Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

ALIX CARNOT - "Les conjoints d’expatriés veulent travailler pour lutter contre l’angoisse"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 23 septembre 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

 

Alix Carnot est Directrice du développement chez Expat Communication, spécialiste de la question des doubles carrières mobiles. Elle nous commente les enseignements de la grande enquête Expat Value sur le couple et l'expatriation, "entre stéréotypes, mirages et courage". 

Lepetitjournal.com : Les résultats de votre enquête Expat Value montrent qu'en expatriation, le conjoint suiveur est encore en immense majorité la femme. Où est passée la parité ?

Alix Carnot : C'est pour nous une grosse surprise. Nous avons eu 3500 réponses, et à 90% les conjoints suiveurs sont en effet des femmes. Les hommes sont donc objectivement beaucoup moins nombreux à suivre, même chez les jeunes. Pourtant avant de partir, l'étude montre qu'il y avait souvent égalité de diplômes (70%) et de salaires.
On voudrait que la parité soit une réalité, et en effet, cette égalité existe au sein du couple, la preuve, c'est que la décision de départ est prise de concert. Mais qui dit égalité ne dit pas identité. Hommes et femmes sont encore dans des rôles différents. En expatriation, dans beaucoup de couples l'homme reste le socle sur lequel va se construire la carrière la plus importante, la carrière de la femme étant un ajustement. Il n'y a pas de caricature à faire. Certes, les choses pourraient changer car 40% des hommes disent être prêts à suivre madame, et ils ne le font que dans 9% des cas. Malgré nos convictions « modernes », si l'avancement des deux carrières n'est pas compatible, l'homme passe souvent devant. Il faut prendre ce fait avec respect, sans jugement.



Expat Value
est une initiative d'Expat Communication, société spéciali
  
  
sée depuis 2001 dans l'accompagnement des transitions liées à la mobilité internationale, coaching et formation. L'enquête Expat Value a été lancée pour comprendre l'impact de l'expatriation sur le couple et analyser les parcours professionnels des conjoints pour faire émerger des propositions.
Les résultats de l'enquête sont ici : PARTIR EN COUPLE ? Comment conjuguer carrière et expatriation ?

Voir aussi: Expat Value la page
L'objectif du groupe Expat Value sur Facebook est de fédérer les personnes concernées par la carrière des conjoints d'expatriés. C'est un lieu d'échange, d'entraide et de mise en réseau.

Pour 62% des conjoints, l'expatriation est une mauvaise chose pour leur carrière. Pourtant 67% des couples partent confiants sur la réussite de l'expatriation. Est-ce un malentendu ?

Non, car 86% des personnes interrogées sont contentes de leur expatriation au niveau global! Ce qu'elles ne voient pas avant le départ, c'est le chemin à parcourir avant de trouver leur place. On part sur l'illusion qu'on va travailler tous les deux. Quelques années plus tard, l'un des deux conjoints a une carrière totalement atypique, mais est cependant globalement satisfait. Il faudra, pour y parvenir, perdre certaines illusions, se réinventer, reconfigurer ses priorités. C'est un processus très beau mais douloureux. Je me suis expatriée en Australie, alors que j'étais enceinte de 7 mois. J'ai aussitôt cherché du travail. En Australie, le congé maternité est souvent long et les employeurs ne comprenaient pas ma démarche. Je pensais qu'avec mes diplômes j'allais trouver rapidement un emploi (postulat faux dès que l'on n'est plus en France). Au lieu d'intégrer ces différences culturelles, j'ai vécu cela comme un  échec. Cela m'a vraiment gâché une partie de mon séjour. Si j'avais su que c'était structurel, lié à ma situation de jeune mère, je l'aurais beaucoup mieux vécu.

Malgré les difficultés, pourquoi les conjoints continuent-ils dans leur grande majorité à chercher du travail coûte que coûte ?
Les femmes (et les hommes) ne s'imaginent pas renoncer à leur carrière pour des raisons presque identitaires : je suis journaliste, pharmacien, avocat? Si on m'enlève ça, qui suis-je ? Il y en a également qui découvrent qu'ils sont aussi parents. Libérés du travail, certains se demandent comment ils pouvaient faire avant, lorsqu'ils passaient si peu de temps avec leurs enfants. La mère française a un statut particulier depuis toujours. En France, mettre à la crèche un nourrisson de 3 mois nous semble normal or cela n'existe quasiment pas dans d'autres pays. Pour nous, travailler et avoir des enfants va de pair. Ce n'est pas toujours possible ailleurs.

Ceux qui veulent travailler à tout prix acceptent parfois des emplois moins valorisés, est-ce la solution ?

Il faut vraiment se poser la question. C'est pour cela que l'on propose des services d'accompagnement chez Expat Communication. On voit dans l'étude que ceux qui ont un job qui ne leur convient pas sont aussi insatisfaits que ceux qui ne travaillent pas. Je constate qu'un nombre conséquent de personnes, après avoir longuement réfléchi, disent que finalement elles ne vont pas travailler, parce qu'il y a trop de choses à découvrir en expatriation et qu'elles ne veulent pas s'enfermer dans un poste peu adapté. Mais cela demande un gros travail, d'aller au delà de son angoisse. Le gros enseignement de cette enquête, c'est que si les conjoints veulent travailler, c'est avant tout pour une question d'angoisse : Qui suis-je ? Comment vais-je gérer la solitude à laquelle je vais être confronté ? Il y a aussi la peur de l'oisiveté (certains ne se reconnaissent pas du tout dans un modèle où tout est lié au plaisir). Et puis enfin la peur du retour, du fameux trou sur le CV. Entre un travail qui ne correspond pas du tout à ses compétences et ne pas travailler, quelle différence y a-t-il ? N'a-t-on pas plutôt intérêt à faire une formation ou une activité bénévole épanouissante ?

Ces frustrations professionnelles mettent-elles le couple en danger lors de l'expatriation ?

Je conteste certains chiffres qui montreraient que les divorces sont plus nombreux en expatriation. La réalité, c'est qu'on recense 8% de taux de divorcés en expatriation, ce qui est égal à l'ensemble de la population française. Or la population expatriée est une population jeune, urbaine, très diplômée pour laquelle le taux de divorce est beaucoup plus élevé en France. Sur ce segment, a priori, on est donc en dessous de la moyenne. Il y a aussi des divorces au retour, mais rien n'indique que ces divorces sont si nombreux et vraiment liés à l'expatriation. Les chiffres que nous avons recueillis dans notre étude montrent en revanche que pour 82% des personnes interrogées, l'expatriation est bonne pour le couple. Ce qui est sûr c'est que l'expatriation secoue, et que cela fait mûrir plus vite. On ne peut pas faire semblant.

Propos recueillis par Marie-Pierre Parlange (www.lepetitjournal.com) jeudi 24 septembre 2015

Lire aussi : PARTIR EN COUPLE ? Comment conjuguer carrière et expatriation ?
Expat Value (1) ? Les 10 infos indispensables sur la carrière des conjoints expatriés
Expat Value (2) ? Les conditions du départ en expatriation : mais qu'allaient-ils faire dans cette galère ?

logofbinter
Publié le 23 septembre 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

Flash infos