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CHINE – Quelle évolution pour cette nouvelle "démocrature" ?

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 4 avril 2017, mis à jour le 5 avril 2017

Que ce soit sur le plan économique, géopolitique ou encore sociétal, la Chine n'en finit pas de se renouveler et de nous étonner. Pour nous éclairer sur son évolution, l'Institut Catholique de Paris (ICP) organisait une rencontre entre Emmanuel Lincot, universitaire, spécialiste de la géopolitique du pays, et David Baverez, investisseur et auteur de l'ouvrage Paris-Pékin Express.

L'intérêt de la France pour l'Empire du Milieu n'est pas nouveau. Emmanuel Lincot nous rappelle que cette relation spéciale est déjà d'actualité au 18ème siècle, « période très sinophile » s'il en est, où il existe un « tropisme français évident pour la Chine ». Voltaire et Montesquieu s'écharpant parfois à l'époque à son sujet. Considérée tour à tour comme « la nation la plus sage et le plus policée de tout l'univers » par le premier, ou bien comme un pays « despotique » par le second.

Aujourd'hui, et plus de deux siècles plus tard, les différents points de vues que l'on peut avoir à l'égard de ce pays ne semblent guère avoir évolué, entre opposition et admiration.  

David Baverez a d'ailleurs choisi de tirer profit de ces divergences d'opinions, s'amusant dans son nouveau livre à détricoter tous les clichés et tous les fantasmes que les Occidentaux peuvent nourrir à l'égard de la Chine. 

Vers une ouverture de la Chine ?

En janvier dernier, le vibrant discours de Xi Jinping à Davos, faisant l'éloge du « libre échange », a pu en surprendre plus d'un. À ce sujet Emmanuel Lincot précise que même s'il est vrai que la Chine a « besoin du reste du monde » si elle veut « redémarrer économiquement », il serait fou de prendre pour argent comptant les dires de son dirigeant. « Quand Xi Jinping dit qu'il est pour le libre échange ce n'est pas du tout vrai. Ou du moins seulement quand c'est dans l'intérêt de la Chine. » En quelque sorte « si vous voulez tourner à droite, mettez votre clignotant à gauche » illustre un célèbre proverbe chinois.

Sur ce même sujet, Jacques Gravereau, expert de l'Asie contemporaine, déclarait lui aussi il y a quelques jours que ce discours était un « merveilleux numéro d'illusionniste. Tout le monde sait que le gouvernement traite de façon totalement différente ses champions nationaux et les entreprises étrangères. La Chine n'est ouverte qu'en théorie. En pratique, elle est irrémédiablement fermée ». 

La Chine, nouvelle « démocrature »

Savant mélange associant une dose de « démocratie » et une dose de « dictature », le nom de ce système hybride revient fréquemment lorsque l'on souhaite décrire ou définir le régime politique chinois. « Trop souvent la Chine est assimilée à un régime dictatorial » constate Baverez au sein de son livre, pourtant il existe des « débats très vifs entre camps opposés bien loin de l'image monolithique faussement perçue en Occident » et cela « révèle une forme de démocratie interne ».

On pourrait même assimiler le pays à « une véritable démocratie », tant la « force du débat est importante » rajoute Lincot.

Depuis quelques années, « l'émergence d'une opinion publique » est même en train de se dessiner. Obligeant les dirigeants à écouter de plus en plus le peuple. L'explosion d'internet et des réseaux sociaux n'est pas étrangère à ce nouveau phénomène. « Sur internet, ce sont 700 millions de personnes qui dénoncent quotidiennement les travers de la société ». Et ces travers, dénoncés par les internautes sont « analysés par des experts, puis débattus en interne au sein du Parti communiste, qui y voit l'occasion de réformer un système conçu comme un être vivant, donc susceptible d'évoluer à tout moment ».

Paradoxalement, selon Baverez, ce régime écouterait même plus « son peuple que la France par exemple », car le gouvernement sait que « sa légitimité il la tient avant tout de son efficacité ». 

Une société de l'enfant unique et un morcellement de la famille

La digitalisation croissante du pays, les réseaux sociaux en tête, ne contribue pas seulement à tendre vers plus de démocratie... Elle participe aussi à éclater ce qui était autrefois le « pilier de la société chinoise ». La famille devient progressivement un « fardeau ». « La valeur famille se voit défiée car cette nouvelle génération d'enfant n'a rien en commun avec ses ainés ». Alors que les parents regardent encore la TV d'État, les enfants eux consomment tous les TV shows américains sur leurs téléphones. La culture commune s'effrite petit à petit. « Quels sujets de conversation possibles entre des parents quadragénaires et un enfant unique scotché à son smartphone ? » interroge Baverez. « Aucun frère et s?ur et rien à dire à ses parents? » résume-t-il.

En plus d'éloigner les enfants de leurs parents, les réseaux sociaux « anéantissent tout sens de la hiérarchie ». Plus besoin de se « rapporter à un lien fort », la multiplicité des contacts et des potentielles rencontres qu'offrent ces nouveaux réseaux favorise au contraire la création de « liens faibles ».

La famille perdrait-elle ainsi son rôle de « colonne vertébrale » au sein de cette nouvelle société en pleine mutation ? Les gouvernants se posent sérieusement la question, n'hésitant pas à légiférer quand cela parait nécessaire. À Shanghai, la mairie a par exemple autorisé les parents à « porter plainte auprès du tribunal, si leur enfant ne leur rend pas visite ?'suffisamment fréquemment'' ».

Une chose en tout cas est sûre, les comparaisons entre l'Occident et la deuxième puissance mondiale semblent difficiles. Déjà, « la notion du temps n'est pas du tout la même » insiste David Baverez. « Xi Jinping résonne à 30 ans ! » La Chine a « une vision : elle veut devenir numéro 1 en 2049 » cela lui permettrait de « célébrer dignement le centenaire de la prise du pouvoir du Parti ». Elle est aussi très « déterminée » et sait faire preuve de « courage ». 

Noémie Choimet (www.lepetitjournal.com) mardi 4 avril 2017 

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Publié le 4 avril 2017, mis à jour le 5 avril 2017

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