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EXPAT - Quand le conjoint suiveur est un homme

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 2 janvier 2012, mis à jour le 4 septembre 2013

Les femmes n'hésitent plus à construire leur carrière à l'étranger, quitte à faire déménager mari et enfants. Le traditionnel "femme d'expat" se décline donc désormais aussi au masculin. Pour ces conjoints un peu atypiques encore, ce n'est pas si facile de réussir une expatriation


Il y a quelques années, les rôles étaient clairement définis chez les expats. Monsieur partait à l'étranger pour booster sa carrière, et Madame suivait. Malgré les avancées de la parité, ce scenario reste le plus fréquent aujourd'hui encore. Pourtant, désormais, les femmes défendent elles aussi leur parcours professionnel. De  plus en plus chevronnées, elles accèdent plus facilement à des postes de cadres, et partent à l'assaut des frontières. Les résultats de l'étude de 2009 du Brookfield Global Relocation Services indiquaient que 20% des cadres expatriés sont des femmes. Selon une étude BVA pour Berlitz Consulting, 31 % des expatriés sont des femmes et 70 % ont moins de 40 ans. Chez le géant du luxe LVMH, par exemple, le taux de femmes expatriées est passé de 10 à 20% en dix ans. Même si une partie d'entre elles sont des femmes célibataires ou divorcées, cela signifie que le nombre des "maris suiveurs" est lui aussi en pleine croissance. Faute de statistiques, difficile de mesurer le phénomène, mais de plus en plus d'hommes acceptent de suivre leur femme dans l'expatriation. Il va falloir compter avec les maris d'expat !

(photo Corbis)
Dans la plupart des couples, qu'on le veuille ou non, l'homme est celui dont la carrière prime. Entre poids des traditions et impact de la maternité, dans le monde entier, il est toujours considéré comme allant de soi que l'homme soit celui qui fasse vivre sa famille. Si le principal frein à l'expatriation reste le conjoint, cela est encore plus vrai quand l'expatriée est une femme. Qu'une épouse suive son mari et s'arrête de travailler, rien de plus normal.  Mais le conjoint d'expat qui se trouve sans travail en tant qu'époux suiveur reste très minoritaire. Ils sont peu nombreux à accepter de mettre un temps leur vie professionnelle entre parenthèses pour accompagner leurs épouses. "Ça reste quand même l'exception et on nous regarde un peu comme des bêtes curieuses" explique Saghi. Socialement, c'est toujours difficile pour un homme d'être inactif.

L'homme serait-il une femme d'expat comme une autre ?
Les difficultés du conjoint suiveur sont les mêmes quelque soit le genre. Choc culturel, isolement, barrière de la langue, solitude? Le sentiment diffus de frustration quand on a troqué son attaché-case pour les cafés d'accueil et les biberons est bien connu des femmes d'expat. La situation est souvent plus inconfortable encore pour les hommes, qui font face parfois au triple choc  culturel : celui de s'adapter à la fois à un nouvel environnement, à un nouveau rôle dans la famille, et au regard des autres. Sortir des sentiers battus n'est pas si facile. Pour un homme,bousculer la norme sociale traditionnelle sur la famille rajoute encore à la complexité de l'adaptation. Affronter l'étonnement des autres, voire les railleries n'est pas si facile. Mais pour Gilles, aux Etats-Unis, "c'est juste un problème quand on a un gros égo".

Gaëlle Goutain, co-auteur du livre Conjoint expatrié, explique : "La difficulté que rencontrent les maris suiveurs, c'est en majorité l'isolement, car les associations d'accueil sont prioritairement destinées aux femmes et n'ont pas encore l'habitude d'accueillir des hommes. Du coup, ces hommes se sentent en porte-à-faux." Cela peut poser un problème pour leur intégration. A noter tout de même que les hommes sont en général tres bien accueillis par leurs cons?urs -le président de l'Accueil francophone de Bucarest est un homme-. Mais se sentir à l'aise dans les groupes de femmes n'est pas donné à tout le monde. Les amis peuvent avoir un peu de mal à comprendre les difficultés des hommes au foyer. Pour confronter états d'âmes et expériences, des groupes multi-nationaux de maris d'expat existent dans certaines villes, comme à Bruxelles, Londres ou Shanghai (http://www.guytai.net). Il est important de sortir de chez soi, afin de rencontrer les autres (associations, écoles, clubs d'échecs, salles de sport, bénévolat?). A Amsterdam, Stéphane a réussi à nouer des amitiés grâce a des cours de langue, après des débuts difficiles. L'important est de ne pas rester inactif, d'autant que rien n'est plus destructif pour un couple qu'un conjoint qui se tourne les pouces et qui se demande sans cesse les raisons de sa présence. Le sentiment de frustration, de baisse d'estime de soi pour l'homme - et de culpabilité chez la femme - peuvent faire des ravages.


