

La rubrique mensuelle ?Quand les langues se délient? de lepetitjournal.com/francfort, vous propose un délicieux voyage autour du langage, de son étymologie et des expressions idiomatiques. À l'approche de Noël, ce quatrième volet vous emmène dans le sud de la France
(Image A. Parasie)
Déjà Noël arrive et dans un tourbillon de guirlandes et lumières, entraîne petits et grands dans une frénésie de consommation. Aujourd'hui, on se fait une joie de célébrer Noël en échangeant cadeaux et bons v?ux, tout en mangeant et buvant des tas de bonnes choses. Certains mets sont typiques des repas de Noël et ne sont préparés que pour cette occasion (même si de nos jours on trouve tout partout et à tout moment). C'est aussi le temps des contes et chants, des traditions retrouvées en famille ou entre amis.
En France les traditions de Noël, même si elles se ressemblent ne sont pas partout pratiquées de la même façon, par exemple en Occitanie.
Mais d'abord l'Occitanie, qu'es aquò? (qu'est-ce que c'est?)
L'Occitanie c'est la zone géographique au sud de la Loire où d'Est en Ouest on parle la langue d'oc, langue des troubadours. On y trouve les 5 grands dialectes occitans, le Gascon, le Limousin, l'Auvergnat, le Provençal, le Languedocien, auxquels vient s'ajouter le Vivaro-Alpin.

L'occitan est une langue romane comme le français et le catalan qui est d'ailleurs parlé dans le sud du Languedoc, dans les Pyrénées orientales. La littérature occitane remonte à plus de mille ans, et au 19ème siècle des écrivains et poètes comme le provençal Frédéric Mistral ou le gascon Paul Froment, entre autres, l'ont faite revivre à travers poèmes, contes et récits riches de la tradition orale paysanne. En effet c'est lors de veillées (vespradas) autour du feu que jeunes et vieux (joves e ancians) racontaient des histoires d'autrefois (d'antan) qui commençaient souvent par: "Un còp èra..." (Il était une fois...).
Les 13 desserts de Provence
Noël était une autre occasion de se retrouver devant la cheminée et de partager ce moment autour d'un repas avant la messe de minuit et en Provence la tradition veut que l'ont trouve 13 desserts de Noël sur la table :
Les quatre mendiants ou "pachichòis" qui représentent les ordres religieux ayant fait v?u de pauvreté : la figue sèche (figa seca) pour les Franciscains, les raisins secs (passarilhas) pour les Dominicains, les amandes (amellas) pour les Carmélites, les noix (nogas) pour les Augustins.
Les fruits frais conservés pour cette fête : l'orange (irange), la mandarine (mandarina), le melon d'eau (verdau), la pomme (poma) et la poire au vin cuit (pera), la pâte de coing (codonh), les dattes (mucal) et autres fruits confits.
Les confiseries et pâtisseries : la pompe à l'huile (pompa à l'òli), aussi appelée gibassier ou fougasse à la fleur d'oranger, les oreillettes (aurelheta) sorte de beignets, le nougat blanc (nogat) et le nougat noir (crocanda) qui représentent les roi-mages, les calissons,....
La bûche de Noël
Tot lo monde al canton s'arruca
Près del fuèc, viu coma un radal
E dins cada foguièr s'aluca,
Flamba la soca de Nadal.
(Tout le monde se blottit près du feu vif comme un feu de joie, et dans chaque âtre allumé, flambe la bûche de Noël.)
Extrait de "Nadal", poème de Paul Froment, parut dans le recueil "A Trabès Regòs, Rimas d'un pitiou paysan", 1895.
Eh oui, la bûche de Noël, dessert traditionnel que l'on retrouve sur toutes les tables, est bel et bien une véritable bûche, gros morceau de bois que l'on allumait dans la cheminée et bénissait lors d'une cérémonie le soir de Noël et qui devait se consumer lentement. Cette bûche s'appelle "cacho-fiò" (attrape-feu) en Provence.
On entonnait alors :
Alègre ! alègre,
Mi bèus enfant, Diéu nous alègre !
Emé Calèndo tout bèn vèn...
Diéu nous fague la gràci de vèire l'an que vèn,
E se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens !
Allégresse ! Allégresse, Mes beaux enfants, que Dieu nous comble d'allégresse !
Avec Noël, tout bien vient : Dieu nous fasse la grâce de voir l'année prochaine.
Et, sinon plus nombreux, puissions-nous n'y pas être moins.

Pour finir lepetitjournal.com/francfort vous propose un extrait de "Lou cacho-fiò" (La bûche de Noël) de Frédéric Mistral (Moun espelido, Memòri e raconte en provençal 1906, traduction en français, par Frédéric Mistral).
Fidèu is us ancian, ah ! pèr éu la majo fèsto èro la vèio de Nouvè. Aquéu jour, de bono ouro, li bouié desjougnien. Mamaire ié dounavo, en chascun, dins uno servieto, uno bello fougasso à l'òli, uno roundello de nougat, uno jounchado de figo seco, un froumajoun, un àpi, em'uno fiolo de vin kiue. E, quau d'eici e quau d'eila, tout acò gratavo camin, pèr ana pausa cacha-fiò, dins sis endré, à sis oustau.
Fidèle aux anciens usages, pour mon père, la grande fête, c'était la veillée de Noël. Ce jour-la, les laboureurs dételaient de bonne heure; ma mère leur donnait à chacun, dans une serviette, une belle galette à l'huile, une rouelle de nougat, une jointée de figues sèches, un fromage du troupeau, une salade de céleri et une bouteille de vin cuit. Et qui de-ci, et qui de-là, les serviteurs s'en allaient, pour ?poser la bûche au feu?, dans leur pays et dans leur maison.
Bon Nadal Gascon et Bon Nouvè Provençal !
Marie Gérard (www.lepetitjournal.com/francfort), mardi 9 décembre 2014
Paul Froment est né à Floressas, près de Puy-L'Evêque dans le Lot, le 17 janvier 1875 et retrouvé mort noyé dans le Rhône le 15 juin 1898.
Frédéric Mistral est né le 8 septembre 1838 à Maillane et mort le 25 mars 1914 aussi à Maillane.
Articles à relire :
Quelle ménagerie !
autour du vin
autour du corps
Suivez-nous sur facebook












