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Denis Ndiaye, agir dans le présent, construire déjà dans l’avenir

Denis Ndiaye-Experts Associés InternationalDenis Ndiaye-Experts Associés International
Stéphane Tourné
Écrit par Denis Ndiaye
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 6 janvier 2021

 « Demain sera meilleur » est la phrase de Denis Ndiaye, CEO d’Experts Associés  International, société œuvrant pour la sécurité aéroportuaire et maritime. Interpelant lorsque l’on constate que le présent de l’homme est déjà riche d’accomplissements. Homme d’entreprise et d’entreprises, de vision et d’avenir, Denis Ndiaye avance,  concrétisant des projets ça et là, marquant de son empreinte sociétés et cités,  jamais dans l’auto-contemplation et son corollaire, le statuquo, toujours habité par de nouveaux défis, pour certains, à même de sauver des vies – construction du centre de coronarographie de l’hôpital de Fann – pour exemple.

Entretien avec un être de cœur et d’action qui a su associer un sens pointu des affaires à un humanisme créatif et effectif, les deux axes s’inscrivant  dans  une excellence de fait. Un homme pour qui, le présent est un terreau pour « un avenir meilleur ».

Au-delà de vos réalisations – dont certaines étant citées plus haut - nous nous pencherons, si vous le voulez bien, sur la personne que vous êtes. Le métissage dont vous êtes issu est-il une affaire de famille?

Oui, tout à fait. Parce qu’ayant grandi dans une famille métisse : ma mère Française, mon père Sénégalais. Et nous n’étions pas une exclusivité, puisque j’ai des oncles du côté paternel, des cousins, ayant épousé des personnes d’origine étrangère. Que ce soit asiatique, européenne ou nord-américaine…  A mes yeux, le métissage est tout à fait naturel.

Dans un monde où replis communautaire et identitaire vont crescendo, comment portez-vous votre multiculturalisme? Comme un atout, une croix, une souffrance ou comme un facteur neutre ?

Absolument comme un atout. Je vis très bien et pleinement mon métissage, sans arrière-pensée et sans état d’âme. Pour moi, c’est la faculté de savoir d’abord échanger et s’intégrer à différentes cultures. Mais cela va au-delà des cultures dont mes parents sont issus. J’ai eu, quand même, la chance de faire mes humanités en Amérique du Nord. Je ne connais pas l’Asie, mais j’ai aussi côtoyé, et j’ai eu, de nombreux amis asiatiques. J’en ai encore aujourd’hui, qui sont  des partenaires. Aussi, je suis toujours curieux de découvrir de nouvelles cultures car je me considère comme un citoyen universel, pour paraphraser le poète Léopold Sédar Senghor qui parlait de la civilisation de l’universel.

Denis Ndiaye-Experts et Associés

Métissage encore. De par celui-ci et vos différents statuts dans de hautes sphères, vous êtes-vous déjà senti obligé de porter une ou des causes, fut-ce à votre corps défendant, par sens du devoir tout simplement ?

Non, pas particulièrement. La cause, elle n’est pas liée à ma culture, elle est liée, simplement, à la situation d’êtres humains, d’humanisme et non pas de multiculturalisme.

Vous êtes un innovateur. L’Afrique se prête-t-elle réellement à l’innovation ?

L’Afrique se prête à l’innovation dans la mesure où les besoins sont immenses. Maintenant, si les besoins sont immenses et l’Afrique est dans cette situation aujourd’hui, ce n’est pas par hasard. C’est qu’il y a énormément d’inerties et de freins à cette innovation et à ce développement. Je pense qu’il y a énormément de handicaps pour l’innovation, même si il y a tout à faire.

De nos jours la sécurité représente un enjeu majeur et nulle compagnie ne peut raisonnablement faire l’impasse sur le sujet. En 2002 lorsque vous avez lancé votre première entreprise s’activant dans ce secteur, aviez-vous déjà conscience que ce marché allait croitre de façon si exponentielle ?

