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Nébéday, une association qui agit concrètement pour l’environnement

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Nébéday
Écrit par Gaëlle Picut
Publié le 28 octobre 2018, mis à jour le 27 mars 2019

Fondée par Jean Goepp, l’association Nébéday sensibilise et forme des villageois sénégalais à une gestion participative et durable des ressources naturelles. Elle est également à l’origine de l’opération « 400 000 arbres, ensemble reboisons le Sénégal ».

« Pour assurer son développement, le Sénégal a puisé de manière excessive dans ses ressources naturelles au point de menacer les ressources marines ou forestières nécessaires à la survie des générations futures » expliquait Jean Goepp à l’occasion d’une conférence donnée devant les Éléments Français du Sénégal le 15 octobre dernier, au quartier Geille. Parallèlement, l’explosion démographique accentue ces bouleversements. Ces phénomènes inquiétants sont sources de déstabilisation sociale et de pauvreté accrue, participant à l’exode rurale et à l’immigration clandestine.

« En 60 ans, la forêt sénégalaise a été divisée par deux, passant de 11 millions d’hectares à 6,3 millions aujourd’hui. Chaque jour, c’est l’équivalent de 300 stades de foot qui sont déforestés » a rappelé Jean Goepp. Cela bouleverse les chaînes alimentaires et entraîne la disparition d’espèces animales. Les deux principales causes de cette déforestation massive est l’utilisation de bois ou de charbon de bois pour cuisiner et la multiplication des feux de brousse (évalués à 2000 par an). La disparition des forêts aggrave l’érosion ainsi que l’appauvrissement des sols, ce qui amoindrit la productivité agricole et contribue à la pauvreté du pays.

« De la même façon, on assiste à une baisse inquiétante des ressources halieutiques. En cause, une forte augmentation de la demande mondiale et des méthodes de pêche destructrices et illégales » analyse Jean. Au Sénégal, la pêche est le premier secteur de l’économie et le premier poste d’exportation, qui emploie 20% de la population active. Environ 22 000 pirogues sont recensées mais certaines travaillent de façon illégale et surexploitent le poisson, sans compter tous les bateaux usines étrangers et les usines de farine de poissons qui sont selon lui une vraie calamité écologique. « Elles participent à l’accélération de la surexploitation des ressources halieutiques surtout des petits pélagiques qui sont le filet de la sécurité alimentaire des populations » analyse Jean. Conséquences : une destruction de la faune marine avec une espèce de poisson sur trois menacée d’extinction, de lourdes pertes économiques et des difficulté d’accéder à du poisson bon marché

Les fondateurs de Nébéday
Les fondateurs de Nébéday en 2011. Crédit photo : Nébéday

Face à ces urgences environnementales, Jean Goepp a décidé d’agir. Né en 1974, ce fils de professeur a découvert le Sénégal à 14 ans. Après son baccalauréat au lycée français de Dakar, il fait des études d'agronomie à l'ISTOM, sa coopération au sein de l'AFD puis il rejoint l'Océanium de Dakar où il a été coordonnateur des projets pendant 10 ans avant de créer la structure Nébéday en 2011 avec une dizaine de personnes. Aujourd’hui, 13 salariés composent l’association qui agit essentiellement dans la région de Fatick et dans le Nord, en liaison avec une quarantaine de villages.

Le nébéday est le nom wolof d'un arbre, le Moringa Oleifera, qui est souvent qualifié d'arbre de vie car il peut nourrir et soigner les gens. Cela évoque la ressource renouvelable qui ne meurt jamais à la condition qu’on l’entretienne correctement. L’objectif principal de l’association Nébéday est la protection, la gestion participative et la valorisation des ressources naturelles par et pour les populations locales.

« Souvent la nature est dégradée par manque de formation, d’éducation et à cause de la dureté de la vie quotidienne, analyse Jean. C’est pour cela qu’on essaye de développer des filières économiques pour ramener des revenus en exploitant durablement les ressources et ainsi, sensibiliser et impliquer les populations dans nos actions ». Cela passe essentiellement par  l'organisation de ciné-débats avec des petits films en wolof ou en sérère dans les villages pour sensibiliser, expliquer, mobiliser.

Ciné débat organisé par Nébéday
Le cinéma-débat constitue le meilleur outil de sensibilisation de Nébéday. Crédit photo : Nébéday

 

Nébéday mène quatre actions principales. Ses opérations de reboisement dans la région du Siné Saloum avec les populations locales sont les plus connues. En 2018, l’association aura replanté 400 000 arbres (320 000 en 2017). La seconde action est de protéger les derniers massifs forestiers. L’association travaille avec 3 forêts classées et essaye de mettre sur pied, avec la direction des Eaux & Forêts, des plans d’aménagement et de gestion avec les villages environnants afin de faire un usage raisonné et durable des forêts. « Mais cela nécessite beaucoup d’accompagnement et de suivi. Il s’agit de faire comprendre aux populations que désormais les forêts ne se régénèrent plus naturellement et qu’il faut en prendre soin » indique Jean.  

Reboisons le Sénégal

La troisième action est de remplacer le charbon de bois (principale cause de déforestation) par du charbon de paille. Ce biocharbon sauve la forêt deux fois : la paille récupérée dans les forêts constitue une biomasse renouvelable qui permet de limiter non seulement la coupe de bois, mais aussi les feux de brousse, et ainsi de sauver la pousse de jeunes plants. « Convaincre les villageois de passer au charbon de paille est un travail de longue haleine car c’est toujours compliqué de faire changer les habitudes, d’autant que la combustion du charbon de paille est plus lente ». L’association travaille actuellement sur des usages spécifiques de ce charbon de paille, à savoir le thiouraye (encens) et l’ataya (thé). « Ces utilisations peuvent constituer des marchés de niches sur lesquels la concurrence peut s’avérer moins forte » estime Jean.

Enfin, Nébéday met en place différentes filières de valorisation des ressources naturelles. Depuis 2011, il accompagne la coopérative des femmes de Sangako, dans le développement d'activités génératrices de revenus et respectueuses de l'environnement. Les femmes sensibilisées et formées trouvent ainsi un intérêt économique à protéger les ressources forestières nécessaires à leur survie et à celle de leurs enfants. 800 femmes produisent et vendent ainsi poudre de feuilles de moringa, pains de singe, bonbons au bissap, miel de mangrove, poissons, coquillages, huile de baobab, charbon de paille… 

charbon de paille
Le charbon de paille, une alternative écologique au charbon de bois. Crédit photo : Nébéday

Enfin, par rapport aux ressources halieutiques en danger, l’association participe à la création d’aires marines protégées comme cela de Palmarin.

« Nous accomplissons de petites victoires, estime Jean Goepp, et nous sommes soutenus par certaines entreprises privées sénégalaises mais la prise de conscience au niveau national reste très insuffisante face à l’ampleur des problèmes ». D’autres associations ou des opérations telles que la Grande Muraille verte s’emparent également de ces sujets mais cela avance beaucoup trop lentement » conclut-il.

De leur côté, les Éléments Français du Sénégal se sont engagés à replanter prochainement 400 arbres sur le quartier Geille.

Gaelle Picut
Publié le 28 octobre 2018, mis à jour le 27 mars 2019

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