Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Un record du monde pour alerter contre le réchauffement climatique

Stéven Le Hyaric paris dakar record du monde véloStéven Le Hyaric paris dakar record du monde vélo
Stéphane Tourné
Écrit par Stéphane Tourné
Publié le 6 avril 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

Il était inimaginable de laisser Stéven Le Hyaric repartir sans lui avoir posé quelques questions. Cet aventurier vient de battre un record du monde en ralliant Paris à Dakar en vélo et sans assistance, pour alerter au sujet du réchauffement climatique. Rien que ça ! C’est sur la plage de Ngor que nous avons rencontré Stéven Le Hyaric, souriant, décontracté, épuisé et très proche, très humain.

 

Aujourd’hui on m’appelle aventurier. Je ne sais pas ce que ça veut vraiment dire, aventurier

 

Es-tu un explorateur, un athlète, un aventurier, un baroudeur de l’extrême ?

Je ne sais pas, je suis un peu tout ça, je pense, mais c’est l’aventure, l’exploration et aussi la transmission qui me plaisent. Je suis un aventurier des temps modernes. Les Mermoz et Saint-Exupéry, j’avais tout ça dans la tête, j’ai créé une trace, une route entre Paris et Dakar, comme j’en ai créé une entre les deux points les plus excentrés de l’Himalaya, en passant par la trace la plus dure et la plus haute du monde. Ouais, je ne sais pas vraiment me situer, aujourd’hui on m’appelle aventurier. Je ne sais pas ce que ça veut vraiment dire, aventurier.

Comment devient-on aventurier ?

Ah c’est drôle ! C’est drôle parce que des Sénégalais m’ont dit ça en arrivant à la statue (de l’Indépendance ndlr) « Moi aussi je veux être aventurier ». Comment on devient aventurier ? Comment on devient Stéven Le Hyaric aventurier ? En allant au bout de ses rêves, de ses convictions profondes, en essayant de ne pas se donner de limites et de foncer, d’être un grand rêveur, un explorateur, et d’avoir les yeux ouverts. Même si là j’avais les yeux rivés sur la route, parfois même sur le chrono pour ne pas arriver trop tard dans la nuit ! L’aventure, pour moi, aujourd’hui, c’est ça, c’est mélanger une performance physique à l’exploration intérieure, dans des univers assez extrêmes comme le Sahara, mais aussi les montagnes. Des extrêmes, des absolus…

 

Stéven Le Hyaric

 

Tu viens de réaliser un record du monde, celui de rallier Paris à Dakar en vélo en 20 jours. Comment t’es venue cette idée ? Cette envie ?

Ah c’est assez simple en fait, en revenant de l’Himalaya, je fais comme à chacun de mes retours d’expédition, une réflexion sur qu’est-ce que je fais après. J’essaie de ne jamais atterrir à Paris sans avoir le projet suivant en tête. Je me suis dit qu’est-ce qu’il y a de plus gros, de plus dur que l’Himalaya ? Je ne vais pas faire une montagne, même si j’ai envie d’être le premier à mettre un vélo en haut de l’Everest, comme un signal fort, braver les interdits. Envie d’aller sur de l’exploration extrême et encore plus sauvage, en Amazonie, faire le tour du Monde par l’équateur comme l’a fait Mike Horn, c’est le seul à l’avoir fait dans l’histoire. Mais là, j’avais envie d’explorer les déserts de mes rêves d’enfant et le Sahara, envie de découvrir, voir pourquoi c’est si dur, pourquoi on en parle tant, pourquoi certains deviennent fous dans les déserts. Et voilà, et ce clin d’œil à la course mythique, le Paris – Dakar. Un peu plus de 5 600 km en moins de 20 jours, un objectif  atteignable pour moi, à priori, et puis j’ai tout vécu pendant cette aventure. Plus de 285 km par jour de moyenne, 20 jours d’aventure, entre 10 et 17h de vélo par jour, des écarts de température énormes, la route de la chaleur.

 

Stéven Le Hyaric - Dakar

 

Aujourd’hui, à chaud, qu’est-ce qui domine comme impression, comme sentiment ?