Quand j’ai fondé mon entreprise en 2002, ce n’était absolument pas dans cette direction. Pour faire un peu d’histoire, je sortais d’une expérience dans la banque et à l’origine je suis d’ailleurs ingénieur polytechnicien et j’ai lancé cette entreprise en me disant : « je veux accompagner les investisseurs et les entreprises, les PME sénégalaises ». C’est plutôt dans ce sens-là que j’ai fondé cette société, pour faire de la consultance, du renforcement de capacité pour les entreprises et investisseurs. C’est comme ça que j’ai créé le projet Experts Associés.  Et il se trouve que parmi les gens qui avaient besoin de renforcement de capacités, pour rester au niveau du Sénégal, j’avais des clients qui étaient leaders européens dans le secteur de la sûreté du transport aérien et maritime, qui m’ont contacté pour que je les assiste, afin de rendre leurs services disponibles sur le Sénégal en premier lieu et ensuite dans d’autres pays africains. C’est comme cela que je me suis retrouvé dans la sûreté et dans la sécurité et c’est comme ça que je me suis moi-même formé et informé et que j’ai pris conscience des enjeux rapidement. C’est arrivé accidentellement, et aujourd’hui nous ne faisons vraiment que cela. Même si nous développons d’autres solutions autour de cette offre de sûreté et de sécurité.

Quelle est la situation des sociétés de sécurité aéroportuaire au Sénégal et quel est leur avenir au regard du transfert - annoncé pour début décembre 2017 - de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar vers l’Aéroport International Blaise Diagne de Diass ? Surtout quand on constate que pour le handling, l’État a décidé de fusionner les deux sociétés existantes en une seule et que les ADS perdent la gestion aéroportuaire d’AIBD au profit de l’entreprise turque SAL S.A ?

Alors, je vois deux aspects à votre question. Pour répondre directement à votre première question, c’est une situation de précarité historique parce qu’évidemment ça reste la sécurité et la sûreté, qui traditionnellement, sont dans les domaines grégaires de l’État. C’est à petits coups que l’État cède et lâche un peu ses prérogatives sur cela. J’en veux pour preuve que ces sociétés-là travaillent sur des agréments qui sont annuels, une autorisation d’exercer annuelle, qui ne permet pas de se projeter ne serait-ce qu’à moyen terme, faire des investissements, fragilise les recrutements. C’est une problématique déjà, qui est vécue depuis que cette activité existe au  Sénégal.

Maintenant quant à la privatisation de la gestion des aéroports, quant au transfert à Diass, c‘est un enjeu intéressant, c’est une première que notre génération va vivre, qui amène sa complexité technique et sociale, puisque c’est un environnement qui, économiquement et au niveau des infrastructures,  était complètement vierge. Cela pose un certain nombre d’enjeux importants aussi bien pour les sociétés en tant qu’employeurs que pour les salariés. Mais nous avons des comités installés, le gouvernement a mis en place des cadres de discussions et d’échanges.  S’y ajoute un agenda serré, c’est ce qui parait être le point critique.

D’autre part, je dirais que le fait de privatiser ou fusionner des sociétés ou plutôt de céder ces activités-là à des investisseurs étrangers doit être fait dans un cadre stratégique. Et c’est là où la gouvernance doit interférer et s’assurer que le Sénégal ne perde pas les compétences dont il a pu bénéficier longtemps grâce à la défunte Air Afrique, qui était quand même un socle de développement des compétences africaines et sénégalaises en particulier. Il y a des enjeux stratégiques qui doivent être pris en compte et encadrés dans le cadre de ces cessions d’activités.

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À lui seul, l’État ne pourrait-il assurer les prestations de sûreté et de sécurité dans les aéroports ? Quelle est la pertinence et la valeur ajoutée de la délégation de la mission de service public qu’est la sureté aéroportuaire, à des entreprises privées telles que la vôtre ?

Disons qu’aujourd’hui, les États doivent faire face à la menace, et cette menace elle est essentiellement d’ordre privée. Elle pose donc des contraintes aux Ètats qu’ils ne savent pas nécessairement intégrer parce qu’ils ont également d’autres missions et d’autres prérogatives. C’est pour ça que l’apport du secteur privé est une réponse à une menace qui elle aussi est de type privée. Donc, je pense qu’elle est tout à fait opportune. Mais l’État doit garder son rôle d’encadreur et de régulateur de ce secteur-là, qui doit rester sous sa responsabilité quand même. Maintenant, en termes de moyens, le secteur privé est vraiment une réponse pour faire face aujourd’hui à la menace qui est réelle.

De nos jours, de par les réalités ambiantes et leurs effets sur les plus socio- économiquement fragiles, pour un homme pleinement « dans la cité » peut-on être chef d’entreprise sans avoir une dimension sociale ?  

Non, je ne pense pas, particulièrement dans notre secteur, le secteur des services, où l’homme est au cœur des activités. On est obligé de prendre en considération les aspects humains. De manière générale, on a atteint un certain niveau de développement planétaire qui fait que l’on est obligé de prendre en compte la dimension humaine et bien d’autres dimensions également, je pense à l’environnement, parce que maintenant, on ne peut plus se contenter d’objectifs purement économiques, ça ne peut servir que du court terme. Je pense qu’aujourd’hui, il est généralement admis, et je suis tout à fait conscient et contributeur dans cette démarche-là, que l’homme soit au cœur des projets. On ne peut pas se satisfaire de faire des chiffres, il faut aussi penser au moyen terme et au long terme. À partir du moment où l’on pense au long terme, on est obligés de mettre l’humain au cœur de nos préoccupations.

 Pouvez-vous nous relater vos actions dans ce domaine ? (Le social)

Déjà, en interne nous avons une politique qui est d’encourager le sport au travail, nous avons mis à disposition de nos salariés un terrain de sport avec des partenaires,  auquel ils ont accès gratuitement. Nous avons aussi bien sûr des programmes sociaux plus spécifiques par exemple d’aide scolaire, nous avons des programmes un peu ludiques comme l’arbre de Noël pour les enfants. Il s’agit vraiment de créer une entreprise-famille, Cela fait partie de nos valeurs d’entreprise. L’humain est au cœur de notre activité. De ce fait,  il est important de créer ce sentiment d’appartenance familiale à travers ces actions sociales. C’est quelque chose que nous continuons et développons. Le Sénégal est en avance bien évidemment dans le groupe sur ces questions-là, mais nous essaimons auprès de nos autres filiales, en améliorant évidemment toujours ce que nous faisons pour nos salariés.

Pourquoi vous investissez vous autant dans le social d’ailleurs ? Ledit investissement est-il ressenti comme un besoin, une obligation, un devoir, une condition sine qua non de votre propre bien-être ?

Parce que pour un développement humain harmonieux, on ne peut pas se soustraire à son environnement. De mon point de vue, le développement de l’entreprise doit aller de pair avec le développement de son environnement. Bien sûr, il faut rester dans les limites et capacités de l’entreprise, on ne peut pas régler les problèmes de tout le monde. Mais il faut que l’entreprise et que moi-même puissions contribuer modestement à améliorer l’environnement  interne de l’entreprise et l’environnement externe, ce qui justifie que je m’implique dans des associations humanitaires ou humanistes. Justement, pour modestement contribuer au développement de l’environnement dans lequel je vis. Ce n’est pas pour le Sénégal, c’est de manière systématique je pense, c’est plus une valeur éthique. Partout où j’irai, je regarderais comment améliorer l’environnement autour de moi, même dans le cadre de mes activités professionnelles.

Ce penchant vous provient-il de l’éducation que vous ont inculquée vos parents ou est- ce une démarche résultant d’une construction personnelle, un cheminement propre ?

