

Plusieurs organisations de défense des intérêts de la nation haïtienne dénoncent un plan de vente de l'Ile de la Gonâve. L'administration du président Michel Martelly et du premier ministre Evans Paula a publié un décret créant le Centre Financier International de l'ile de la Gonâve (CFIG), un décret aujourd'hui très controversé.
Ce décret, publié dans le journal officiel de la république a eu le malheur d'être publié à la veille de la fin du mandat du président sortant et son grand péché a été d'être fait dans l'ombre et le silence.
Parmi les articles les plus critiqués de ce décret on notera celui stipulant que les sociétés financières internationales sont exonérées de tous impôts et taxes quant à la structure de leur capital et peuvent choisir la structure la plus appropriée. Egalement notable, celui qui concède qu'une société financière internationale n'est pas assujettie à l'impôt sur les plus-values, ni aux retenues à la source sur la distribution des dividendes ou le paiement des intérêts d'emprunts consentis à des tiers ou à des filiales. Nous supposons que ces concessions ne sont rien d'autres que des motivations (incentives) pour promouvoir la création de banques « offshores » qui pourraient en même temps financer des travaux d'infrastructures de l'ile : ports, aéroports. villes, routes, infrastructures hôtelières etc...
Le projet en lui-même n'a rien de répréhensible. Faudrait-il laisser l'ile à son sort pour que les chèvres finissent de brouter ce qui reste de végétation et la laisser aussi se vider de sa population qui ne demande qu'a se développer et s'épanouir ? pour que la rentrée des classes cesse d'être un cauchemar pour les mamans démunies de l'ile ? Celle-ci souffre actuellement de tous les maux : « on dirait un désert insulaire. Imaginez 120,000 habitants sur une île et un seul médecin en santé publique pour ses onze sections communales et rurales ! Imaginez une île de 743 km carrés de superficie, s'étendant sur 60 km de longueur et 15 de largeur, avec trois centres de santé non équipés, l'un à Pointe à Raquette, l'autre uniquement à vocation hospitalière implanté à Anse À Galets et le dernier à Palma, sans structures non plus ! Imaginez cette grande île avec un port rudimentaire dénommé au nord-ouest, ou celui de Anse À Galets mal pourvu également, une île sans universités, sans usine d'électricité, sans infrastructures de télécommunication, sans habitats décents, sans rien d'autre que l'espoir un jour de sortir de sa misère.»
Que faire ? La réponse est toute trouvée : ouvrir les chantiers de la modernisation d'Haïti.
Depuis l'année 2009 une entreprise propose de transformer La Gonâve en une immense mégapole, pouvant rivaliser avec n'importe quelle île des Caraïbes. S'agit-il du même projet qui a motivé le gouvernement sortant à publier quelques lois permettant de commencer à y implanter des banques « offshore ? »
Ce projet de développement de La Gonâve, comme le prétendaient ses promoteurs n'entendait pas s'enfermer dans le concept de « Zone économique spéciale » qui enclaverait l'ile. Il prônait plutôt l'intégration économique de l'île aux nouveaux marchés économiques nationaux et mondiaux, à l'image des grandes régions internes des pays modernes qui n'ont pas eu à se déstructurer ni à se démembrer pour vivre en autarcie sous prétexte de développement autonome.
Dans un article publié dans le journal Le Matin, le brillant journaliste Ady Jean-Gardy écrivait « ce projet pharaonique de la Gonâve est soutenu par une importante étude océanographique de tout le Golfe de La Gonâve et de l'ensemble de la baie de Port-au-Prince, qui servira d'appui aux recherches scientifiques marines et au développement des télécommunications. Il entend, à partir de ces recherches, proposer des solutions aux problèmes de contamination de la mer par les déchets, transformer les déchets en électricité et gaz propane, aider également à trouver une solution au ruissellement des eaux usées et de boue qui se déversent dans le Golfe à partir de l'Ouest et de l'Artibonite en temps de pluie.
Des navires de recherche aux bateaux de croisière touristique, en passant par une nouvelle gestion de la terre incluant la protection des forêts à créer, de nouvelles alternatives au charbon de bois, la lutte contre l'érosion, tout s'imbrique avec également une vision moderne du tourisme comme sur les îles des Caraïbes dévouées à ce secteur. Cela signifie aussi la construction de «Ressort » attirants, des hôtels qui ne nuisent pas à l'environnement, agréables à vivre face à des zones de plage étendues, favorisant le ski nautique et les sports de natation. Les coûts d'investissement d'un tel projet dépassent plusieurs milliards de dollars US.
Les investissements seront financés par les fonds propres des entreprises qui veulent s'établir sur place, selon les responsables du projet, les autoroutes par des compagnies internationales qui en assureront la gestion et l'entretien sous supervision de l'État qui recevra mensuellement d'importants pourcentages sur les droits de péage perçus, selon ce que nous avons appris.

Le Groupe encourage le système du monorail comme aux Îles Bermudes pour éviter la pollution.
L'indépendance du pays sera maintenue et la promotion du capital respectera les normes du marché en termes de profits publics et privés, sans couper La Gonâve du reste du territoire. En attendant d'aboutir à d'heureux résultats, le projet espère créer des ouvertures cohérentes pour de nouveaux habitats modernes au bénéfice des familles ou des zones de résidence décentes pour tous, tout en pourvoyant du travail au niveau hôtelier, agricole, éducatif ou sportif.
Entre 250,000 et 1,500,000 emplois à générer. Parmi les secteurs envisagés: des supermarchés, l'Aéroport international de la Gonâve, un complexe portuaire industriel et commercial, une aire de recherche et de stockage de produits pétroliers, des facilités bancaires, des offres de services de locations de bâtiments à caractère industriel, des compagnies d'électricité en support à l'EDH qui les supervisera, des usines de recyclage du plastique en vue de fabriquer des fibres textiles, un Centre de météorologie et Pré-désastre, etc. Sans oublier des jardins botaniques, un zoo et de multiples attractions culturelles comme à Disney World.
Le groupe entend faire de La Gonâve le noyau du développement d'Haïti, lui permettant de produire plusieurs millions de dollars par jour, tout en conservant son statut de commune et son identité créole dans la géographie d'Haïti. »
Les organismes de défense des intérêts et des droits des haïtiens ont raisons de se méfier. Le pays a tellement été exploité par des aventuriers et politiciens de tous genres. Cependant, il ne faut pas laisser passer des occasions qui parfois ne se renouvellent pas. La protection de ces intérêts ne devrait pas être le refus de tout développement. La méfiance ne devrait pas aller jusqu'à l'insulte, ce qui ne manquerait pas de décourager les entrepreneurs, les grands rêveurs et les concepteurs de pyramides qui parfois font défaut à Haïti.
Nous croyons savoir qu'il n'y a pas et il n'y a pas eu qu'un seul projet. Si par miracle tous pouvaient se mettre ensemble et concevoir le plus beau projet du siècle, La Gonâve permettrait à Haïti d'entamer son développement et cesser d'être, comme aime à le rappeler sans arrêt la presse internationale, le pays le plus pauvre.
Jean-Claude Fanini Lemoine, www.lepetitjournal.com/haiti, le 4 mars 2016
