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DOCUMENTAIRE – Life Saaraba Illegal, le nouveau film d’Alibéta, le troubadour afropolitain

Écrit par Lepetitjournal Dakar
Publié le 5 juillet 2017, mis à jour le 22 juillet 2017

 Life Saaraba Illegal est un de ces films qui donnent à penser. On y perçoit autrement le sens et la signification de l'immigration de l'Afrique vers l'Europe. Grâce à un documentaire ficelé à la perfection, le réalisateur Saliou W G Sarr nous ouvre une nouvelle fenêtre sur la réalité et les implications de l'immigration des jeunes africains vers l'Europe. 

Saaraba, une terre promise, une idylle, un paradis sur terre, voilà ce que peut représenter l'Europe pour certains africains. Saliou W G Sarr, aussi connu par son nom d'artiste Alibéta, insiste « beaucoup de jeunes africains pensent que pour être développé, reconnu, il faut prendre cette voie-là ».

Une aspiration qui les conduit parfois à prendre les routes de l'exil, souvent envers et contre tout. Un long chemin les attend alors, dans l'illégalité, l'insécurité, le danger. Un long chemin loin de leur famille, qu'ils laissent derrière eux, pour un certain temps. Combien de temps ? Le temps pour eux de suivre les voix de la réussite, celle qu'ils pensent ailleurs, là où l'image du développement et de la richesse se reflète le plus : en Europe. Un thème qui résonne pour beaucoup d'africains y compris pour Saliou Sarr, qui en fait l'expérience dans son village natal, Niodior.

Le film expose cette poursuite de la réussite, les aspirations au voyage et finalement la quête de soi, des deux cousins de Saliou Sarr, Aladji et Souley. Il met en avant les questionnements qui entourent l'immigration, dans ce qu'elle peut avoir d'illégal, de dangereux mais aussi d'incompris. Huit années de travail ont été nécessaires pour Alibeta qui a retracé les parcours différents de ses deux cousins, tout en les confrontant à sa vision de l'Europe et de son propre Saaraba, pour tenter de les convaincre de revenir au pays. Un long périple où, depuis son village de Niodior, dans les îles du Saloum, il suit Souley à Dakar et au Maroc et Aladji en Espagne. On y découvre alors les risques du voyage et de l'installation en Europe ainsi que les rapports qu'ils entretiennent avec leur famille restée au village. Au-delà, on perçoit leur voyage intérieur, celui qu'ils mènent pour trouver le chemin de leur réussite. S'ils ont dû passer par l'Europe pour trouver leur voie, celle-ci ne réside pas forcément là-bas. Le documentaire dévoile ainsi les perceptions de cette terre promise qui se forment et se déforment au fil du temps.

Le film porte donc un regard singulier sur l'immigration, en l'interrogeant via un prisme nouveau.

C'est, d'abord questionner le sens de l'immigration pour certains africains. Chez les Séréres, l'ethnie de Saliou et de ses cousins, il s'agit d'un rite de passage qui mène vers la réussite. C'est en héros qu'on est perçu une fois arrivé en Europe. Il s'agit alors d'entendre l'immigration non comme une simple conséquence de la pauvreté, mais comme la multitude des significations qu'elle réverbère.

C'est aussi poser un regard sur ce que l'immigration peut avoir d'illégal. C'est interroger le paradoxe qui veut que certains disposent d'un droit au voyage et que d'autres en soient dépourvus. Quels sont les moyens qu'ils restent alors à ceux qui en sont démunis ?

Enfin, c'est le rapport à l'Europe qui est interrogé. Si l'Europe continue d'être le Saaraba de beaucoup, les réalités du terrain en font déchanter plus d'un. Saliou Sarr veut montrer, grâce à ce film, que l'Afrique regorge de tous ces possibles qu'on croit ailleurs. Le documentaire permet de repenser les rapports des jeunes générations avec leur pays africains et de repenser la vision parfois tronquée d'une Europe fantasmée. Il s'agit, comme l'explique le réalisateur de contrer « cette image misérabiliste de l'Afrique qui contribue à faire croire aux jeunes africains que la réussite se trouve ailleurs. » En apportant un nouveau point de vue, Alibeta montre que l'Europe peut représenter « une voie de développement mais que ce n'est pas la seule voie. » C'est pour Saliou, tout un travail personnel qu'il s'agit de réaliser afin de trouver cette voie.

Cette nouvelle vision de l'Afrique et ce rapport entretenu avec l'Afrique, qu'on perçoit si fortement dans le film est une représentation qui se répand de plus en plus. Aujourd'hui comme l'explique Alibeta, il s'agit d'une chaîne, dans laquelle les jeunes générations nourrissent, ensemble, ce nouveau rapport au monde et exploitent leur propre potentiel. Pour lui, c'est un travail de décolonisation, non seulement avec soi-même mais aussi avec les autres.  

En touchant une thématique sensible, en développant un nouveau regard sur un sujet brûlant, mais aussi en mettant à nu une réalité très personnelle, la réalisation du film a été jalonnée de difficultés. En surmontant ces obstacles, le film orchestre à merveille le voyage physique, mais aussi spirituel de deux cousins en quête de réussite. Il nous offre aussi une vision, emplie d'humilié et de sincérité sur ce que peut être l'immigration. Il questionne, interroge avec un regard éloigné de tout jugement. C'est une ouverture et une source d'inspiration qu'offre Alibéta, un voyage par procuration, vers le dialogue, vers la réflexion, vers la réussite, où qu'elle se trouve.

 

À voir aussi : Rencontre avec Alibeta, le troubadour afropolitain (Vidéo)

Claire Lapique (www.lepetitjournal.com/dakar) mercredi 5 juillet 2017

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Publié le 5 juillet 2017, mis à jour le 22 juillet 2017

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