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Le Petit Dakarois et la fièvre des vêtements réversibles

Le Petit Dakarois Bombers Mode Dakar Senegal Laure SoléLe Petit Dakarois Bombers Mode Dakar Senegal Laure Solé
Vito et Yoann devant leur atelier aux Mamelles. ©Laure Solé
Écrit par Laure Solé
Publié le 28 mars 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

Yoann, Vito, Zaccarie et Nil sont quatre amis passionnés de mode. Il y a un peu plus de six mois, ils lancent Le Petit Dakarois. Ils se font connaître avec leur produit phare : le bomber réversible. Entretien avec Yohan et Vito.

Tout a commencé par la rencontre de quatre jeunes hommes aux parcours très différents : Yoann Alboukassimi, franco-marocain, diplômé d’école de commerce, Ousmane Diouf aka Vito, archiviste sénégalais, Nil Yahiaoui, franco-algéro-italien diplômé de Staps et de management du sport ainsi que Zaccarie Morel, français diplômé d’école de commerce et d’école d’ingénieur. “Notre aventure est partie d’un délire entre copains”, s’en amuse encore Yoann.

Il y a deux ans, Yoann arrive au Sénégal pour y faire un Volontariat International en Entreprise (VIE). Il rencontre très rapidement Vito et Zaccarie. Nil est son meilleur ami. Comme beaucoup, les quatre amis se font faire des vêtements en tissus traditionnels. Au fil des pièces qu’ils font réaliser émerge l’idée de marier le style européen avec le style sénégalais. Ils imaginent alors le concept du bomber réversible, avec, d’un côté les couleurs du wax, et de l’autre, un tissu uni, plus sobre, agrémenté de quelques détails en wax. "Le côté deux vestes en une nous a semblé amusant", explique Vito.

Au début, les amis se contentent de ramener des vestes à leurs amis à chaque retour en France. Puis, aux amis de leurs amis et ils voient les demandes se multiplier. "On s’est dit qu’on allait lancer notre marque pour voir ce que cela donnait", raconte Yoann. Les garçons se penchent alors sur des prototypes beaucoup plus aboutis. Ils ont aussi commencé à se rendre à des événements autour de la mode et du vêtement. Le Petit Dakarois a très vite été invité à la Foire de Paris. “Mais nous savions que la production ne pourrait pas suivre, nous avons donc décliné la première fois. On grandit petit à petit, nous ne voulons pas nous précipiter”, dit Yoann.

Le Petit Dakarois Bombers Mode Dakar Senegal
Boubacar le couturier des mamelles, Vito et Yoann. ©Laure Solé

C’est depuis l’été dernier qu’ils ont décidé de se structurer, de professionnaliser leur activité. Yoann a interrompu son VIE et Vito qui venait de finir ses études s’est aussi lancé dans l’aventure à temps plein. “Aucun regret !”, s’exclame-t-il. Les garçons ont organisé une campagne de crowdfunding avec des préventes. Celle-ci a très bien fonctionné. En un peu plus d’une semaine, Le Petit Dakarois a déjà vendu plus de 150 modèles. Il reste encore trois semaines : “Nous espérons atteindre entre 250 et 300 commandes”, explique Yoann. Les clients sont majoritairement Français, mais aussi, et de plus en plus, Sénégalais. Les amis avaient lancé une campagne de communication en grande pompe. Ils ont collaboré avec Bizenga, un grand photographe dakarois, et ont aussi réalisé une vidéo, valorisant Dakar, mais aussi plus largement le Sénégal. “Nous avons été au Siné Saloum, au Lac Rose, à la Somone, et puis à Kiniabour.”

Le dispensaire de Kiniabour, l’engagement du Petit Dakarois

La famille de Vito habite Kiniabour, un village à côté de la réserve de Bandia. Dès le début de leur amitié, celui-ci avait invité ses amis pour la korité et le tabaski (fête de fin du ramadan et fête du mouton). “Nous avons été profondément marqués par l’accueil chaleureux de tout le village”, raconte Yoann. L’eau potable est arrivée très tard dans le village, l’école est en mauvais état, tout comme le dispensaire qui voit naître tous les bébés. “Avant même de lancer Le Petit Dakarois, nous voulions faire quelque chose avec ce village, cela nous a semblé très naturel de lier les deux, poursuit Yoann. Vito nous a fait rencontrer le chef du village et les différents acteurs de la communauté. La remise en état du dispensaire leur semblait la priorité. Nous apportons donc une aide financière pour cela, proportionnelle à nos ventes, et en intégrant tous les acteurs concernés”.

Une production de qualité

Mais cette aventure n’a pas été sans difficultés. “Faire une production standardisée est difficile à Dakar”, témoigne Vito. Certaines pièces du bomber, comme la fermeture éclair réversible, sont difficiles à trouver au Sénégal. De la même façon, certains des tissus vendus sur les marchés dakarois sont introuvables d’un mois à l’autre. De plus, il a fallu trouver le couturier méticuleux et patient qui saurait comprendre et accompagner Le Petit Dakarois. Boubacar, couturier des Mamelles, se révèle être la bonne fée des quatre amis, après de longues recherches. “Boubacar recrute de plus en plus de personnes pour travailler avec lui. Nous envisageons même de trouver un autre local pour l’atelier, plus spacieux”, explique Yoann.

Le Petit Dakarois Bombers Mode Dakar Senegal
Boubacar en plein travail. ©Laure Solé

“Nous veillons à nous fournir en matières premières de qualité et à rémunérer tous les acteurs de la production de façon juste et équitable. Alors, bien sûr, cela signifie un prix de vente un peu plus élevé, ajoute le jeune homme. Les gens pensent qu’en Afrique, tout est forcément à bas prix. Mais c’est faux ! Si on veut avoir quelque chose de bonne qualité et un travail minutieux, cela est forcément un peu plus cher”. La bonne surprise pour les jeunes entrepreneurs, c’est de voir que de nombreux Français et Sénégalais sont prêts à mettre le prix. De plus, plusieurs magasins et événements liés à l’univers de la mode les ont contactés et invités à montrer leurs produits, aussi bien en France qu’au Sénégal.

Le Petit Dakarois Bombers Mode Dakar Senegal
L'utilisation de tous les fonds récoltés est expliquée en détail sur Ulule.

Une démarche militante

Le Petit Dakarois souhaite se diversifier en proposant des chemises, des tee-shirts, des accessoires de type tote bags, des pochettes d’ordinateurs, etc. “Mais nous allons y aller doucement, car nous préférons faire peu de produits, mais avec une qualité irréprochable” indique Vito. Actuellement, plusieurs concepts store en France vendent leur marque, à Paris, sur les Champs Elysées, mais aussi à Biarritz, Saint Jean de Luz… Une production en nombre et standardisée reste difficile à obtenir. "Ce sont les petits inconvénients de la production au Sénégal, mais à nos yeux, cela vaut mille fois mieux que délocaliser la production en Asie comme certains le font. Nous, on fait du 100% made in Senegal et nous en sommes fiers !” conclut Yoann.

Informations Pratiques :

La vidéo
Le crowdfunding
Facebook
Le Petit Dakarois livre gratuitement partout à Dakar, les bombers sont aussi vendus à l’Atelier 6 (Plateau), ainsi qu’au Dakar Farmer Market.

laure solé
Publié le 28 mars 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

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