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Laetitia Kozlova, réalisatrice sonore, à Dakar depuis 2014

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Écrit par Gaëlle Picut
Publié le 16 janvier 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

Rencontre avec Laetitia Kozlova, réalisatrice sonore, à Dakar depuis 2014 avec sa famille.

Lepetitjournal.com : Quand es-tu arrivée au Sénégal ?

Laetitia Kozlova : Nous sommes arrivés il y a 4 ans en famille de Paris. Mon mari, qui travaille dans le secteur automobile, a eu l’opportunité de prendre un poste à Dakar.

Quel est ton parcours ?

Je suis diplômée de Langues O’, en russe. Mon arrière-grand-mère était russe, j’ai toujours été fascinée par ce pays, notamment sa langue. J’ai eu l’occasion de passer deux mois à l’Université de Moscou et de donner des cours en Sibérie. Puis j’ai intégré la filière Relations Internationales à Sciences-Po Paris où j’ai appris l’arabe et passé 6 mois au Caire. Ensuite, j’ai décidé de prendre une année sabbatique à Séville, en Espagne, pour apprendre le flamenco.

A mon retour à Paris, j’ai fait pas mal de stages et de CDD dans le journalisme écrit. Je me suis alors rendu compte que j’étais davantage attirée par la radio. J’étais une auditrice depuis toujours, certaines voix de radio m’ont beaucoup marquée. Mais je n’y connaissais rien ! Cela me forçait à sortir de ma zone de confort. J’ai alors décidé de suivre un 3ème cycle en radio à Bruxelles pendant un an. Ensuite, grâce à une candidature spontanée, je suis rentrée chez France Culture où je suis restée 12 ans jusqu’à notre départ pour Dakar en 2014.

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Laetitia a travaillé 12 ans pour France Culture

Chez France Culture, j’ai occupé différentes fonctions : j’ai travaillé pour une émission musicale, puis pour la matinale avec Ali Baddou. C’est l’émission la plus écoutée, donc forcément un mélange de pression et adrénaline, mais c’était passionnant. J’ai ensuite eu l’occasion d’être productrice d’émissions. J’ai ainsi réalisé une émission sur les mémoires de la révolution russe, puis d’autres sur les 20 ans des accords de Matignon, la chute du mur de Berlin, etc. Ce sont des belles émissions de 5 fois 3h30, pour lesquelles j’étais entourée d’un réalisateur et d’un preneur de son.

En 2011, j’ai ma première fille et là, c’est un peu le big bang ! Car le rythme en radio est passionnant mais très soutenu et très chronophage.  Je décide alors de m’éloigner un peu du quotidien d’une radio.

Je réalise que la diffusion du monde sonore peut se faire autrement que par la radio. Je décide de créer Mémoires Sonores. Selon moi, la voix est un formidable support de mémoire, plus vivant qu’une photo et plus intime qu’une vidéo. La voix, les sons sont des marqueurs du temps et procurent toutes sortes d’émotions.

Avec Mémoires sonores, j’ai décidé de proposer de conserver les voix au cœur des familles, à l’occasion d’événements importants par exemple. Récemment, une femme a ainsi offert un enregistrement à son mari pour ses 30 ans. Il raconte sa vie, son passé, sa famille éclatée dans le monde entier. Cela lui permet de garder une trace sonore d’une époque précise. Je garde le rythme de la personne, ses silences, ses souffles, l’agencement de ses phrases. Et puis, l’enregistrement a lieu dans un endroit particulier, avec ses propres sons (un jardin, une maison…).

Mais il est également possible de produire des documents sonores pour des musées, des galeries d’art ou des boutiques.

Et puis en 2014, s’est présentée l’option de partir au Sénégal !