À Dakar, ce qui domine, c’est la fierté d’avoir réalisé ce rêve, cet objectif, mais aussi, j’ai été bouleversé d’arriver ici après presque 20 jours de solitude extrême. Et de voir cette foule qui m’attendait. Déjà, à 45 km, j’avais un motard qui me protégeait des voitures, ensuite j’en ai eu 5 autres, 6, 7, 10, 15 motards, une vingtaine, trentaine de cyclistes, c’était la folie. J’avais un peloton autour de moi, j’avais les larmes aux yeux, j’étais subjugué par ce qui se passait et cette émotion que seuls, surement, les pays africains peuvent offrir, cette espèce de fraicheur, de folie ambiante. Beaucoup d’émotion et une grande fierté d’avoir réalisé ça.

 

Un bonhomme ça ne pleure pas, quand on est enfant, et moi je dis qu’un homme ça pleure, un homme ça a des émotions

 

On t’a suivi attentivement, et souvent vu pleurer tout en pédalant. Douleur ou émotion ?                 

Les deux en même temps parce que des fois j’avais des émotions à cause de la douleur. C’est dur de se remettre en selle, ma selle me faisait mal, j’ai une blessure de 5 cm exactement à l’endroit où je suis assis tous les jours et j’étais meurtri. J’avais les deux genoux qui avaient doublé de volume. On fait entre 100.000 et 500.000 coups de pédales par jours et chaque coup de pédale est une douleur au genou. C’était dur mais je devais vite écarter la douleur, revenir au sens du projet, à moi, à l’apprentissage sur ce chemin. Oui, j’ai eu mal, physiquement, moralement, psychologiquement, mais j’avais envie de montrer ça aussi, la réalité d’un homme comme ça. Un bonhomme ça ne pleure pas, quand on est enfant, et moi je dis qu’un homme ça pleure, un homme ça a des émotions.

Une anecdote particulière concernant ce parcours ?

Oui, l’histoire de la prochaine station à 179 km quand tu n’as que deux bidons d'eau d’un litre et tu es mort quoi ! Tu es fatigué, tu as déjà fait 100 km, tu vois ce panneau et tu te dis, « mais ils sont en train de se moquer de moi. » À la station d’avant, elle me dit 60 km… Et j’ai peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir tenir entre 6 et 8h de vélo dans la chaleur extrême. Et finalement il y avait une station qui m’a trouvé une bouteille d’eau, j’ai fait arrêter des camions. Mais ça fout la frousse, quand tu es tout seul, même pour moi qui commence à devenir un chameau, mon corps s’est adapté petit à petit à ces univers, je me suis dit « je vais crever là… »

 

Stéven Le Hyaric

 

Une ou des rencontres particulièrement fortes ?

Évidemment, l’arrivée qui était une des premières rencontres avec le peuple sénégalais, même si dès la frontière, à Rosso j’avais déjà rencontré des gens formidables.

J’ai eu une allemande expatriée en France, ensuite c’est une française qui m’a hébergé à Anglet. Ensuite, des espagnols qui m’ont aidé. Et dès que je suis arrivé au Maroc, j’ai eu un premier expat qui était à Tanger, d’une soixantaine d’année, et puis Pierrick qui vit à Rabat. Et puis j’ai un mec qui arrive avec un maillot du pays Basque et qui me dit « Mec ! Quel bordel pour te retrouver, tu ne me connais pas mais moi je te connais, je te suis sur les réseaux sociaux ». Le mec arrive sur un vélo, il me dit « Je suis consultant chez Décathlon, et j’ai envie de partager 50 km avec toi… » Et tous les jours j’ai eu ça. À Nouakchott, avant-veille de l’arrivée, Fred qui travaille depuis 20 ans là-bas pour la dépollution des océans et qui me dit « Je t’attendais avec impatience, est-ce que tu veux dormir à la maison, manger, laver tes fringues ? » Je n’avais pas vu quelqu’un depuis 12 heures ! Et sa femme m’a préparé des crêpes, ils sont allés m’acheter des bananes, j’étais cramé complet. Je me suis levé à 3h50 du matin et ils m’ont accompagné pendant 50 bornes à la sortie de Nouakchott pour me sécuriser.

Et puis les populations locales, toujours bienveillantes, au Maroc, en Mauritanie. Au Sénégal, des agriculteurs en vélo qui faisaient la course avec moi sur la route de Saint-Louis.

 

Le projet, c’est aussi de montrer qu’avec du courage et du cœur on peut arriver à beaucoup

 

Quel a été le plus gros obstacle, la plus grosse difficulté ?

