegui; mais, comme d'autres auteurs, il situe sa naissance pendant les jours qui précèdent la fin de la dictature de  Trujillo : surgissant au  début des années soixante, nous dit Ulloa.  

La Bachata est  « une manière particulière d'expression musicale, de thématique principalement amoureuse, créée par des secteurs du peuple dotés de connaissances musicales et littéraires rudimentaires  et de par sa condition sociale et culturel, se trouvant ainsi empêchés de canaliser leurs sentiments et inquiétudes à travers des instruments musicaux coûteux et complexes ».

 

La Bachata comme genre, n'a pas surgi d'un coup au début des années soixante, il est très possible qu'elle commença à éclore à partir de la mort de Trujillo en 1961, mais  avec l'utilisation de la guitare sèche, le bongo rythmé avec le tambour et d'autres instruments, elle finît par attirer l'attention des classes moyennes. Cependant, dans le goût du peuple, déjà, la Bachata était une réalité palpable confinée dans les endroits les plus pauvres, appréciée sans honte dans les quartiers les plus populaires et dans beaucoup de villes de province et dans les campagnes profondes de la République.  

Une réalité dans la Capitale, sa présence s'étendait depuis Borojol, Villa Francisca et la rue Barahona ou l'on dansait sans honte, dans les avenues Duarte et Mella dans les points de ventes de disques de 45 tours, s'échappant des bars et des cabarets de mauvaise fréquentation pour s'intégrer dans les autres quartiers avec le volume strident des juke-boxes installés dans les épiceries (colmados). A cette époque rares étaient les émettrices de radio qui osaient la mettre en onde  comme « Onda Musical » , « La Voz del Trópico », et spécialement « Radio Guarachita ». Mais pour ces stations, la Bachata était une musique qui leur venait de loin.

 

Le chanteur lyrique Arístides Incháustegui, dans son livre «Por amor al arte» (1995), a écrit que le musicologue don Julio Alberto Hernández, qui est né en 1900, lui a raconté qu' «une fois  il a pu voir les partitions de quelques « Guarachas »  composées par Julio Acosta de la Vega, à la fin du siècle passé. Ces partitions possédaient toutes les caractéristiques du rythme des joueurs de Bachata et après avoir découvert cette information don Julio se demandait si on préférait appeler « Guarachas » les vrais Bachatas, pour éviter l'usage de ce terme, considéré de mauvais goût entre les gens de la haute société, stigmate qui s'est maintenu en vigueur dans le pays et  encore récemment.

 

Joseito Mateo

 

                              Joseito Mateo

 Joseito Mateo, le « roi du merengué » qui déjà était un chanteur populaire reconnu dans les années quarante, est une référence importante quand on parle de l'histoire de la Bachata. Et c'est lui qui le premier dit au journaliste Charles Céspedes, que la Bachata était plus vieille que le Merengué, et que pour cette seule raison on devait l'introduire au Théâtre National. Naturellement, au moment de cette déclaration, personne n'osait la proposer comme faisant partie d'une présentation artistique.

 

Joseito Mateo: “El negrito del batey”, une Merengue pour comparer avec la Bachata

https://www.youtube.com/watch?v=8ghLaBYfhCQ

 

 Bachateros

Un autre chanteur contemporain du «diablo Mateo", fût Francis Santana «El Songo", qui devint populaire en interprétant des Boléros, des Sons et des Merengues dès les années quarante, mais comme il le disait lui-même, la Bachata ne lui plaisait pas. Santana déclara en 2004 au journal Listin Diario , qu'il ne chantait pas la Bachata « parce que c'était une musique pour les  relâches d'arrières cours, en improvisant avec une guitare. Maintenant dit-il, c'est un rythme, ce sont des chanteurs professionnels qui l'interprètent, mais elle ne me plaît toujours pas ».

Alors qu'Inocencio Cruz, chanteur de Bachata qui a été très connu dans les temps dans lesquels ce rythme ouvrait un chemin dans le goût des Dominicains, et on peut le considérer comme l'un des pères de la Bachata (si nous avons trois Pères de la Patrie, pourquoi ne pas avoir plusieurs pères de la Bachata ?). Son témoignage a été publié sous le titre de « Origine du genre », et dans lequel il parle de la naissance de ce rythme. Dans les années quarante et cinquante, la Bachata était marginalisée, y explique t-il. C'était une musique propre aux bars, aux lupanars  et aux centres de danses des quartiers pauvres que fuyait la bonne société.  Il précise que ce fût José Manuel Calderón qui l'a catapultée à d'autres espaces sociaux, quand il fît enregistrer « Qué será de mi ». Cruz a aidé à nettoyer la Bachata et  Rafaelito Encarnación l'a suivi dans ce sens.

 Pour Inocencio Cruz, les responsables de l'essor de la  Bachata, dans les années soixante, étaient José Manuel Calderón, avec son enregistrement  « Qué será de mi », suivi de Rafaelito Encarnación avec  «Muero contigo», Luis Segura avec «Cariñito de mi vida» et le même avec son tube «Amorcito de mi alma».

 

 

           Luis Segura, El Añoñaito

 En même temps d'autres chanteurs sont devenus populaires, dont certains n'étaient pas dominicains : Paquitín Soto, Felipe Rodríguez,  Odilio González (El Jibarito de Lares), Tommy Figueroa, Olimpo Cárdenas et José Manuel Glass (El Gallito de Manatí).

Melida Rodríguez , connue sous le nom de “La Sufrida”.

 

Il ne faut pas oublier la chanteuse Melida Rodríguez (La sufrida) et Léonard Paniagua qui s'est converti en « phénomène musical de La Guarachita » après la Guerre d'Avril 1965, avec la chanson « Chiquitica », et Fabio Sanabia (El Policia), avec « Obediencia » et « No me interesa ».

