

Estimés aujourd'hui à plus de 85 millions et à 250 millions en 2050 selon l'ONU, les « migrants climatiques » parcourent notre monde en quête d'un environnement propice où s'installer. Mais qui sont ces « réfugiés environnementaux» ? Sont-ils apparus avec le changement climatique ?
Les inondations, les séismes, les typhons, la montée des eaux, la salinisation des terres? autant de phénomènes qui forcent de plus en plus d'êtres humains à se déplacer pour subsister. Si l'Asie est le continent le plus touché, la tempête Xynthia en France ou les récents incendies de Fort McMurray au Canada rappellent tristement que la menace est planétaire et ne connaît pas les frontières.
Dans son film The Day After Tomorrow(2004), Roland Emmerich met en scène des foules américaines qui fuient vers la frontière mexicaine pour échapper aux tempêtes glaciales qui s'abattent sur leur pays. Le grand écran s'attaque ainsi à une figure qui a fait florès depuis son invention dans un rapport des Nations Unies de 1985 : « le migrant climatique », ou « réfugié environnemental ».
La définition donnée par ce rapport est claire:
Le terme « réfugiés climatiques » désigne les personnes obligées de quitter la région où le pays où elles habitent, suite à la dégradation de leur environnement (naturelle et/ou déclenchée par l'homme, ou à des catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique.
Quels droits cette définition impliquent t'elle pour les personnes concernées ?
Réfugiés climatiques et droit international : un vide juridique
Les contours flous de notions comme les migrations ou le climat, la désignation parfois hasardeuse des phénomènes en cause, des personnes affectées ou de la zone géographique concernée font du terme « réfugié climatique » une notion difficile à utiliser en droit international.
Le terme de « réfugié » pose lui aussi problème. Il renvoie au statut judiciaire défini par la Convention des Nations Unies de 1951 selon laquelle est considéré comme réfugié toute personne :
« qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. »
Le droit international ignore ainsi le cas des personnes devant partir de chez elles à cause des changements climatiques. Le fait d'être « environnementaux » pour ces réfugiés n'est donc d'aucun secours.
De plus le Haut Commissariat aux Réfugiés (UNHCR) considère que la protection contre les risques environnementaux incombe aux Etats eux-mêmes. Dès lors l'existence d'un statut international de réfugié climatique est nulle et inopérante
Perspective historique requise
Bien que les migrations climatiques semblent être un concept assez récent, les relations entre le climat et les migrations humaines, entre l'homme et son environnement, sont évidentes depuis des millénaires. Les historiens et géographes ont bien montré comment les mouvements de population ou la création de cités dépendent en partie de facteurs environnementaux.
Le passage du détroit de Béring, emprunté il y a 13.000 ans par les populations asiatiques qui colonisèrent l'Amérique, fut possible uniquement en raison du faible niveau des océans. De même les historiens considèrent aujourd'hui que la désertification du Sahara a joué un rôle important dans la densification de la population sur les rives du Nil. Cette dernière fût ainsi l'une des conditions de la naissance de la civilisation égyptienne. Plus récemment les sécheresses causées par les célèbres tempêtes des années 1930 aux Etats-Unis (American Dust Bowl) ont mis des milliers de migrants sur les routes de Californie.

Le phénomène migratoire est donc ancien et complexe. Le réduire à des facteurs mono-causaux, qu'ils soient économiques, politiques ou environnementaux, relève du déni de réalité. En ne voyant pas l'entremêlement de différents facteurs et en surjouant le rôle de la nature, le risque est d'évacuer la responsabilité politique dans la gestion des crises migratoires et environnementales.
Isoler les migrations où l'environnement joue un rôle déterminant pourrait conduire à des politiques plus ciblées et efficaces.
Les migrations climatiques : des mouvements Sud-Sud
Les migrations climatiques sortent du paradigme simpliste du migrant pauvre du Sud qui tente de rejoindre les pays riches du Nord. C'est avant tout un problème entre les pays du Sud. Les scientifiques bangladeshis prévoient ainsi que 20 millions de leur concitoyens deviendront des réfugiés climatiques en 2030, incapable de cultiver leurs terres inondées. La migration a déjà commencé : en 1995, la moitié de l'ïle Bhola, la plus grosse île du Bangladesh, a été engloutie par la montée du niveau des mers, arrachant à leurs maisons 500 000 personnes. L'Inde voisine a déjà érigé un mur-frontière afin de limiter l'infiltration de migrants clandestins.

Robin Marteau (www.lepetitjournal.com) jeudi 13 octobre 2016