C’est moi la plus grosse difficulté (rires). C’était moi, chaque jour, s’y remettre, se remettre au charbon, remonter sur cette machine comme un mec qui fait du moto GP, qui a fait 15 crashs dans l’année, qui est cassé de partout et qui quand il est sur sa moto, il est dans sa pratique, il redevient ce qu’il était la veille et ça repart. Tous les jours c’était la guerre, guerre intérieure pour se remettre en selle et puis la tombée de la nuit, chaque soir. C’était ça le plus dur. Après, oui, il faisait jusqu’à 45° dans le désert, en Mauritanie, mais j’étais préparé à ça. Par contre je ne m’attendais pas à ces douleurs aux genoux, douleurs musculaires chaque matin. Mais c’est un apprentissage. Et le projet, c’est aussi de montrer qu’avec du courage et du cœur on peut arriver à beaucoup.

 

Stéven Le Hyaric

 

Je ne sais pas s’il y a du recyclage au Sénégal, mais j’ai vu des villages, c’est des collines de plastique

 

Tu souhaites sensibiliser au réchauffement climatique, penses-tu y parvenir et pourquoi ?

Oui, j’y parviens simplement parce que je le fais. Mettre un bonhomme dans un univers hyper hostile comme un désert… Le désert il n’est pas là pour te prendre dans ses bras, il te cueille, il te met des claques de chaleur toute la journée, des claques de vent, tu manques d’air, tu deviens une espèce de zombie. Je montre ça, je montre, les difficultés, la réalité du terrain et quoi de plus beau que de sensibiliser aux températures de demain en les vivant ? Séville, c’est les températures de Paris dans 20 ans. Et les températures du Maroc sont celles de l’Espagne dans 20 ans etc. J’ai vu du plastique un peu partout, mais du bordel pas possible, je sensibilise aussi là-dessus. Je ne sais pas s’il y a du recyclage au Sénégal, mais j’ai vu des villages, c’est des collines de plastique. Donc je montre ça.

Quelle est la suite ? Le prochain défi ?

Ce projet « DAKARECORD », c’était l’introduction d’un travail de plus grande ampleur qui est de traverser les 6 déserts les plus hostiles du monde sur 6 continentns en 6 mois. Projet 666, avec un clin d’œil à l’enfer et l’extinction, sur ce qui nous attend si on ne fait rien, même s’il est peut-être trop tard. C’est un appel à réagir sur des déserts chauds le Kalahari, le désert de Gobi, de Atakama, au Chili, le désert de Simpson, en Australie ou il y a des températures de plus de 55°.  Le cerveau fond à 60°… (Rires). Le réchauffement climatique, on le verra bien. Et puis il est peuplé d’un serpent tous les 10m2 environ…

Et ensuite, Arctique, Antarctique, pour montrer la fonte des glaces. Si je ne peux pas rouler en Antarctique ça serait vraiment le bordel pour moi parce que ça veut dire que je dois porter le vélo et si on ne peut pas rouler en Antarctique, ça veut dire qu’on a pris 40°, ça serait fou ! Et ça existe, parce que j’ai des copains qui ont fait le Pôle Sud, il y a quelques temps, et il faisait – 12°… Du coup, je flippe un peu de ça, mais ce sera la réalité.

Préférences de Stéven :

Plat préféré : J’avais envie de manger des pâtes et Fred, à Nouakchott, il m’a servi des pâtes avec du parmesan, j’ai cru que j’étais au Paradis.

Aventurier préféré : Il me faudrait un mélange entre Mike Horn et Sylvain Tesson.

Sportif préféré : Ça c’est compliqué. Je ne suis pas un bon « fan » en général, mais j’ai beaucoup de respect pour les sportifs multidisciplinaires comme le décathlonien Kevin Mayer ou Vincent Luis en triathlon. Ça rend humble, les sports aussi durs. Ça se rapproche quelque peu de l’aventure, la capacité à s’adapter constamment.

Chanteur préféré : Allez, je vais dire Youssou Ndour (rires)

Personnage historique préféré : Antoine de Saint-Exupéry

Destination préférée : Sénégal ! (Rires)

Pour suivre Stéven : sa page Facebook, et son site

 

FOTY-2
Publié le 6 avril 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions