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Handicap intellectuel : des acteurs engagés à Dakar

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Le centre Aminata Mbaye accueille 120 jeunes en situation de handicap intellectuel © GP
Écrit par Gaëlle Picut
Publié le 12 décembre 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

La prise en compte du handicap au Sénégal a longtemps été quasi-inexistante. Ces dernières années, des progrès importants ont été réalisés, mais les structures et les moyens alloués ne sont pas encore à la hauteur des besoins.

Cependant à l’occasion d'un colloque organisé pour ses 30 ans, l’Asedeme (Association sénégalaise pour la protection des enfants déficients mentaux) a voulu mettre en avant ce qui fonctionnait et notamment, remercier les entreprises innovantes et courageuses qui les soutiennent dans l’insertion professionnelle des jeunes adultes en situation de handicap intellectuel. Ce colloque sur le thème « Handicap intellectuel et emploi des jeunes : travail, inclusion, dignité » a également été l’occasion pour le Ministre sénégalais de l’Emploi de rappeler les efforts faits par les autorités publiques en faveur des personnes handicapées. Le Sénégal a ratifié en 2010 la convention internationale des enfants handicapés. Plusieurs décrets d’application ont été signés en 2012 et 2018 mais dans les faits, ils tardent à être appliqués ou les financements pour les dispositifs prévus par les lois ne sont pas toujours au rendez-vous. Par ailleurs, il n’existe pas encore une vraie politique nationale d’éducation car seul un enfant handicapé sur trois est scolarisé au Sénégal.

« L’objectif de ce colloque, rappelle Christophe Aubrun, secrétaire général de l’Asedeme, est d’encourager les efforts des entreprises et des pouvoirs publics en faveur du handicap. C’est en sensibilisant, en partageant les expériences, en travaillant tous de concert, que nous pourrons progresser et faire des émules, malgré les obstacles d’ordre culturel et social qui restent très lourds »

De son côté, Irene Mingasson, ambassadrice de l’Union européenne au Sénégal, a salué le travail réalisé par l’association. « Au fil des ans, l’Asedeme est devenue une référence dans l’accompagnement psychologique, médical et pédagogique des enfants et jeunes adultes handicapés intellectuels » a-t-elle souligné en introduction du colloque.

Cette association a été créée en 1989 par Aminata Mbaye, fille d’un haut magistrat sénégalais, avocate, et mère d’un enfant handicapé. Se rendant compte qu’aucune structure n’existait à Dakar pour accompagner son enfant et l’aider, elle a voulu rassembler des parents et des professionnels, pour faire sortir de l’ombre ces enfants trop souvent cachés et stigmatisés. Elle s’est battue pour obtenir de l’aide des pouvoirs publics, et a fini par obtenir un terrain de 2500 m2 à grand Yoff pour ouvrir un centre médico-éducatif. Elle est également à l’origine de la création en 1990 d’une antenne de Special Olympics en 1990. Disparue brutalement en 1998, son combat s’est poursuivi et finalement le centre Aminata Mbaye a été inauguré en 2003. Un autre centre pouvant accueillir 30 enfants a été ouvert à Saint-Louis en 2008. Chaque année, l’organisation d’un gala, sous forme de tournoi de golf, permet de récolter 30% des fonds nécessaires au fonctionnement de l’Asedeme (environ 170 millions de CFA de budget annuel).

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Visite du Centre par l’ambassade de Luxembourg début novembre en présence d'enfants, de la directrice du centre (à gauche), de Christophe Aubrun, secrétaire général, et de Patrick Sayegh, vice-président © Asedeme

Le centre à Grand Yoff accueille actuellement 120 jeunes (âgés de 4 ans à 25 ans). Autour d’une grande cour, on trouve 7 classes pour les apprentissages et la socialisation mais également des ateliers de pré-professionnalisation (horticulture, fabrication de jus, couture, cuisine, poterie). Les jeunes y sont affectés selon leur degré d’autonomie, leurs aptitudes et leurs goûts. Ce centre vit grâce à des éducateurs spécialisés, un médecin psychiatre, des aides-éducateurs, des enseignants, une directrice, des bénévoles, des stagiaires, une équipe administrative et de coordination… Au quotidien, la tâche est parfois lourde et compliquée mais les progrès réalisés par les jeunes sont une belle récompense.

Grâce à différents partenariats, l’’Asedeme a réussi à insérer 30 de ces jeunes en stage, en CDD ou en CDI. Le Terrou-Bi, qui est l’un de ses partenaires majeurs, a signé une convention de partenariat avec l’Asedeme dès 2013. Depuis, l’hôtel a accueilli 22 stagiaires en cuisine, buanderie ou jardinage et en a recruté 5 en CDI. Soukeyna Sagna, responsable carrière et recrutement du Terrou-Bi, a témoigné de leur expérience. « Cette politique inclusive n’a été possible que grâce à l’impulsion de la direction générale (NDLR : la famille Sahal) et à nos équipes. C’est un grand défi à la fois pour les jeunes et pour les tuteurs qui les encadrent. Mais nous sommes très bien accompagnés par l’Asedeme. Au final, les tuteurs se sentent valorisés car ils transmettent leurs savoir-faire et nous voyons les jeunes grandir, s’épanouir, prendre confiance en eux. Notre personnel a également appris des choses grâce à ces jeunes ».

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Plusieurs structures, partenaires de l'Asedeme, sont venues témoigner sur l'intégration par le travail de jeunes adultes en situation de handicap intellectuel © Asedeme

Les autres entreprises partenaires (Cité Scolaire Internationale, Golf Club des Almadies, Dubaï Port World, La maison de Céline, Le Jardin du Sahel, Club AS Dakar Sacré Cœur, les EFS…) ont souligné l’importance de nouer des partenariats avec des associations spécialisées dans le handicap pour accompagner les parcours d’insertion des jeunes adultes handicapés, de bien sensibiliser et de former son personnel. "Lorsqu'on s'engage en faveur de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, il faut adopter une posture d’intégration professionnelle et non une posture de charité ou de solidarité, a souligné  Laurent Bonardi, DG de la cité scolaire internationale (EAB-LCB), Intégrer ces jeunes est bénéfique pour notre organisation. Leur présence favorise l'ouverture d'esprit et est un facteur d’innovation managériale. Elle nous pousse également à améliorer notre communication interne et nos process".

Pour les personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas intégrer le milieu de travail ordinaire, l’Asedeme promeut aussi la création au Sénégal d’établissements spécialisés pour leur permettre de travailler dans un univers adapté leur générant des revenus (à l’image des ESAT par exemple).

Malgré les difficultés, l’association s’applique à faire vivre son slogan « doom doom la ». Cette expression wolof ("un enfant est un enfant") signifie qu’en dépit de son handicap, un enfant doit recevoir les mêmes soins et les mêmes attentions que n’importe quel autre enfant. Un vaste programme qui nécessite que tous les acteurs associatifs, publics et privés unissent leurs convictions, leurs efforts et leurs moyens.

Asedeme

asedeme@gmail.com

www.asedeme.org

Tel : 33 868 75 80

Gaelle Picut
Publié le 12 décembre 2019, mis à jour le 6 janvier 2021

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