Rebondir professionnellement

Pour Gaëlle Goutain, "souvent, ces hommes cherchent tres rapidement une activité remunérée ou font du bénévolat afin de combler un manque. En général, ils entreprennent quelque chose très rapidement et sont davantage dans l'actif que dans le passif". Certains ont la chance de retrouver une activité tout de suite.  D'autres rament pour trouver un emploi une fois sur place, se heurtant à la crise économique et la barrière de la langue. Comme pour les épouses, ce n'est pas évident de retrouver à l'étranger une activité professionnelle gratifiante. Le sort de nombreux conjoints d'expatriés, recrutés en contrat local ou non, est aussi suspendu dans certains pays à l'obtention d'un permis de travail, ce qui n'est pas toujours facile. Mais partir à l'étranger peut aussi être un révélateur. Le fondateur du site lepetitjournal.com, Hervé Heyraud, estime que l'expatriation a été pour lui une tres belle opportunité professionnelle : "En partant au Mexique en 1998, j'ai accompagné ma femme, en privilégiant la partie personnelle de cette aventure. Je pensais dans un premier temps développer une activité de journaliste free-lance mais cela n'a pas été possible. Cette situation m'a obligé à me « bouger », à m'ouvrir à d'autres champs d'actions, d'environnement. J'ai dû casser mes repères, mes habitudes, et de mes expériences variées est née l'idée de développer un média transversal avec une cible « expatriés ». Il n'existait rien de particulier pour cette population spécifique."

Assouvir ses passions
Pour qu'une expatriation à deux soit réussie, il est important d'avoir un projet personnel, qui n'est pas forcément une activité professionnelle. Comme pour les femmes d'expat, la parenthèse de l'expatriation peut être mise à profit en faisant du bénévolat, en continuant à se former, voire en se réorientant. Fred, qui vient de s'installer au Chili, a opté pour un congé sabbatique : "Je ne vais même pas chercher du travail, je veux juste faire un break total, pour me consacrer à tout ce que j'ai toujours rêvé de faire". François, arrivé à Shanghai en 2010, a suivi son épouse, cadre dans une entreprise de cosmétiques : "Je travaillais à mi-temps avant de m'installer en Chine, mais j'ai voulu profiter de ces quelques années dans l'Empire du Milieu pour apprendre le mandarin de façon intensive. J'avais toujours rêvé de m'y mettre ! Parallèlement, je prends soin de rester très au courant des nouveautés dans le domaine des nouvelles technologies pour ne pas me laisser dépasser."

Les "Stay at home dads"
Mettre entre parenthèses sa carrière professionnelle peut être l'occasion de passer plus de temps avec les enfants. Un choix largement incompris dans beaucoup de cultures encore un brin "machistes". Selon les destinations, cette inversion des rôles est plus ou moins bien acceptée, comme dans les pays anglo-saxons où de plus en plus de papas font le choix de s'occuper des enfants. En fonction de l'âge des bambins, de la possibilité d'être aidé ou non par des nounous sur place, ce rôle est plus ou moins difficile, comme pour les mères. Les taches ménagères ne sont guère valorisées. Pour Gilles, aux Etats- Unis, cela n'a pas été simple : "Les autres pensent que c'est facile de s'occuper des enfants. La réalité est totalement différente. Nous avons juste choisi de faire ce qui était le mieux pour notre famille. Le bien être des enfants était primordial, comme ma femme voyage beaucoup, et cela se passe très bien. Si on travaillait tous les deux, on perdrait en qualité de vie". Il faut en outre assumer le caractère atypique de ce fonctionnement, inverser les rôles tout d'un coup peut être à l'origine de grosses tensions, mais aussi de belles satisfactions. Pour Eric, de Mexico, cela a été un vrai choix : "Quand ma fille est née, je voulais prendre un congé parental et je ne l'ai pas fait. Alors quand nous  avons déménagé au Mexique, j'ai choisi de rester à ses côtés, pour la voir grandir et profiter d'elle au maximum. En ce sens, c'était très sympa et enrichissant !  À côté de ça, je sais que ce mode de vie ne me correspondra pas sur le long terme. Le rythme des journées de travail me manquent, de ne pas voir et échanger avec des adultes aussi. Je me sens un peu coupé du monde extérieur. Ce choix n'a été possible que parce que je sais que nous resterons 24 mois au Mexique seulement".

Pour les maris et les femmes d'expat, "les problématiques ne sont pas les mêmes", selon Gaëlle Goutain. "On accepte par exemple plus facilement qu'un homme mette ses enfants à la garderie pour faire du sport ou tout autre activité non-rémunérée. C'est une question de débat de société plus qu'un problème specifiquement lié a l'expatriation. En ce qui concerne les entreprises, elles commencent tout juste à placer le conjoint au coeur des projets d'expatriation de leurs salariés, elles ne font donc pas de différence entre homme et femme". Pour Bertrand Fouquoire, directeur de Dualexpat à Singapour, les hommes conjoints d'expatriés sont des "néo-aventuriers se riant des stéréotypes, aux avant postes d'une société qui change, sachant donner pour recevoir et prendre des risques pour avancer".

MPP (www.lepetitjournal.com) lundi 2 janvier 2012 (réédition)

En savoir plus :

Conjoint d'expatrié, Réussissez votre séjour à l'étranger, d'Adélaïde Russell et Gaëlle Goutain, éditions L'Harmattan

de notre édition de Singapour, un article de Bertrand Fouquoire : Expatriation, quand le conjoint est un homme.
Femmexpat : Quand c'est lui qui suit

logofbinter
Publié le 2 janvier 2012, mis à jour le 4 septembre 2013

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