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LA MISERE ENDEMIQUE-L’un des blocages au changement démocratique en Haïti

Écrit par Lepetitjournal Haiti
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2018

 

 

 

L'histoire d'Haïti ressemble étrangement à une succession de rendez-vous manqués. Avec l'Histoire. Avec l'instauration de la démocratie. Avec le déclenchement d'un processus de développement économique, etc. À cet égard, les 30 dernières années constituent un parfait laboratoire pour ceux et celles qui veulent saisir les blocages empêchant le décollage.

 

Depuis son indépendance, la misère est endémique car les élites haïtiennes ont accaparé toute la richesse sociale, ne laissant que des miettes à la grande majorité de la population. La mauvaise gouvernance du pays, la dette de l'indépendance, les emprunts de 1874-1875, 1896, 1910 à des taux faramineux ont drainé les ressources financières à l'extérieur. Les ressources forestières ont été dilapidées. Cincinnatus Leconte, Tancrède Auguste et Vilbrun Guillaume Sam, trois des condamnés pour corruption lors du Procès de la Consolidation en 1904, deviennent présidents de la République en 1911, 1912 et 1915. L'occupation américaine de 1915 à 1934 consolide le pouvoir des élites de la capitale au détriment du reste du pays. Entretemps, la paysannerie haïtienne dès la fin du 19e siècle s'expatrie à Cuba à la recherche de meilleures conditions de vie. Puis à partir de l'occupation américaine, les paysans haïtiens s'expatrient en République Dominicaine.

Les Américains instituent la corvée en contraignant les paysans à travailler pour une pitance dans la construction de 1600 kilomètres de route. Les paysans sont dépossédés de leurs terres pour le développement de plantations de sisal destiné à l'exportation pour satisfaire les besoins de l'économie de guerre américaine. L'occupation américaine contribue à l'amélioration de la situation sanitaire en créant un système de santé publique. Un programme d'élimination de la maladie du pian est développé. Toutefois, les dirigeants haïtiens ne considèrent pas la santé publique une priorité. Parmi les 352 maladies génériques infectieuses existant au monde aujourd'hui, 204 sont endémiques en Haïti [2].

Le plus grand déclin de l'agriculture a eu lieu sous la dictature des Duvalier où la portion de l'agriculture dans le Produit Intérieur Brut (PIB) est passée de 50% [3] en 1957 à 28% [4] en 1986. Au lieu de développer l'agriculture vivrière, l'accent est mis sur les industries d'assemblage construites sur des terres à vocation agricole comme c'est le cas à Caracol près de Ouanaminthe dans le Nord-Est où vivaient 300 petits fermiers. La politique tarifaire mise en ?uvre en 1986 et en 1994 a été un désastre. Les tarifs qui étaient de 50% sur des produits agricoles tels que le riz, les pois et le maïs ont été diminués à 3%, 0% et 15 % respectivement. Au cours des cinq dernières années, Haïti a importé des produits alimentaires et agricoles pour une valeur annuelle d'une moyenne de plus de 800 millions de dollars US dont un quart en riz [5]. Jusqu'en 1990, Haïti était auto-suffisante en riz mais la politique des bailleurs de fonds l'a obligée d'ouvrir ses frontières pour le riz américain subventionné. Ce qui fera verser des larmes de crocodile à l'ex-président américain Bill Clinton qui dira : « Je dois vivre chaque jour avec à l'esprit les conséquences de la perte de capacité de produire du riz à Haïti pour nourrir ces gens, à cause de ce que j'ai fait. Personne d'autre [6]. »

Avec 55% de la population vivant avec moins de 1$ per capita/jour et 76% de la population vivant avec moins de 2$ per capita/jour, Haïti est confrontée à la progression ascensionnelle du crime. Ce phénomène a commencé avec les tontons macoutes qui ont fait le choix de devenir des délinquants en rançonnant les commerçants avant d'exercer leur passion de détrousseurs avec voracité et de devenir des prédateurs effrénés de toute la population. Avec les coups d'état de 1991 et 2004, les embargos et le tremblement de terre de 2010, les conditions de vie n'ont cessé de se détériorer. L'indigence s'est généralisée conduisant à de nouvelles vagues de boat people vers les côtes de la Floride. En effet, le coût du passage sur les embarcations de fortune est de 800 dollars US pour transporter les passagers vers leurs destinations, soit cinq fois moins que les 5000 dollars US nécessaires pour se procurer des faux papiers et un billet d'avion [7].

[2] Stephen Berger, Infectious diseases of Haiti, 2014, p. 2.

[3] World Bank, Haiti : Agriculture and Rural Development, Diagnostic and Proposals for Agriculture and Rural Development Policies and Strategies, Washington, 2005, The World Bank, p. 14.

[4] FAO, « Haïti Country Brief », Rome, FAO, 2010.

[5] FAO/GIEWS, Special Report, Food Availability and market Assessment Mission to Haiti, May 23, 26, p. 12.

[6] « I have to live every day with the consequences of the lost capacity to produce a rice crop in Haiti to feed those people, because of what I did. Nobody else. », "We Made a Devil's Bargain" : Former President Clinton Apologizes for Trade Policies that Destroyed Haitian Rice Farming, Democracy Now, April 1, 2010

[7] « Les boat people haïtiens fuient la pauvreté », Le Devoir, 29 février 2004.

www.alterpresse.org

Extrait de « Les blocages au changement démocratique en Haïti »

Leslie PéanLepetitjournal.com/haiti, Lundi 4 juillet 2016

 

 

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Publié le 3 juillet 2016, mis à jour le 6 janvier 2018

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