Une construction propre à moi, je ne saurais pas dire. Il est certain que j’ai été élevé dans une grande famille où la solidarité était agissante. Cela, je pense que c’est culturel, ayant grandi, passé l’essentiel de mon enfance au Sénégal, et étant d’une grande famille sénégalaise du côté de mon père, la solidarité familiale a toujours été agissante, j‘insiste là-dessus. De plus, par ces responsabilités professionnelles, j’ai vu mes parents me donner l’exemple et c’est quelque chose qui est toujours porté en moi. Il est vrai que quand j’étais jeune, je voulais faire carrière dans l’humanitaire. Mais bon, j’ai fait carrière dans les affaires et je fais un peu dans l’humanitaire.

 

il s’agit pour moi de peser favorablement à l’amélioration de mon environnement de vie, de mon cadre de vie, que ce soit social, familial et professionnel

 

Vous souvenez-vous de votre premier acte à visée sociale, quel âge  aviez-vous et qu’est ce qui a motivé ledit acte ?

Non je ne m’en souviens pas spécifiquement. Je dirais que dès étudiant en école d’ingénieur, j’ai fondé une association de l’école pour venir en aide aux étudiants africains pour leur insertion quand ils arrivaient. Ensuite, j’ai créé avec des copains, une ONG qui réfléchissait sur les transferts de technologie entre l’Afrique et l’Occident... Non, cela s’est fait naturellement je dirais, spontanément, sans calcul, sans planification. Maintenant,  c’est vrai qu’à un moment de ma carrière professionnelle, j’ai pu rencontrer ce que l’on appelle les Clubs-services, et j’en ai intégré un qui a donné un peu plus de construction à mon projet social : il s’agit du Lions Club International.

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Que vous apportent ces différentes actions [dans le social] ?

Pour moi, c’est un devoir citoyen. Je le vis ainsi. Cela m’apporte une satisfaction  de devoir citoyen accompli. Je le disais tout à l’heure, je ne pense pas que l’on puisse réussir, être heureux du moins, ce que j’appelle réussir c’est être heureux, je ne vois pas la réussite qu’en termes financiers. Pour moi, la réussite, c’est le bonheur. Le bonheur que l’on peut retirer de son vécu et de ce que l’on vit, et pour une part, l’environnement quand même compte et il s’agit pour moi de peser favorablement à l’amélioration de mon environnement de vie, de mon cadre de vie, que ce soit social, familial et professionnel.

Le social n’est-il pas antinomique avec le travail de chef d’entreprise : puisqu’il ne  rapporte, a priori, pas de dividendes en tant que telles.

Le chef d’entreprise n’a pas que pour ambition je pense de rapporter de l’argent. C’est un modèle aujourd’hui trivial, capitaliste, dont on revient. Je pense qu’aujourd’hui, il faut constater que le capitalisme pur et dur vient avec des travers, pour le bien-être et de ceux qui le pratiquent et de l’environnement dans lequel ils le pratiquent. Je pense que l’aspect financier est réel, il faut en tenir compte. Mais, dans des limites qui ne mettent pas en péril le projet de développement économique de l’entreprise, il y a de la place pour agir favorablement sur son environnement social interne et externe.

 

c’est cela aussi le club service : c’est de mettre ensemble des énergies, ce qui fait que des coûts 3 fois plus chers ne reviennent pas à ces prix-là, pour un service identique et de même qualité

 

On dit qu’au-delà des chapelles politiques et prises de positions divergentes, demeure une constante : la finance et elle seule, qui mène le monde. Votre avis quant à cette assertion ?

La finance mène le monde d’aujourd’hui. Mais, je pense que c’est quelque chose qui va probablement changer. Pas à court terme, c’est certain. Mais,  je pense que je ne suis pas le seul à me poser la question à savoir : « vers quel modèle allons-nous aller ? ». Un modèle moins financier et qui saurait conjuguer et intégrer d’autres problématiques, dans lesquelles il y aurait l’humain et son environnement éthique qui seraient pris en compte.

Social encore, pouvez-vous nous parler du projet du centre de coronarographie de Dakar auquel vous êtes associé ?

Dans le cadre des activités du Lion’s Club,  j’ai toujours cherché à agir dans un cadre de pérennité, de cohérence vis-à-vis des autres initiatives qui pouvaient être faites. Et évidemment les initiatives dans le domaine sanitaire, de l’éducation et de l’environnement viennent d’abord de l’État. Donc, en me rapprochant des structures de l’État, en l’occurrence le centre de coronarographie de  l’hôpital de Fann, que nous aidions déjà puisque nous avions équipé l’hôpital au niveau du cabinet dentaire, du cabinet ophtalmologique, de lits médicalisés,  la neurochirurgie. Donc, nous soutenions déjà l’hôpital de Fann.

La coronarographie est venue à la demande du directeur de l’hôpital, qui, un jour, m’a remercié pour tout ce que nous faisions et m’a dit qu’il avait un gros projet  qui était d’une urgence vitale, et cela touchait toutes les couches de la population. Dans la mesure où en cas de cardiopathie, il fallait intervenir, la survie était engagée à 95% négativement après 3h, et qu’il n’y avait pas à l’horizon de 3h, de structures capables de prendre en charge un malade. C’est comme cela qu’il m’a demandé de l’aider à monter ce centre de coronarographie pour un coût de 400 millions de francs CFA. Eux, avaient déjà un dossier estimé à 1 milliard 200 millions de francs cfa, nous l’avons réalisé grâce aux partenariats, grâce aux donations, à la synergie… Il faut comprendre que c’est cela aussi le club service : c’est de mettre ensemble des énergies, ce qui fait que des coûts 3 fois plus chers ne reviennent pas à ces prix-là, pour un service identique et de même qualité.

Nous l’avons ouvert en 2013 et il a été inauguré en 2014 par le Pr. Awa Marie Coll Seck, qui était à ce moment-là Ministre de la Santé et l’Action Sociale. Aujourd’hui,  c’est un centre qui prend en charge 200 patients par année, et qui permet de sauver des vies. Il faut aussi dire que c’est un centre qui a révolutionné les pratiques en matière de cardiologie et chirurgie cardiaque à l’hôpital de Fann, dans la mesure où cela a apporté des outils qui permettent des méthodes de travail plus adaptées et bénéfiques pour le patient. On n’est plus obligé d’opérer à cœur ouvert pour toutes les pathologies. Et même lorsqu’on doit opérer à cœur ouvert aujourd’hui, on le fait de manière plus précise parce qu’on a bénéficié des résultats de l’imagerie et des résultats de la coronarographie. Enfin, il faut saluer la jonction de projets comme l’hôpital de cardio-pédiatrie que la fondation Cuomo a réalisé en venant se greffer sur notre centre de coronarographie, toujours à Fann. Ce qui permet aujourd’hui à des ONG comme la « Chaîne de l’Espoir », qui est d’ailleurs à l’origine de cette initiative , d’amener à Dakar à l’hôpital de Fann, les patients qu’ils avaient l’habitude d’emmener en Europe avec des complications administratives, des coûts extrêmement élevés… Des ONG comme celles-là peuvent ainsi intervenir plus efficacement et faire bénéficier de leurs prestations à une plus large population.

Centre de traitement des grands brulés de Fann : un projet d’une « urgence critique ». On parle d’un taux de 50 à 70% lorsque le pronostic va au-delà du brulé au 2nddegré 

Et la construction du centre de traitement des brulés à l’hôpital de Fann que vous pilotez ?

