Édition internationale

LE GENIE DE LA LANGUE - Graph, Tag, Slam.

Écrit par Lepetitjournal Francfort
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2018

N'allez pas dire que le "Graph" n'est jamais qu'un de ces graffitis que l'on trouvait sur les murs de Pompéi ou de la Vallée des Rois en Egypte ou encore des Mayas de Tikal. Ou que le Slam, exercice de déclamation rythmée, rappelle la déclamation à la Sarah Bernhard de la fin du XIXè siècle. Vous n'auriez, de fait, que partiellement raison

Qui dira l'importance de la technique sur les changements décisifs en art ou en littérature ? Ainsi du béton armé pour les architectes, de l'électronique pour les musiciens, de la machine à écrire pour les auteurs de roman policier américain, de l'aérosol, du marqueur et du pulvérisateur pour tags et graphs (ou "graffs").

Le bon vieux graphein grec signifiait à la fois écrire et dessiner. A tel titre que nos amis québecois n'hésitent pas à qualifier les tagueurs de writers ("écrivains"). Des calligraphes d'un nouveau genre. Détail croustillant, ils signent d'un blaze ? mot d'argot remontant à nos grands-mères, désignant le "nom" ou le "nez" ? qui couvre au mieux un pseudonyme ! Est-ce au fond une nouveauté ?

Culture ou "contre-culture" ?
Ce qu'on appelle tag ou graph est l'expression d'un moment de basculement de civilisation. Fut-ce un hasard si le mouvement naquit dans le South Bronx des années 70, des "révolutions" de Berkeley ? Désir violent de vandaliser l'espace public et de coller l'étiquette (tag) des "damnés de la terre" venus de minorités ethniques. Simultanément, surgirent la break dance, le hip hop, le rap, les raves et la rue devint laboratoire vivant - street language, street fashion. La forme se substituait au fond, devenait message. Avec souvent un talent qui n'a pas échappé aux galeries d'art qui le monnayèrent.

Du poète maudit au poète "mots dits" (spoken words)
Après le rap ? chant saccadé fondé sur l'allitération et l'assonance - vint le slam, la Slam Attitude et la Slam Family. Là encore, le son prend le pas sur le sens. Marc Smith, ouvrier en bâtiment, accompagne sa petite amie à un spectacle poétique. Il s'ennuie et crée (croit créer) en 1986 le tournoi poétique où la poésie "claque" (to slam),  "dépoussiérant" le poète et lui impose une "performance". Toujours la revanche des "petits, des obscurs" et ? de la société du spectacle.
Tant pis si Ronsard n'est plus là pour déclamer. Avec Grand Corps Malade, coqueluche bobo ? (lol)1 -, le Slam, en France, atteint son point d'orgue, son akmè, son climax :

"La tension est à dix mille ampères

Car quand le père est en mère et que la mère obtempère

C'est la hausse du mercure car le père percute et la mère permute."

Bref, la Beat generation revue et pasteurisée, avec un brin d'Almanach Vermot2 qui eût ravi Pierre Dac3.  Les morceaux du Mur de Berlin (vrais ou faux) "cult'" se vendent en cartes postales. Grand Corps Malade parraine la francophonie (si, si !).

Et on lit toujours, en lettres maladroites, sur les murs du métro parisien : "Lénine, t'as pas cent balles" ?

Elizabeth Antébi (www.lepetitjournal.com/cologne), mardi 19 août 2014
Rediffusion du mardi 14 juin 2011

1 Laugh out loud, ?rire à gorge déployée", synonyme de MDR ?mort de rire?
2 Almanach des campagnes à l'humour sommaire.
3 Auteur de Phèdre à repasser.

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Publié le 18 août 2014, mis à jour le 6 janvier 2018
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