Et à Dakar, tu poursuis Mémoires Sonores…

Je me suis dit que dans un pays où l’oralité était très importante, il y avait forcément des moyens de poursuivre Mémoires sonores. Lorsque je suis arrivée, j’ai tout de suite allumé la radio. Je me suis renseignée sur qui faisait de la radio, où elle était enseignée. Et c’est comme cela que j’ai frappé à la porte du CESTI (Centre d'Etudes des Sciences et Techniques de l'Information), l’école de journalisme rattachée à l’UCAD, créée il y a plus de 50 ans par Senghor. Le CESTI délivre une excellente formation en trois ans, elle sélectionne chaque année 30 étudiants dans toute l’Afrique de l’Ouest. Depuis 4 ans, je propose aux élèves deux fois par semaine un atelier d’écoute et de production. Je leur fais écouter beaucoup de genres et de formats radio différents, afin de leur montrer l’étendue du panorama radiophonique. Et ils doivent faire un pilote d’émission durant un semestre. Cela me demande beaucoup d’énergie et de préparation, mais j’adore cela ! Au CESTI, j'ai trouvé une vraie famille. Il y a un très fort sentiment d’appartenance et de corps au sein de cette école. J’ai également eu l’occasion de réaliser un document sonore à l’occasion de ses 50 ans dans lequel j’ai interviewé des anciens de différentes promotions.

Dans le cadre de la Biennale 2018, j’ai réalisé un habillage sonore de la maison Senghor. J’ai eu envie de faire parler les murs. Pour cela, j’ai écouté des centaines d’émissions de Senghor et j’en ai pris des extraits en fonction des pièces de la maison. Lors de l’inauguration, l’effet a été assez saisissant, surtout pour Barthélémy, l’ancien majordome de Senghor qui fait actuellement les visites. Senghor se raconte, dans sa propre maison, c’est émouvant et rempli d’humanité. L’installation n’a pas été pérennisée pour des raisons pratiques mais elle est accessible sur demande pour des groupes.

Avec une amie photographe, Nathalie Guironnet, nous avons également réalisé l’exposition Pouls, un voyage sensoriel au cœur de Dakar, à travers des photos et des sons de la ville.

Enfin, je propose également des ateliers cartes postales sonores pour les enfants. Je leur apprends à écouter et non pas seulement à regarder (d’où viennent les sons, comment mettre des mots sur les sons..). Et ensuite, chaque enfant produit une carte postale sonore d'une minute pour exprimer ses envies, ses rêves, à quelqu'un qu'il aime. Je les invite à exprimer avec tous leurs sens ce qu’ils font, goûtent et sentent à Dakar.

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Laetitia propose des ateliers "Cartes postales sonores" pour les enfants

Comment s’est passée ton arrivée à Dakar ?

Les débuts n’ont pas été faciles. J’avais deux jeunes enfants (depuis nous avons eu une 3ème fille) et je ne connaissais pas grand-monde. Mais à partir du moment où j’ai trouvé le Cesti, je me suis sentie bien, c’est la magie de la radio !

Malgré nos différences (une langue contestée, un passé douloureux…), la radio est un territoire qui permet de faire des choses ensemble, de raconter le monde tel qu’il est et de favoriser les échanges, en profondeur.

Quels sont tes endroits préférés à Dakar ?

Le restaurant Lulu, la plage des mamelles et le phare, la petite côte vers les Almadies.

Et au Sénégal ?

La région du Siné Saloum, la plage de l’Océan derrière le lac rose (gite du lac), mais aussi la Casamance, Saint-Louis. Même si avec 3 jeunes enfants, ce n’est pas facile de voyager autant que nous le souhaiterions.

Qu’est-ce que tu aimes les plus au Sénégal ?

Dans un contexte un peu difficile (pauvreté, pollution…), émergent des fortes personnalités, engagées. J’ai rencontré beaucoup de belles personnes, qui savent ce qu’elles veulent et qui le font avec talent, à l’instar d’Aisha Dème.

Sinon, Dakar est une ville très vivante, toujours en mouvement, que ce soit dans les instituts culturels, au Djoloff, dans les galeries d’art…

Et le moins ?

La saleté assez présente. Et le laxisme, le manque d’exigence parfois.

Quels conseils aimerais-tu donner à quelqu’un qui vient de s’installer au Sénégal ?

Vivre les choses comme une extraordinaire aventure humaine, personnelle et familiale. Mais peut-être que cela est vrai partout ? Alors oser, s'amuser, s'engager !

Gaelle Picut
Publié le 16 janvier 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

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