

Rencontre avec Stéphanie Nikolaïdis, belge, rédactrice web, installée à Dakar depuis 2013
Lepetitjournal.com : Quand et pour quelle raison es-tu venue au Sénégal ?
Stéphanie Nikolaïdis : J’avais assez peu de raisons de venir au Sénégal en fait ! Je suis belge (de Charleroi) et tout en suivant des études en communication et en ressources humaines, j’ai commencé à travailler pour une association à Bruxelles d’arts urbains en 2003. Au début j’étais assistante de projet puis au fil des années, j’ai pris des responsabilités et dix ans après, je montais des projets, accompagnais des artistes, etc.
Jusqu’alors, je n’étais pas une grande voyageuse, et en dehors de New York, je n’avais voyagé qu’en Europe. Mais dans le cadre d’un programme d’échanges, j’ai eu l’occasion de venir à Dakar en 2012 pour travailler avec l’association Africulturban. J’ai tout de suite flashé sur leur façon de travailler. Nous étions deux associations œuvrant dans le même domaine des cultures urbaines, c’est-à-dire la musique (rap, hip hop), la peinture (graffiti), le slam…mais chacune avec nos façons de faire, notre culture. C’était très intéressant et je n’avais pas tellement envie de rentrer sur Bruxelles, où j’avais l’impression d’avoir fait le tour de mon poste. J’ai donc décidé de faire une pause carrière et je suis revenue au Sénégal !
J’ai travaillé d’abord comme bénévole pour Africulturban ainsi que pour Les Petites Pierres, une association culturelle à Ouakam (qui n’existe plus mais qui était très dynamique), j’ai pris des contacts et me suis renseignée sur la façon dont fonctionnait la scène culturelle au Sénégal pour voir si je pouvais y trouver du travail. J'ai alors pu effectuer un stage au sein de la Délégation Wallonie-Bruxelles. J’ai aussi eu l’occasion de cheminer avec le groupe Sahad and The Nataal Patchwork, une belle et riche expérience (et maintenant ils ont une carrière à l’international, cela me fait plaisir !). Puis, l’ancien directeur du Goethe Institut qui me voyait évoluer dans le secteur culturel m’a proposé de devenir leur rédactrice web et réseaux sociaux en 2015. Cela me convenait parfaitement car je me sentais plus légitime à occuper un poste de communication que d’accompagnement des artistes. Cela fait donc maintenant 3 ans.
En quoi consiste ton travail ?
La programmation du Goethe Institut est variée (cinéma, conférence, lecture publique, danse, photographie, musique) et je suis heureuse d’en faire la promotion à travers des articles, des photos ou des vidéos sur leur site internet et sur les réseaux sociaux. Et j’aime faire partir d’une équipe. Au Goethe Institut, il y a, outre le département culturel, des cours de langues et une bibliothèque très investie dans le digital.
Il y a quelques semaines, tu as lancé ton blog Buntubi. Pourquoi ?
J’ai eu envie d’avoir mon espace à moi où je pourrais parler aussi bien voyage, mode, culture, photos… La scène culturelle sénégalaise m'a toujours passionnée, j’ai ensuite découvert l’univers tout aussi créatif de la mode et du design notamment grâce à Milcos, mon compagnon, un ancien ingénieur informatique qui a lancé sa marque Nio Far. Dans chacun de ces univers, il y un vivier de talents incroyables, avec beaucoup de créatifs qui se positionnent à l’international. Grâce à mon blog, j’espère pouvoir mettre en valeur certains de ces talents. Je suis particulièrement fascinéee par le travail de Johanna Bramble, d'Ousmane Mbaye, de L'Artisane, de Mwami, de Nio Far (bien évidemment)... Le Sénégal regorge également de photographes qui posent un regard tout à fait intéressant sur leur pays comme Sidy Mohamed Kanji, Djibril Dramé, Bizenga, Aldi Diasse ou encore le mauritanien Daouda Corera.
Par ailleurs, j’ai toujours fait pas mal de photos, rédiger des petits billets sur les réseaux sociaux, et mes proches m’ont incité à passer à l’étape supérieure. C'était donc pour moi la suite logique de lancer mon blog Buntubi et j'en suis ravie.
