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Le slameur HDW à Dakar : “ Mon intérêt réside dans la rencontre interculturelle”

Du 13 au 19 novembre 2023, le slameur français HDW est en immersion avec des slameurs français, québécois, tchadiens et sénégalais à Dakar au Sénégal. A l’occasion d’un événement visant à favoriser l’expression de la jeunesse dakaroise, en la sensibilisant aux enjeux environnementaux : le Keur Massar Hip Hop Festival. Pour l'artiste originaire du Mans et qui a parcouru le monde, "le slam poésie a un rôle à jouer, j’en suis certain".

Affiche de la résidence à Dakar du slameur HDWAffiche de la résidence à Dakar du slameur HDW
Écrit par Christophe Verger
Publié le 2 novembre 2023, mis à jour le 6 novembre 2023
Un stage dans une radio m’initie au mouvement et me mène naturellement aux scènes ouvertes

 

 

Quel est le point de départ de votre passion pour le slam ? 

Il y avait un terreau de base dès l’enfance. A l’âge de six ans, j’apprends à lire et à écrire. Dans le cadre scolaire mais aussi pour moi, je me mets à rédiger des historiettes qui sont des redites de ce qui me tombe sous les yeux. Nous sommes dans les années 90 et il est de mise en France d’avoir une activité le mercredi après-midi plutôt que rester vautré dans le canapé. Je n’aime pas particulièrement le sport. Un jour, je vois un one man show à la télévision, c’est décidé, je ferai du théâtre. Chose curieuse pour une famille qui ne baigne pas particulièrement dans la culture. Je vais faire ça pendant 6 ans de manière disparate à l’école et dans les MJC. Théâtre + écriture, voilà les ingrédients. En 2009, une publication poétique via un de ces multiples escrocs d’éditeurs numériques m’entrouve les portes culturelles et médiatiques du Mans. Je suis convié à lire à l’université en tant qu’invité littéraire lors du Printemps des Poètes. Des slameurs sont présents et je réalise que nous faisons sensiblement la même chose. Ils sont juste plus habitués et donc plus performants. Un stage dans une radio m’initie au mouvement et me mène naturellement aux scènes ouvertes. C’est la claque. Je découvre des individus de tous âges, sexes, origines et horizons qui partagent ma passion des mots et de leur incarnation. C’est le monde de la nuit, la cour des miracles, j’ai 20 ans. Il n’en fallait pas plus pour m’inoculer le virus.

 

 

Comment décririez-vous votre processus créatif lors de l’écriture de slam ? 


Il n’y a pas de règles, tout est matière à inspiration. Une phrase volée au cours d’une conversation, un mot aux sonorités spéciales, un fait divers, il faut juste que cela résonne en moi. Je dirais presque que c’est physique. Cela se joue au niveau du plexus. Ensuite, c’est de la besogne. Je peux faire un peu de recherche, puis je me lance sur le papier. Toujours le papier en premier, pour le rapport à la matière. L’écran viendra après lors de la mise en page. Entretemps, je remplis des feuilles,  j’inscris, je rature, je reprends, je corrige, j’inverse. C’est beaucoup de temps. Quand un bloc commence à se dégager, je laisse reposer et j’y reviens plus tard avec un œil nouveau. Cela peut parfois signer l’arrêt de mort du texte. Sinon je vois s’il faut encore rogner. C’est Saint-Exupéry qui aurait dit : “ La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer ”.

 

Le slameur HDW en pleine prestation
Le slameur HDW en pleine prestation.   © Clément SCZ

 

En quoi consiste cette résidence slam à Dakar ? 

Je rejoins deux autres artistes slam français, six québécois, une tchadienne et plusieurs sénégalais en banlieue de Dakar dans le cadre du festival hip-hop Keur Massar. Professionnels et non-professionnels. Le matin, nous recevrons des universitaires africains qui nous transmettrons des éléments scientifiques sur l’exploitation du gaz et du pétrole. L’après-midi, nous réinvestirons ces connaissances dans le but de produire des contenus textuels puis scéniques de manières individuelle et collective. L’idée est de croiser les styles et les réflexions de chacun. Une restitution publique se tiendra à l’issue de la semaine. Nous en profiterons aussi pour mener des actions de médiation dans des écoles dakaroises. Je dispenserai personnellement deux ateliers de théâtre à une jeune troupe locale.

 

Une résidence pour les artistes des mots

La résidence s'inscrit dans une perspective de justice climatique et de transition énergétique, offrant un programme riche comprenant des séminaires d'écriture, des conférences, des soirées de slam, des concerts, des projections ainsi que des sessions de graffiti. Ses objectifs sont multiples : encourager la création d'œuvres artistiques centrées sur ces thématiques, favoriser l'interaction entre les pratiques artistiques et la culture sénégalaise, et promouvoir les échanges internationaux. Keur Massar Productions émane d'un groupe de jeunes professionnels culturels originaires de la banlieue de Dakar. Cette initiative est née d'une volonté de combler le vide de plus en plus manifeste sur la scène urbaine sénégalaise, en particulier à Keur Massar. Keur Massar Productions offre également aux jeunes de banlieue l'opportunité de suivre des formations en management, leadership, marketing et gestion de projets culturels.

 

 

Je pense qu’une réflexion collective avec des activistes venus quasiment des quatres coins du monde permettra de lever cette barrière.

 

Le thème de la résidence est donc la justice climatique et la transition énergétique, en quoi ces sujets vous touchent-ils ?  

La vraie question serait plutôt qui cela ne peut-il toucher ? C’est un thème ultra contemporain qui nous concerne toutes et tous. Les exemples dans l’actualité sont multiples. Cependant je n’ai pas réussi à l’aborder dans mes textes. Presque comme un tabou. Par peur de verser dans le poncif et d’être moralisateur. Je pense qu’une réflexion collective avec des activistes venus quasiment des quatres coins du monde permettra de lever cette barrière. Est-ce que cela nous épargnera un cataclysme dans 50 ans ? Je ne sais pas. Mais je crois que remanier l’imaginaire peut être décisif pour contrer les dérives du système capitaliste qui est clairement l’ennemi public numéro un à cet endroit. Le slam poésie a un rôle à jouer, j’en suis certain.

 

Le slameur HDW voyage aux quatres coins du monde
Le slameur HDW visite les quatres coins du monde pour s'imprégner de nouvelles cultures 
© Clément SCZ
 

 

Vous avez l’habitude de voyager (Offenburg, Québec et Mexique), en quoi les échanges comme cela sont importants pour vous et votre travail de slameur ? 

Ces voyages me décentrent, m’extirpent d’un quotidien européen anesthésiant. Quoi de plus facile qu’écrire un texte soi-disant engagé depuis un café parisien, le navigateur internet ouvert sur wikipédia, dicodesrimes.com et bientôt chatGPT. J’ai besoin d’aller au contact, de bouleverser mes certitudes pour faire évoluer mon art et l'empêcher de s'encroûter. De me nourrir des autres et de ce que j’ignore. Cette résidence est parfaite pour cela. L’urgence sera dans le fond et la forme. J’en profite d’ailleurs pour préciser que je ne déclare pas de travail lors de cette semaine. Pas de cachets ou heures d’intermittence. Mon intérêt réside dans la rencontre interculturelle.

Christophe Verger
Publié le 2 novembre 2023, mis à jour le 6 novembre 2023

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