Avec ?La saison de l'ombre?, Léonora Miano invite ses lecteurs à passer de l'autre côté du miroir de la traite transatlantique. Rencontre avec la lauréate du Femina à Francfort
Une nuit, un incendie détruit le village ; la population se réfugie dans la brousse avoisinante. Le lendemain, douze hommes - dix jeunes initiés et deux anciens ? ont disparu de façon inexplicable. Comment les villageois pourraient-ils s'imaginer qu'ils sont sur des bateaux négriers, eux qui n'ont jamais vu ni la mer, ni les Européens ? La matrone du clan propose que les mères des dix adolescents disparus soient mises à l'écart, pour éviter que leur chagrin ne se répande au sein du groupe qui doit surmonter la perte. Voilà le point de départ de ?La saison de l'ombre? (Grasset), le premier roman présentant la traite transatlantique du point de vue de leurs victimes subsahariennes indirectes car non déportées.
Prix Femina en 2013, Foire du Livre de Francfort en 2015
?La saison de l'ombre? est le septième roman de la Française d'origine camerounaise Léonora Miano. Ce livre lui a permis de décrocher le prix Femina en 2013 ; invitée par l'Institut Français et par Litprom, elle est venue en reparler récemment à la ?Buchmesse? de Francfort. Le titre de sa discussion avec l'écrivain allemand d'origine turque Feridun Zaimo?lu, ?Habiter la frontière? (L'Arche Editeur), était également le titre d'un de ses précédents romans. Récompensée par de nombreux prix littéraires, Léonora Miano est également Chevalier des Arts et des Lettres depuis 2014.
?La saison de l'ombre ne parle pas de la colonisation?, explique Léonora Miano à Francfort. ?Je voulais travailler sur la métamorphose de l'espace sub-saharien?. Ce n'est pas la première fois que l'auteure aborde le sujet de la traite transatlantique : dans ?Les aubes écarlates? (Plon), elle faisait parler ses victimes. ?Ici j'ai voulu me pencher sur la genèse de l'Afrique centrale. Ce vécu n'est pas trop mentionné dans nos livres d'histoire?, sourit l'écrivaine. Et pour cause : il n'existe aucune source écrite. À la question de savoir sur quels faits elle s'est basée pour ce roman historique d'un nouveau type, Léonora Miano répond : ?Je connais bien mon pays et ses cultures, je lis beaucoup d'essais d'historiens et d'ethnologues. Les objets exposés dans les musées européens n'ont pas été faits pour cela ; il me suffit de les restituer dans le quotidien pour lequel ils ont été conçus pour qu'ils me racontent leur histoire?.
Faire exister une Afrique qui ne connaît pas encore l'Europe
À la Foire du livre de Francfort, Léonora Miano explique qu'il faut oser faire de la fiction et passer comme Alice, de l'autre côté du miroir : ?Le romancier n'a pas forcément besoin de traces écrites pour son récit, les sentiments humains restent les mêmes ; si on enlève son enfant à une mère, elle se retrouve dans la détresse?. Afin de faire
Dominique Petre (www.lepetitjournal.com/francfort), lundi 26 octobre 2015
(Photos DP lepetitjournal.com/francfort)
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