Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

SEXUALITE ET CONSOMMATION - La place des femmes marocaines en mouvement

sexualite femmessexualite femmes
Écrit par Parler Darija
Publié le 16 avril 2014, mis à jour le 18 octobre 2018

Le Maroc change, sa vision de la femme aussi. A travers deux exemples, Lepetitjournal vous fait part de travaux qui permettent de constater que le changement est en marche pour les femmes du royaume chérifien.  

Les Marocaines ont une voix à faire entendre dans la société. Il est possible de s'en rendre compte grâce à des initiatives, travaux réalisés dans différents domaines.


Nadia Kadiri est professeur en psychiatrie, sexologue et co-rédactrice du premier manuel dédié à la sexualité au Maroc. Publié en 2009, l'ouvrage a pour but de lever un tabou sur la sexualité, et notamment celle des femmes. Le manuel a aussi pour objectif de palier au manque de préparation à cette part de la vie d'une femme, "pourtant essentielle et naturelle".


Dans un contexte où l'Islam est religion d'Etat, la thérapeute revient sur les amalgames qui existent au Maroc. La sexualité hors mariage est interdite, cependant le plaisir n'est pas une notion absente du Coran selon elle. C'est donc aussi pour éviter que la sexualité soit relayée uniquement par l'image que véhicule la pornographie qu'un tel ouvrage s'est imposé à elle. "L'épanouissement passe par une identité sexuelle assumée et le fait d'être à l'aise" note Nadia Kadiri. Cet ouvrage est donc une façon d'expliquer aux femmes qu'elles valent par elles-mêmes, que leur corps est précieux et qu'il en va de leur libre-arbitre quant aux décisions prises. Il s'agit donc d'informer de certaines réalités trop souvent niées, les grossesses illégitimes notamment. Il existe aujourd'hui 27 000 femmes célibataires au Maroc, souvent mal considérées et 80 000 viols ont lieu chaque année.

Delphine Winkel, quant à elle, a 41 ans. Elle est née en Belgique, mais elle a vécu très jeune avec ses parents en Algérie, puis à Casablanca. C'est au lycée Lyautey qu'elle a étudié. Plus tard, elle est revenue faire ses études en Belgique et est devenue ingénieur en gestion. Sa mère possède une école privée à Casa, c'est donc tout naturellement que Delphine est revenue s'installer au Maroc avec son époux, et enseigner la gestion. Il y a quelques années, Delphine a eu le désir de reprendre ses études. C'est ainsi qu'elle a écrit une thèse intitulée "Acheteuse sans compétences? La femme marocaine face au supermarché". Selon elle, la consommation est un espace supplémentaire où la femme peut exercer sa liberté, c'est donc un signe positif. Et même si nous pouvons nous demander si la femme n'est pas en train de briser ses chaînes pour en retrouver d'autres, il reste que, selon notre spécialiste "la consommation est un moyen d'obtenir une voix dans la société et [que] la liberté n'est jamais absolue". Elle explique: "il existe deux paradigmes en gestion: l'un positiviste, l'autre interprétativiste. J'ai choisi d'aborder mon sujet par le biais du second." La méthode interprétativiste ne recherche pas les causes mais s'intéresse à la "consumer culture theory". Il s'agit de considérer que la consommation est une culture et d'étudier les phénomènes culturels qui y sont liés.

Pour Delphine, née dans les années 70, la consommation des marocains et des marocaines particulièrement, a beaucoup évolué: "avant il y avait une marque par produit, on faisait ses courses chez l'épicier ou bien au marché". Comment arrive-t-on à faire un choix tout à coup face à une offre débordante? Voilà la question que s'est posée notre sociologue. Selon elle, en Europe, il y a une socialisation du consommateur, c'est-à-dire que dès leur plus jeune âge les enfants voient leurs parents faire des courses au supermarché. Au Maroc, les nourrissons n'accompagnent pas leur mère faire des courses, ils restent à la maison. Traditionnellement, dans les pays arabo-musulmans, ce sont les hommes qui sont en charge du ravitaillement alimentaire de la famille. Depuis la moudawana de 2004, les deux époux ont la responsabilité partagée de la gestion du foyer. Les premiers hypermarchés ont ouvert dans les années 90 au Maroc, à la périphérie. Il fallait donc une voiture pour y aller, c'était alors les hommes qui s'en chargeaient en grande majorité. L'année 2002 a vu arriver les supermarchés situés en ville, accessibles à tous donc. Le supermarché est un nouvel espace de choix pour les Marocaines qui en apprennent petit à petit les codes, mais aussi les remanient. La notion de fidélité est par exemple sous-jacente au fait même d'être client au Maroc. Delphine atteste qu'il lui arrive de voir parfois des classes venir visiter le Morrocco Mall.

Cette thèse est donc l'occasion de réaliser que les femmes marocaines entrent dans une sphère qui leur était autrefois inaccessible. De cette façon, il s'agit d'une prise de pouvoir sur l'espace masculin. La femme devient ainsi une cible pour les annonceurs, un public à toucher, mais aussi un acteur de poids dans la société. 

L'association INSAF lutte contre la discrimination des femmes. L'ESPOD s'attèle à la formation professionnelle des femmes dans les quartiers défavorisés. Des émissions de radio sont aujourd'hui consacrées à la sexualité, comme sur Hit Radio. Plus de 500 documents sont recensés à la bibliothèque de l'Institut Français de Casablanca, et de nombreuses conférences ayant pour thème la femme marocaine y sont organisées dans les mois à venir. L'ADFM s'emploie à faire reconnaître la place des femmes dans la politique marocaine par exemple.

Toutes ces initiatives prouvent que tous les jours, des gens s'attachent, dans différents domaines, à faire entendre la voix des femmes marocaines. 

Louise Favel (http://www.lepetitjournal.com/casablanca) Jeudi 17 avril 2014.

parler darija
Publié le 16 avril 2014, mis à jour le 18 octobre 2018

Sujets du moment

Flash infos