C’est le projet majeur aujourd’hui des Lion’s Clubs et j’invite toutes les associations à se joindre à ce projet dans la mesure où c’est un projet extrêmement important. Il n’y a pas de solution pour la prise en charge des brulés graves au Sénégal. Il y a eu des initiatives posées par quelques hôpitaux en mettant à disposition des lits de réanimation, mais ce n’est pas réellement la solution pour les brulés graves et il en résulte une situation de morbidité qui est assez importante. On parle d’un taux de 50 à 70% lorsque le pronostic va au-delà du brulé au 2nddegré. C’est une expérience qui nous a traumatisé parce que nous avons un membre du Lion’s Club qui est décédé de septicémie en 2008, suite à des brûlures. Parce que, justement, il n’y avait pas de structures adaptées. Donc son club, ses amis à l’époque ont voulu mettre en place un centre de traitement des brûlés. Mais c’est un projet qui est d’une telle complexité qu’il a fallu mobiliser tous les autres Lion’s Club sur ce projet-là. Et aujourd’hui, c’est un projet qui doit mobiliser tous les Sénégalais et toutes les personnes vivant au Sénégal parce que c’est un projet d’une envergure telle qu’il faut vraiment y mobiliser énormément de fonds. C’est un coût de 5 milliards, d’après les études que nous avons financées. Il faut dire que dans ces 5 milliards, l’hôpital de Fann a mis à disposition un terrain de 5400 m² bien placé, parce que l’hôpital de Fann dispose déjà des compétences périphériques pour la prise en charge d’un brulé. L’Etat du Sénégal a fait un effort d’exonération à hauteur d’1 milliards et dans la loi de finance 2018, l’Etat a rajouté 1 milliard en financement direct, pour justement pouvoir réaliser rapidement ce centre, qui est d’une urgence critique. Vous l’avez suivi dans l’actualité : il y a eu l’accident de Médina Gounass, il y a eu d’autres accidents qui font que là encore on a pu vivre cruellement et mortellement le manque de structures adaptées pour la prise en charge de ces accidentés.

Toutes ces actions sont centralisées au sein du Lion’s club ; que symbolise ce club-service pour vous ?

Le Lion’s Club, pour moi, représente un cadre, un espace d’expression et d’épanouissement, de satisfaction d’une ambition citoyenne. Dans la mesure où il m’offre la possibilité, avec des amis, avec lesquels nous partageons les mêmes valeurs, avec des ressources importantes, d’aider et de venir en aide aux populations de la région, en particulier sénégalaises et du Sénégal en général. Puisqu’il faut savoir aussi que le Sénégal bénéficie d’un plateau sanitaire dont profitent les pays voisins.

Je ne vois pas l’utilité de thésauriser des milliards dans un compte

Le nombre d’êtres humains explose et paradoxalement, le monde manque cruellement  d’humanisme. Comment, l’homme versé dans l’humanitaire que vous êtes, peut-il expliquer ce hiatus ?

C’est ce que je disais tout à l’heure : je pense qu’il y a une course effrénée à l’enrichissement financier et matériel. C’est ce que j’appelais tout à l’heure les travers, les avatars du capitalisme. Il y a cette course effrénée effectivement, qui fait qu’il y a de nombreuses personnes qui perdent de vue l’éthique et le développement durable humain et de l’environnement dans lequel nous vivons. Donc oui, il y a un travail de conscience à faire. Il faut arrêter cette course effrénée vers le gain dans laquelle effectivement de nombreuses personnes qui aujourd’hui sont des acteurs majeurs de nos pays sont engagées, au détriment de l’être humain et de l’environnement.

L’argent c’est un outil, un moyen qui doit permettre d’atteindre un bonheur 

Quelle est votre définition de l’argent? Est-il la finalité ou le moyen d’une finalité tout autre et pour tout dire, plus noble ?

