Le créole haïtien ne doit pas être confondu avec le français haïtien. Il est parlé dans différentes régions et pays d'Amérique du Sud : notamment Haïti, la Martinique, la Guyane et/ou les Bahamas. On compte environ 10 millions de locuteurs en Haïti, 2 millions en dehors du pays.
Le créole haïtien, en créole : kreyòl, est une langue créole parlée par 10 millions de personnes en Haïti et environ 2 millions dans le reste du monde, surtout aux États-Unis. Il s'agit d'un créole à base française avec des influences de diverses langues ouest-africaines et centre-africaines comme le wolof, le fon, l'éwé, le kikongo, le yoruba et l'igbo. Depuis 1987, le créole haïtien est reconnu comme langue officielle d'Haïti à côté du français[2], grâce à la mobilisation de nombreux écrivains et intellectuels haïtiens et de linguistes tels que Pradel Pompilus et Pierre Vernet. Seule une minorité de locuteurs (généralement estimée à moins de 10% de la population) est effectivement bilingue. Son utilisation littéraire est anecdotique mais croissante, par contre la langue est utilisée dans les médias : les journaux et la radio.
Variétés
On distingue trois variantes dialectales : le créole du Nord (incluant Cap-Haïtien), le créole du Centre (dont la capitale Port-au-Prince), et le créole du Sud. L'intercompréhension entre ces trois variétés de créole haïtien demeure aisée, malgré les différences phonétiques ou lexicales, d'autant que les habitants du pays parlent à la fois leur propre dialecte régional et celui de Port-au-Prince pour des raisons pratiques.
Les pronoms personnels du créole haïtien
Singulier1re personne : mwen/ m (en forme contractée) = je
- 2e personne : ou / w (en forme contractée) = tu / vous (au singulier)
- 3e personne : li / l (en forme contractée) = il / elle
Pluriel1re personne : nou / n (en forme contractée) = nous
- 2e personne : nou / n (en forme contractée) = vous
- 3e personne : yo / y (en forme contractée) = ils / elles
On peut trouver également « vou » et « ou » pour dire « vous ». « zòt » comme dans les Petites Antilles est parfois attesté dans le Nord d'Haïti. La reconnaissance est donc un phénomène de contexte.
Adjectifs
Comme il n'existe pas de réelle distinction de genres en créole (yon bèl fi, yon bèl gason, yon bèl chwal), les adjectifs ne varient pas toujours en genre ; nous signalons ci-dessous quelques cas d'exception. En second lieu, tout comme les substantifs, ils ne varient pas non plus en nombre : le contexte ou le pronom personnel utilisé (mwen, ou, li, nou, yo) marquent ou le singulier ou le pluriel.
Ainsi, l'on dira : yon bèl fanm, yon bèl gason ; yo gwo, nou kontan, li trankil (« ils sont grands, nous sommes contents, il est tranquille ») ; bèl nonm sa yo, bèl legliz sa a, etc.
Notons cependant ceci :
- a) l'adjectif créole peut avoir emprunté au français ou la forme masculine (bon, méchant) ou la forme féminine (belle, courte) :
- Nonm nan mechan ; fi a mechan ; ti gason an kout ; ti fi a kout ;
- b) certains adjectifs comportent une forme masculine et une forme féminine :
- vòlè, vòlèz ; visye, visyèz.
Quant aux adjectifs substantivés servant à désigner la nationalité, ils connaissent en principe les deux genres : Ayisyen, Ayisyèn (Haïtien, Haïtienne) ; Kebekwa, Kebekwaz (Québécois, Québécoise) ; Kanadyen, Kanadyèn (Canadien, Canadienne) ; Ameriken, Amerikèn (Américain, Américaine) ; Fransè, Fransèz (Français, Française) ; Anglè, Anglèz (Anglais, Anglaise), etc.
Pour désigner les natifs d'une région particulière d'Haïti, le créole n'utilise presque jamais le gentilé français (par exemple : Capois, Capoise). Il recourt de préférence à une courte périphrase formés du mot moun et du nom de la région dont il s'agit :
- moun Jakmèl (Jacmelien / Jacmelienne), moun Gonayiv (Gonaïvien / Gonaïvienne), moun Senmak (Saint-Marcois / Saint-Marcoise).
