Édition internationale

PASCAL BONIFACE – "Sans gouvernance globale, pas de réponse aux défis majeurs de l’humanité"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 février 2017

Alors que la menace terroriste pèse sur de nombreux pays, le développement continue de se faire à plusieurs vitesses et l'économie mondiale est toujours instable. De multiples enjeux, que le géopolitologue Pascal Boniface a décryptés.

L'équilibre géopolitique actuel est fragile. A la fin des années 1990, la bipolarité des relations internationales implose. « Depuis, nous n'avons pas réussi à rebâtir un système de gouvernance globale » explique Pascal Boniface, directeur de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).

La « communauté internationale » est surtout reconnue pour ses échecs. Rares sont les décisions cruciales à faire consensus. Quant aux résolutions de conflits, elles patinent également. « Il s'agit davantage d'une formulation, plutôt qu'une réalité » commente-il à l'occasion de la Convention annuelle CCI-CCI FI (Chambres du Commerce et de l'Industrie ? CCI France International).

La conférence qu'il donne a pour intitulé : « Tour du monde des risques et opportunités ». Il propose un découpage géographique des enjeux actuels, et de demain.

Asie et Amérique Latine : des modèles politiques et économiques en reconversion

L'Asie et l'Amérique Latine, bien que culturellement très différents, souffrent de maux similaires. Les choix économiques et politiques des années 1980 tendent à s'épuiser sur le plan social. Les classes moyennes pointent désormais du doigt le fléau principal dont leurs pays souffrent : la corruption.

 « La corruption constitue un véritable frein à l'activité économique » déclare Pascal Boniface. L'économie souterraine qu'elle génère empêche une répartition égalitaire des richesses. Une vague contestataire s'est alors répandue. Elle touche également des pays comme l'Inde, le Brésil ou l'Indonésie qui affichent une croissance stable et forte, et disposent d'une large classe moyenne, qui consomme massivement.

« Les modèles autoritaires sont eux aussi progressivement remis en question » annonce Pascal Boniface. Entre manque de transparence interne et protectionnisme, les populations laissent entendre leur exaspération.

Etats-Unis : des réconciliations historiques qui redorent  le blason américain

Le bilan de la politique étrangère menée par Obama est mitigé. « S'il n'a lancé aucune nouvelle guerre, son Prix Nobel de la Paix lui a été remis prématurément » estime Pascal Boniface. Parmi les points forts du bilan, on retrouve les réconciliations diplomatiques avec Cuba et l'Iran.

« Fidel Castro a vu défiler 11 Présidents américains sous embargo » rappelle Pascal Boniface. « Ce rapprochement avec Cuba été possible grâce à la politique intérieure menée par Obama » précise-t-il. Il explique que l'arrivée à l'âge adulte d'une nouvelle génération, qui ne soit pas éduquée dans la haine de Castro, a permis l'acceptation de la réouverture des voies diplomatiques entre les deux pays.

« Quant à l'Iran, la réussite des négociations nucléaires, s'apparenterait à un coup diplomatique » déclare Pascal Boniface. « En revanche, des sanctions purement occidentales sont vouées à l'échec » précise-t-il. Il est nécessaire que l'accord soit global et que les décideurs prennent conscience des réalités iraniennes. Le pays offre des emplois et dispose d'une jeunesse mobilisée, active sur les réseaux sociaux.

Afrique : raccrocher les wagons du train de la mondialisation 

« Bien qu'en retard sur certains points, il ne faut pas adopter un discours misérabiliste sur le continent africain » annonce Pascal Boniface. Premièrement, l'Afrique est difficilement concevable comme entité globale, du fait de la disparité de ses cultures, situations politiques et économiques. Quant à son potentiel, il est non-négligeable. Les initiatives se multiplient en Afrique, et il est nécessaire d'adopter une vision à long terme à ce sujet.

Certes, l'Afrique de l'Ouest est particulièrement touchée par le terrorisme, qui entre autres, l'empêche d'opérer une transition démocratique. « Il ne faut cependant pas oublier que de nombreux pays africains affichent des taux de croissance globale annuelle avoisinant les 5%. Bien que cette croissance par l'exploitation des matières premières ne fasse pas encore l'objet d'une bonne redistribution » rappelle Pascal Boniface.

L'acquisition du numérique est également en marche, l'explosion du nombre de téléphones portables détenus sur le continent, en étant la preuve. Enfin, les Printemps Arabes, si leur aboutissement est contestable, ont insufflé un élan démocratique, qui devrait être profitable au continent dans son entièreté.

Europe : la difficile gestion de crises successives

Qu'il s'agisse de la Grèce, de la menace terroriste ou encore de la guerre en Ukraine, l'Union Européenne (UE) a du pain sur la planche. Suite aux nombreuses attaques, les dirigeants ont dû rassurer leurs populations, afin que celles-ci ne cèdent pas à la panique. « Il ne faut pas céder, c'est cette attitude qui donne raison au terroriste. Il faut vivre avec le risque » déclare Pascal Boniface. Selon lui, il faut adopter « une attitude vigilante mais pas paniquée ».

Les accords de Minsk de février 2015, contiennent difficilement la tension en Crimée. Aucun processus de paix n'a abouti. « Les négociations ont été menées par le couple franco-allemand. Elles ont souffert de la perte de statut du Royaume-Uni, qui est resté en retrait sur la question » explique Pascal Boniface. Ce conflit pourrait alors s'enraciner.

La dette grecque, au c?ur de l'actualité, inquiète l'Europe depuis des années. « La gravité du problème est cependant davantage prise en compte que les Grecs eux-mêmes » regrette Paul Boniface. « Il faut également savoir que la Grèce ne représente que 2% du Produit Intérieur Brut de l'UE » rappelle-t-il. Sa sortie de la zone euro ne résoudrait pas le problème selon lui.

Enfin, l'Union Européenne doit faire face à une crise interne, voulant que « les peuples européens sont fatigués de l'Europe, alors que les peuples non-européens rêvent de l'Europe* »

Mélanie Volland (www.lepetitjournal.com) vendredi 24 juillet 2015

* le terme « Europe » étant ici considéré comme l'Union Européenne.

A lire aussi : INTERNATIONALISATION ? Les PME-ETI disent "oui"

 

 

logofbinter
Publié le 23 juillet 2015, mis à jour le 14 février 2017
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