L’argent c’est un outil, un moyen qui doit permettre d’atteindre un bonheur. Chacun ayant sa définition du bonheur, je pense que l’argent ne doit pas être une fin en soi. Je ne vois pas l’utilité de thésauriser des milliards dans un compte…

Au-delà de votre success story professionnelle, bien que le choix soit vaste, de quelle action sociale êtes-vous le plus fier ?

Alors, je n’en ai pas une en particulier. Ce dont je suis fier, c’est d’avoir fondé cette entreprise-là, d’arriver à aider mon environnement, que ce soit professionnellement, et d’arriver à m’impliquer à travers mon association, à aider des populations. Je suis résolument tourné vers l’avenir et je ne regarde pas derrière. Si ce n’est pour continuer à pérenniser ce que j’ai déjà fait. Donc, je ne peux pas dire qu’il y a une action particulière qui m’a marqué. Je suis plutôt concentré sur les prochaines actions dans lesquelles je vais m’investir.

Si, muni d’une baguette magique, vous pouviez résoudre un problème majeur dont le monde pâtit ou a eu à pâtir, et de fait, en paye encore les conséquences, quel serait-il ?

Si j’avais une baguette magique (rires)… ça c’est une grosse question (rires). C’est-à-dire qu’on voudrait résoudre tellement de choses qu’il faut vraiment prendre le temps de la réflexion. Je pense que ce serait qu’on ait un autre système social et économique de développement. Cela,  je pense,  c’est le gros challenge qui se présente à nous.

le système actuel dans lequel nous sommes, laisse beaucoup de gens au bord de la route 

Pourquoi ?

Parce que le système actuel dans lequel nous sommes, laisse beaucoup de gens au bord de la route. Pour moi, il n’est pas pérenne. Il faudrait qu’on se réveille un matin et qu’on soit dans un autre système pour éviter de passer par l’effort du changement parce qu’évidemment toute révolution a son coût.

Comment voudriez-vous que les gens se souviennent de vous ?

Comme quelqu’un de résolument optimiste, de persévérant et d’entreprenant, dans le bon sens du terme.

Quand vous étiez petit, aviez-vous rêvé d’accomplir tout ce que vous avez d’ores et déjà accompli à ce stade de votre vie ?

Oui, je l’ai dit tout à l’heure, quand j’étais petit comme vous le dites, j’avais l’ambition d’œuvrer dans l’humanitaire. J’arrive à faire de l’humanitaire, sans que ce soit vraiment mon métier. J’avoue que ça, c’est une satisfaction pour moi.

Que vous reste t-il encore à faire afin que votre sentiment du « devoir accompli » soit, sinon comblé, du moins un tant soit peu apaisé ?

 A continuer ce que je fais (rires). Et puis, peut-être, à amener plus de gens avec moi pour le faire. Cela me comblerait.

Enfin, quelle est votre phrase fétiche ?

Demain sera meilleur.

Denis Ndiaye-Experts et Associés

Préférences de Denis Ndiaye

Votre personnage historique préféré : J’ai des personnages qui me fascinent. Par exemple Nelson Mandela. C’est quelqu’un qui me fascine, sa trajectoire me fascine et c’est vrai que j’aimerais bien m’en imprégner. Plus près de nous en termes de générations, le Président Obama, même s’il n’a pas marqué son temps comme il l’aurait certainement voulu je pense.

Votre livre de chevet : Il n’y a pas une œuvre particulière. J’aime les romans de fiction qui s’inspirent de l’histoire. J’ai aimé Jacques Attali par exemple.

Votre mot ouolof préféré : Dieureudieuf

Votre mot français préféré : Merci

Votre raison préférée : Persévérance et patience

Votre déraison préférée : La colère

La « passion triste » pour laquelle vous auriez de l’indulgence : la Jalousie

Votre sentiment préféré : l’Amour

 

Experts Associés International

 

Interview réalisé par Irène Idrisse (lepetitjournal.com/dakar)

Denis Ndiaye-Experts Associés International
Publié le 2 novembre 2017, mis à jour le 6 janvier 2021

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