Quelles ont été tes premières impressions en arrivant au Sénégal ?
J’ai tout de suite aimé le rythme sénégalais : « prends ton temps », « ne stresse pas ». Cela m’a parlé et correspond à ma personnalité. A Bruxelles, c’est la course aux temps morts, avec un mode de vie plutôt stressant. Ici, par exemple, quand il y a des coupures d’électricité, on arrête de bosser, on en profite pour prendre le thé. Mais pendant ces temps de conversation, ces moments informels, on apprend plein de choses et on avance en fait, mais différemment. Et le reste du temps, on est très productifs !
J’aime également le « bordel » organisé, l’improvisation qui règne ici. Je n’aime pas les choses trop structurées.
Le côté très positif des personnes me plait également beaucoup. Il n’y pas de problème qui ne peut trouver sa solution. Et effectivement, cela marche ! Il suffit juste d’être patient et créatif !
Le vivre ensemble est aussi quelque chose qui m’a beaucoup séduite. Il y a une vraie solidarité au Sénégal qui s’oppose à l’individualisme de nos sociétés occidentales où je trouve qu’il y a beaucoup de solitude. Ici on sait que l’on peut compter sur ses voisins, on ose demander de l’aide sans appréhension. En Belgique, c’est plus compliqué, moins spontané.
Ce qui a été le plus difficile ?
La réalité des enfants des rues et la pollution à Dakar. Dès que je peux, je vais en bord de mer et quitte Dakar le week-end.

Tes coins préférés à Dakar ?
Il y en a plein !
L’île de Ngor pour la journée, l’île de Gorée en fin de journée et y passer la nuit car il y a une toute autre ambiance qu’en journée, le Plateau le week-end quand les rues sont praticables et prendre le temps de regarder les vieilles maisons et l’architecture.
J’ai un coup de cœur aussi pour le quartier de Ouakam où j’ai passé pas mal de temps. Maintenant nous sommes installés à Sicap Karak, un quartier très sympa aussi.
Pour prendre un verre ou manger le Noflaye ou le Bazoff !
Enfin, nous assistons à beaucoup de concerts, au Goethe Institut ou à l’Institut Français bien sûr, mais également un peu partout dans Dakar.
Et au Sénégal ?
Sans hésiter, La Casamance d’où mon compagnon est originaire. C’est très vert toute l’année, il y a beaucoup de champs et l’agriculture est importante. Et les Casamançais sont très différents du reste du Sénégal. Il y a une ambiance particulière que j’aime beaucoup. Les traditions animistes sont encore fortes, c’est très intéressant à découvrir avec l’aide de Milcos. Je propose d’ailleurs un circuit et de bonnes adresses sur mon blog pour ceux que cela intéresse !
Sinon, j’aime beaucoup Saint-Louis, même si, à chaque fois, j’ai un petit pincement face au manque d’entretien du patrimoine et à la pollution de la langue de Barbarie.
Sur la petite Côté, La Somone et Toubab Dialaw sont mes coins préférés, notamment Sobo Bade à avec son théâtre de verdure et son architecture incroyable. J’y ai fait des stages de yoga qui est une autre de mes passions.
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui vient d’arriver au Sénégal ?
Je lui dirais adapte toi au Sénégal car le Sénégal ne s'adaptera pas à toi. Garde l’esprit ouvert, écoute avant de parler. Sois dans une attitude humble, ne viens pas donner des leçons mais viens apprendre. Prends ce que les gens ont de bon à te donner, le reste, tu laisses. Respecte ce qui se passe autour de toi, tu n’as pas les clés pour comprendre donc ne juge pas. Pose un nouveau regard sur les choses, lâche ton point de vue euro centré pour t’ouvrir à une nouvelle réalité. Tu resteras toujours un étranger, un toubab et ce n’est pas grave, accepte cette position, elle est liée à un contexte que tu finiras par comprendre ou pas. Ne t’attarde pas à cette dénomination et puis garde toujours le sourire et fais preuve d’humour car avec l’humour, tout finit par s’arranger ! Et puis, n’oublie jamais d’où tu viens !