Les temps verbaux du créole haïtien
Le créole haïtien possède 10 temps verbaux qui proviennent tous des divers dialectes français. La section suivante donne le sens de chaque temps en français ; elle examine également leurs origines étymologiques. Le verbe pale (parler) sera utilisé comme exemple.
Étymologie de pale
Pale vient de parler qui vient du mot grec parabolê par le latin du viie siècle parabolare. La mutation de parler à pale s'explique facilement par le fait que les consonnes [l] et [?] sont toutes deux des liquides ; certaines langues comme le coréen ne font pas la distinction entre ces deux lettres. La juxtaposition de deux consonnes liquides (comme c'est le cas dans parler) rend assez probable une élision, l'élimination de l'une d'entre elles.
Le présent
Pale (Parler) présent
Mwen / M ? pale Nou ? pale
Ou ? pale nou ? pale
Li ? pale Yo ? pale
Le présent en créole est employé un peu comme on utilise le présent de l'indicatif en français : pour décrire une action habituelle. Donc, dire mwen pale, c'est exprimer qu'en général, je parle et non pas je parle maintenant. NB : La première et la deuxième personne du pluriel du français s'expriment en haïtien de la même façon : Nou.
Le progressif du présent
Pale (Parler) progressif du présent
Mwen / M ? ap pale Nou / N ? ap pale
Ou / W ? ap pale Nou / N ? ap pale
Li / L ? ap pale Yo / Y ? ap pale
Ap ou Ape
Le progressif du présent en créole haïtien (m'ap pale) se traduit en français par la locution française « être en train de parler », ou juste le présent simple. On utilise ce temps à peu près comme on utilise son équivalent anglais « I'm talking ». C'est aussi plutôt similaire à la phrase « estoy hablando » en espagnol.
L'étymologie de ce temps est assez claire ; dans plusieurs dialectes du français, on dit : « Je suis après parler. » pour dire « Je suis en train de parler. ». Puisqu'on a arrêté d'utiliser « je » en créole haïtien ? en le remplaçant d'abord par « moi » et plus tard par « m' » ? il est clair qu'on n'a fait que supprimer « suis ». Il est bien naturel qu'« après » a été changé en « ap » ? l'élision du -re terminal étant assez fréquente.
Prétérit
Pale (Parler) Prétérit
Mwen / M - pale Nou ? pale
Ou - pale Nou ? pale
Li ? pale Yo ? pale
'Ou'
Pale (Parler) Prétérit
Mwen / M ? fèk pale Nou ? fèk pale
Ou ? fèk pale Nou ? fèk pale
Li ? fèk pale Yo ? fèk pale
On remarque que le prétérit possède exactement la même structure. Pour distinguer les deux temps verbaux, on ajoute d'autres mots pour signifier que l'action décrite a eu lieu dans le passé. Par exemple, pour exprimer le présent (« Ils parlent. »), on dit : « Yo pale. », mais pour exprimer le passé (« Ils ont parlé. »), on dit : « Yo fai'k pale. » Cette construction vient de la phrase : « Ils n'ont fait que parler. », qui est devenue « Ils ont fait que parler. », puis « Ils fait que parler. » avant la création du mot fai'q.
Passé
Pale (Parler) Passé
Mwen / M ? te pale Nou ? te pale
Ou ? te pale Nou ? te pale
Li ? te pale Yo ? te pale
Le sens de ce temps est semblable à celui du passé composé en français. Quant à son étymologie, le té vient d'esté, une ancienne forme du participe passé d'être (été). Dans plusieurs dialectes français (normand, angevin), on disait par exemple : « J'ai té », au lieu de dire « J'ai esté ». La forme composée rendait l'idée d'accomplissement (comme aujourd'hui). On a donc utilisé té pour former un temps parfait. En dépit de ce qu'on pourrait penser quand on songe à la construction du passif en français qui utilise être, le sens de ce temps est actif.