 

Cependant quelques années avant 1961, au cours desquelles ces joueurs de Bachata commencèrent à se faire connaître, d'autres avaient déjà parcouru le difficile chemin pour s'imposer au goût des Dominicains, dans des temps ou beaucoup ne voulaient rien savoir de cette musique ou de cette danse. L'affirmation à savoir qu'elle a surgi après la décennie des années cinquante, entre 1960 et 1961, est discutable. Ce qui s'est passé vraiment c'est son irruption dans la société et sa transformation en un genre musical.

 

Avant, les chanteurs qui l'interprétaient étaient inconnus parce qu'ils n'avaient pas eu la chance de se faire graver dans un studio d'enregistrement, ou encore de s'y dévouer professionnellement comme les artistes le font de nos jours. Il est juste de faire remarquer que Cuco Valoy fût l'un des premiers  à chanter et à enregistrer des Boléros avec des guitares, des bongos et des maracas, aussi tôt que 1957, bien qu'il ne les identifiasse sous le nom de Bachatas.

 

Cuco Valoy et les Ahijados

 

                                   Cuco Valoy 

 

Cuco Valoy et Los Ahijados se sont présentés en 1958, mais bien avant lui, on pouvait remarquer Crucito Pérez, qui devint populaire autant dans le pays qu'à l'étranger et qui fut chanteur de l'Orchestre de José Dolores Cerón.

En 1944, on le considérait comme l'un des chanteurs de Bachata les plus populaires et de plus chanteur de l' « Orchestre National » et du groupe  « Anacaona », de Joseito Román, qui a popularisé à un degré superlatif les chansons antillaises « Ampárame » et « Pero qué rubia » et il eût ainsi  le privilège d'être le premier à chanter la délicieuse meringue «  Vale Toño ».

 Don Paco Escribano s'est chargé de le baptiser du surnom de « Le Scarabée qui chante », mais plus tard, quand il devint chanteur de l'orchestre de Cerón, que dirigeait Tavito Vásquez, il se fit connaître comme Crucito « El Pescaito ».

Cuco, dont le prénom était Pupo, d'où son nom d'artiste  « Le Pupi de Quisqueya », fit sa première apparition dans un spectacle artistique, le samedi 31 mai 1958. Il était accompagné de son frère Martin Valoy sous le nom de duo « Los Ahijados », au théâtre Arelis du quartier Ozama, situé à l'avenue Venezuela au coin de la rue Président Vásquez.

En 1957 il commença à se faire connaître à la télévision grâce à sa participation au programme « En Cherchant les Étoiles » qui était retransmis par « La Voz Dominicana » et en 1958 il travaillait déjà avec Radhamés Aracena, le premier qui enregistrait et faisait des disques de Bachatas. C'est ce dernier qui l'a engagé pour enregistrer dans son studio et qui fût responsable de son lancement au niveau national sous le nom de « Los Ahijados ».

 

Juan Luis Guerra et Romeo Santos: Frio! Frio!  

https://www.youtube.com/watch?v=zHhza3EgHe8

 

Par la chronique du journal « El Caribe » en juin 1958, le groupe de Cuco Valoy fut connu grâce à ses enregistrements, parmi ceux qui se distinguaient on peut citer les chansons à la mode dans le style des « Compadres », « Yo no tengo quien me quiera » et  « En la copa de licor ». Une autre de ses chansons qui devint très populaire «  El Amargado », a été  chantée par le fameux Daniel Santos.

 

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Cuco Valoy: El Africano

https://www.youtube.com/watch?v=z8wCCOe-wOs

Le chanteur Crucito Pérez en 1958.

 

A partir de ces informations, peut-être serait-il mieux que les spécialistes de la Bachata  divisent sa formation ou son origine, en trois périodes :

1) le processus d'hybridation du dernier quart du XIXe siècle, avec la conjonction de musique dominicaine, cubaine et portoricaine, résultat de l'immigration caribéenne en République dominicaine,

2) la naissance de ce genre musical qui déjà au début des années vingt était marqué comme tel, 

3) à partir de 1960 quand il avait été établi déjà comme une modalité musicale avec un enracinement populaire qu'il s'est étendu dans tout le pays jusqu'à l'aujourd'hui.

 

Ce qui est sûr et il faut le souligner, la Bachata a évolué durant toutes ces années, et le Boléro accompagné d'instruments à corde et de percussion n'a pas cesser de se transformer, alors que les premiers chanteurs de Bachata disparaissent du milieu artistique. Jusqu'à maintenant sont encore présents sur la scène : Cuco Valoy, José Manuel Calderón, Luis Segura, Inocencio Cruz et Léonardo Paniagua, indiscutables représentants  qui ont marqué une étape importante dans l'histoire de la  Bachata. Ce genre musical hier encore discriminé et exclus, mais maintenant des rois, des reines et des messieurs distingués, l'applaudissent tous, et parmi eux beaucoup de ceux qui la repoussaient et la condamnaient. Et comme dit cette chanson que Ramón Torres a mise à la mode, « Señora Bachata »: « Je t'aime depuis l'époque où/On te disait ordinaire. /Quand on était au bar/Près du juke-box payant/Toujours je te chantais. /Quand je n'avais pas le sou/Et tu plaisais à tous. /Et je savais que dans leur esprit/Tu étais la première ».

 Alejandro Paulino Ramos

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12 de agosto de 2016

Traduction et adaptation: 

lepetitjournal.com/republique-dominicaine

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Publié le 12 août 2016, mis à jour le 16 août 2016

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