Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 31 août 2016
C'est en 1955 que Paulin Soumanou Vieyra réalise Afrique-sur-Seine, premier film sénégalais. Production qui à l'époque avait désobéi à la loi française interdisant aux citoyens des colonies de faire des films. Aujourd'hui, bien que le cinéma sénégalais ne soit pas aussi répandu que celui du Burkina Faso ou de la Côte d'Ivoire, il peut se vanter d'avoir plusieurs réalisations notoires à son actif. Le cinéma narratif du Sénégal se caractérise surtout par son réalisme social et didactique. Voici donc notre sélection des incontournables du 7e art sénégalais.
Tableau Ferraille (1997) : ce film de Moussa Sène Absa produit en 1997 raconte l'histoire de Daam qui revient bardé de diplômes européens à Tableau Ferraille, son village natal situé aux environs de Dakar. Il gravit les échelons du pouvoir politique avec l'espoir d'améliorer la vie de ceux qu'il prend pour ses amis. Sa première épouse, Gagnesiri, est là pour le soutenir. Toutefois, cette femme aimante et généreuse ne peut pas lui donner d'enfant. Sous la pression et les conseils de son entourage, il se décidera à prendre une seconde épouse qui lui donnera certes des enfants, mais aussi bien des soucis. Illustration parfaite des multiples confrontations entre tradition et modernité.
Moins : chronologie légèrement éclatée.
Madame Brouette (2002) : Moussa Sène Absa frappe fort une fois de plus avec cette ?uvre qui relate l'histoire de Mati, une jeune femme qui a décidé d'en finir avec les hommes et de refaire sa vie toute seule. Toutefois, cette résolution ne l'empêchera pas de tomber amoureuse de Naago, un policier. Un homme merveilleux en apparence mais qui se révèlera être une fripouille. Avec Madame Brouette, l'objectif du réalisateur était de "creuser la nature de l'amour, savoir pourquoi certaines personnes restent trente ans ensemble et d'autre deux mois, et pourquoi certaines femmes décident qu'à 35 ans, elles ne veulent plus rien savoir des hommes ! Je voulais faire un portrait de ces femmes..."
Moins : L'action tarde à s'installer. La diction de certains acteurs ne sonne pas juste. Les textes sont parfois tout simplement récités.
Karmen Geï (2001) : réalisé par Joseph Gaye Ramaka, Karmen dépeint la vie festive des détenues et des gardiennes de la prison de Gorée où Karmen, une des détenues invite la directrice à danser un soir. Au milieu de la nuit, la directrice rejoint Karmen dans sa cellule. Liberée au petit matin, Karmen plonge dans l'océan. Un mois plus tard, dans un quartier populaire de Dakar, Karmen séduit Lamine Diop, le lieutenant de police, en pleine célébration de son mariage et marque d'un coup de canif son épouse qui tente de s'interposer. Le commissaire divisionnaire père de la mariée fait arrêter Karmen et demande à Lamine, ramené illico au rang de caporal, de la remettre derrière les barreaux mais tout ne se passe pas comme prévu?
Moins : manque de cohésion entre les scènes.
La Pirogue (2012) : le thème de l'immigration clandestine est magnifiquement illustré dans cette production de Moussa Toure. Elle relate l'histoire d'un village de pêcheurs dans la grande banlieue de Dakar, d'où partent de nombreuses pirogues. Au terme d'une traversée souvent meurtrière, elles rejoignent les îles Canaries en territoire espagnol.
Baye Laye est capitaine d'une pirogue de pêche, il connaît la mer. Il ne veut pas partir, mais il n'a pas le choix. Il devra conduire 30 hommes en Espagne. Ils ne se comprennent pas tous, certains n'ont jamais vu la mer et personne ne sait ce qui l'attend. L'histoire est classique certes, mais elle n'a pas souvent été traitée par ceux qui sont au point de départ.
Moins : interprétation souvent inégale entre les acteurs, voire même mauvaise, rendant les personnages et les situations peu crédibles.
Des Étoiles (2012) : lauréate 2012 de la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma et nominé au Fespaco 2015, des Étoiles narre l'histoire de 3 destins qui se croisent. Celui de Sophie, d'Abdoulaye et de Thierno. De New York à Dakar en passant par Turin, leur voyage les mènera à faire le choix de la liberté. Trois villes. Trois destinées. Trois déracinements. Le film raconte le poids des racines, les désillusions, les rêves détruits. Et aussi la difficulté face à la solitude lorsque l'on décide de quitter son pays.
Moins: Le film reste toujours en surface et n'arrive pas à vraiment nous emporter. Le résultat est un peu simplet.
Bois d'Ébène: Il s'agit du dernier long métrage de Moussa Touré. Au 15ème siècle, un gigantesque trafic humain se met en place entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique, qui ne cessera qu'au 19ème. Entre temps, plus de 11 millions de personnes auront été arrachées à la terre d'Afrique, échangés contre du tissu des armes, de l'alcool. Voix mêlées révoltantes ou émouvantes, toutes nées au c?ur du drame et à qui 2 siècles n'ont rien fait perdre de leur capacité à nous émouvoir. Le but de l'auteur ici est d'aller plus loin que le simple constat d'exploitation de l'homme par l'homme pour explorer en profondeur un système commercial et social complexe qui a dominé l'économie mondiale entre le 17ème et le 19ème siècle, et qui a installé durablement des concepts qui régissent aujourd'hui notre système économique: monopole, libre commerce, rentabilité.
Moins: le film traine en longueur et est souvent ennuyant.