Progressif de passé
Pale (Parler) Progressif de passé
Mwen / M' ? t'ap pale Nous ? t'ap pale
Ou ? t'ap pale Nou ? t'ap pale
Li ? t'ap pale Yo ? t'ap pale
Si le sens de ce temps n'est pas très difficile à comprendre pour un anglophone ou un francophone, son étymologie est un peu plus compliquée.
Étymologie
T'ap vient d'un mélange entre le té qu'on voit pour former le parfait, et l'ap qui s'utilise pour former le progressif du présent. (Rappel : té et ap viennent respectivement, d'été et d'après).
Ainsi, d'un point de vue lexical et étymologique, le progressif du passé n'est qu'une combinaison du progressif du présent et du parfait. Au début de la langue créole haïtienne, on disait :
« J'ai té après parler. », ce qui est devenu l'actuel « M' t'ap pale. » par les forces de compression. Ces deux phrases se traduiraient, en français, par : « J'étais en train de parler. »
Imparfait
Pale (Parler) Imparfait
Mwen / M' ? konn pale Nou ? konn pale
Ou ? konn pale Nou ? konn pale
Li ? konn pale Yo ? konn pale
Il existe une petite différence de sens entre l'imparfait français et son équivalent créole, car ce dernier ne veut pas seulement dire « Je parlais », mais plutôt « Je parlais, mais je me suis arrêté de parler. »
Étymologie
Le konn dont se forme ce temps vient de connaître. Ainsi, on disait autrefois en proto-créole : mwen konn pale avec le sens de « Je sais parler. ». Cette idée s'est changée en le nouveau sens (je parlais, mais je m'en suis arrêté) par un processus encore inconnu.
Plus-que-parfaitPale (Parler) Plus-que-parfait
Mwen / M ? te fin pale Nou ? te fin pale
Ou ? te fin pale Nou ? te fin pale
Li ? te fin pale Yo ? te fin pale
Le plus-que-parfait s'emploie, comme en français, pour décrire une action qui a eu lieu avant que l'action principale dans le récit ait eu lieu. Ainsi, la phrase : « J'avais déjà parlé quand il a dansé. » se traduit en créole haïtien par « M'té fine déjà pálerló lui té danser. » (le plus-que-parfait est en italique).
Étymologie
Ce temps se compose avec fin, qui vient de finir. On peut également utiliser d'autres mots similaires. L'addition de fin veut dire que l'action a eu lieu dans un passé plus lointain que l'usage du prétérit impliquerait.
On utilise aussi Mwen t'ap fin pale pour exprimer la progression de l'action.
Futur
Le futur s'exprime également au moyen des formes a ou prale.
Pale (Parler) Futur
Mwen / M' ? a pale Nou / N' ? a pale
Ou / W' ? a pale Nou / N' ? a pale
Li / L' ? a pale Yo / Y' ? a Pale
Étymologie
Mwen pral pale vient de la formule : « J'ai à parler. »
« Si vous avez à parler, vous devez le faire, et donc,
si vous devez le faire, vous le ferez. »
Telle est la logique de cette construction.
Futur progressif
Pale (Parler) Futur
Mwen / M' ? pral pale Nou ? pral pale
Ou ? pral pale Nou ? pral pale
Li ? pral pale Yo ? pral pale
M pral pale veut dire « Je vais parler. ».
« Pral » est une contraction de « pour » et de « aller ». On retrouve en créole martiniquais et guadeloupéen des tournures similaires basées sur l'utilisation de « pour » ou de « aller » pour exprimer le futur : « Man pou fè sa », « man pou mandé'y fè sa », « man kay fè sa » (« kay » étant en créole martiniquais et guadeloupéen une contraction de « ka », équivalent de « ap » en créole haïtien, et de « ay » pour aller).
Conditionnel présent
Pale (Parler) Futur
Mwen / M ? ta pale Nou ? ta pale
Ou / W ? ta pale Nou ? ta pale
Li ? ta pale Yo ? ta pale
En créole, le morphème ta permet d'exprimer le conditionnel.
ex : Si W te di M sa avan, M ta vini pi vit!
M ta pale veut dire « Je parlerais ».
Étymologie
Ta vient de la contraction de te, marque du passé et a, marque
du futur, comme dans m'a fè sa « Je le ferai. ». Le processus est
similaire en anglais et en allemand (et dans beaucoup d'autres langues)
où la marque du conditionnel est la forme passée de l'auxiliaire du futur.
Ich würde sprechen (Je parlerais) ? Ici, würde est l'imparfait de
werden
I would speak (Je parlerais) Ici, would est l'imparfait de will
Il en va de même en français où le conditionnel avait formellement des désinences de passé sur l'infinitif (le futur se forme sur l'infinitif avec des terminaisons propres). Comparez :
je parler-ai (futur)
je parler-ais (conditionnel présent, formé à partir de l'infinitif et d'une désinence de l'imparfait)Passé de conditionnel
M' ta fin pale ou M' ta fèk pale
Ce temps se forme de la même façon que le plus-que-parfait, avec des mots comme « fèk » et « fin ».
Impératif
L'impératif ne pose aucun problème particulier. Trois possibilités seront envisagées :
a) utilisation de la forme habituelle d'un verbe d'action sans pronom personnel sujet :
ex : Vini! (Viens/venez !) Tande M' ! (Écoute-moi !) Kanpe! (arrête(z) ! ou Reste(z) debout!) Chita! (Assieds-toi/asseyez-vous !)
Di granmoun bonjou ! (Dis bonjour aux adultes)
Sispann mache pye atè ! (Arrête(z) de marcher pieds nus)
b) utilisation d'un adjectif seul (épithète ou attribut) :
ex : Malad!
Pare, M ap vini!
Si se pou w sòt pou w gen djòb la, alò : sòt!
c) emploi de l'expression ann (ou annou) en manière d'exhortation (correspond à la deuxième personne de l'impératif français).
ex : Ann ale! (Allons-y !) ; Ann nou fè yon koze! (Causons un peu ! Faisons un brin de causette !)
Ann nou danse! (Dansons !)
Signalons que, dans la phrase « pare, m ap vini », le mot pare correspond au français « soit prêt » et non à « prépare-toi », qui se dirait : pare 'w.
Remarque : on peut aussi exprimer l'ordre ou le souhait par le recours à une locution ou à une périphrase, comme les exemples suivants le montrent :
ex : Fò w konprann? Fòk sa chanje !?M' vle w rele m !
Étymologie
On sait d'où provient l'usage de pale comme impératif : ann nou pale vient de la phrase « C'est à nous de parler. ».
Subjonctif présent
Fòk provient du français « [il] faut que ». Il n'y a pas de marque formelle du subjonctif.
fòk mwen pale
fòk ou pale
fòk li pale
fòk nou pale
fòk nou pale
fòk yo paleSubjonctif passé = structure obligatoire du passé
fòk mwen te fin pale
fòk ou te fin pale
fòk li te fin pale
fòk nou te fin pale
fòk nou te fin pale
fòk yo te fin pale
Prononciation du créole haïtien
Le Créole à divers accents, selon les régions du pays. Un locuteur Francophone comprendra le Créole Haïtien mais souvent, il demandera qu'on lui répète deux fois, pour bien comprendre.
Une comptine en créole haïtien
Lè Manman m al lavil, li kite pitit la nan men papa m, mwen menm avèk lòt timoun yo.
- Lorsque maman s'en va à la ville, elle laisse le petit enfant avec mon père, moi et les autres enfants. Litt. « Elle a laissé le petit enfant au soin de mon père. » Lè papa m' vire l' ap okipe travay li, li kite m' veye pitit la.
Lorsque mon père tourne le dos, occupé par son travail, il me laisse prendre soin du bébé. Litt. « Il m'a quitté, de sorte qu'il était à moi de voir le bébé. »
Lè pitit la kriye, m pran li, m kenbe l nan de ti men, mwen di : « Do, do, do, do, do, tande ti sè » Quand le bébé pleure, je le prends dans mes bras ; je prends
les deux mains de l'enfant, et je dis : « Dors, dors dors..., d'accord s?urette ».
Manman ou, manman ou ale lavil, ale lavil, l a pote pen pou ou, piga ou kriye pou chat mawon pa pran ou.Ta mère, ta mère est allée à la ville, allée à la ville, elle t'apportera du pain, ne pleure pas, pour que le chat sauvage ne te prenne pas.
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