Stéphane Cuisiniez est le directeur de l’Alliance Française d’Ushuaïa. Installé depuis 2003 en Terre de Feu, il fait vivre la francophonie à la pointe de l’Amérique du Sud. Un sacré défi qui s’accompagne désormais de la construction d’un lieu de rencontre au sein d’un bâtiment énergétiquement autosuffisant “qui a encore besoin de financeurs” pour sortir de la Terre de Feu.
“L’endroit nous a attrapé, ma femme, ma famille et moi”. Stéphane Cuisiniez a déjà fêté ses vingt ans en Terre de Feu, dans la ville la plus australe de notre planète. Après quelques années à Buenos Aires, il y a trouvé l’environnement serein et naturel qu’il cherchait tant en s’éloignant de la capitale argentine. Si le natif de la région parisienne ne pensait certainement pas y rester autant de temps, il a rapidement endossé le rôle de représentant de la France - de sa langue et de sa culture - à Ushuaïa. Un rôle de “charnière” comme il aime se définir au sein d’un continent latino-américain d’origine “très francophile” mais en “rupture générationnelle” avec les pays francophones.
Aujourd’hui, le réseau argentin comporte 54 Alliances françaises sur son territoire. Dans le monde, elles sont plus de 800 réparties dans une centaine de pays. À Ushuaïa, l’Alliance française existe depuis les années 1970. En arrivant à sa tête au début du siècle, Stéphane Cuisiniez a fondé le statut associatif qui manquait à l’organisation : “la caractéristique d’être une association de droit locale fondée pour un comité de bénévoles francophones ou qui ont un lien avec la culture française et qui veulent animer la vie associative de l’alliance.”
Un lieu de rencontre éco-responsable rêvé pour un “dialogue des cultures”
“Faire vivre la francophonie dans une région à l’extrême sud du continent, séparée par le détroit de Magellan, et où la ville la plus proche d’Ushuaïa se situe à 600 kilomètres”, le pari n’est pas simple. Mais d’année en année, la Terre de Feu voit sa population grimper.
De 10.000 habitants il y a encore 50 ans, elle est maintenant à plus de 90.000 habitants. Et notamment de plus en plus jeune puisque la génération d’aujourd’hui est celle des enfants de la génération débarquée d’Argentine et des pays limitrophes dans les années 1980 à la suite d’un plan d’aide économique dans la zone reculée.
Désormais, c’est un défi d’une toute autre ampleur qui affecte la Terre de Feu, la problématique environnementale : “Ushuaïa est une ville attrayante et en pleine expansion. Nous sommes conscients de la chance d’avoir un site naturel si extraordinaire et nous savons l’importance de le préserver. La nouvelle génération, née ici, a bien conscience que les ressources ne sont pas illimitées.” Plus que jamais concerné par cette lutte au sein d’un territoire dont il est tombé amoureux, Stéphane Cuisiniez a souhaité que son activité avec l’Alliance française possède une empreinte éco-responsable. Cette envie a ainsi contribué au projet de la construction d’un endroit modèle pour faire vivre la francophonie, autosuffisant énergétiquement.
Construction en cours : “nous sommes dans un moment charnière”
“C’est un projet inédit qui n’avait pas son financement au départ, et qui a été ralenti par la pandémie”. Rêvé pour “entretenir ce bel esprit d’amitié” avec la culture locale et pour “diffuser la langue française autour d’animations culturelles”, le bâtiment de l’Alliance française sort doucement - mais sûrement - de la Terre de Feu.
Plusieurs partenaires ont financé la moitié d’un projet qui ne s’est pas encore appuyé sur la donation de particuliers. Une nouvelle encourageante a récemment touché le projet mené par Stéphane Cuisiniez : la venue de l’ambassadeur de France en Argentine, Romain Nadal. “Il a été enthousiasmé par ce projet. Nous cherchons encore des aides pour le terminer mais nous avons eu la satisfaction de voir qu’il intéresse et fait sens pour les différents acteurs du territoire.”
Cet appui favorable des institutions, Stéphane Cuisiniez le savoure car il sait qu’il est aussi rare qu’essentiel pour mener à bien des projets ambitieux lorsque l’on est une association : “il faut aussi nous encourager, réclame-t-il, et pas seulement des encouragements moraux, mais aussi des initiatives concrètes.” Au plus proche du territoire, les bénévoles issus de la société civile sont “des gens qui ont une extrême volonté et un amour de la France dont on n'a pas idée” présente Stéphane. Avant d’enfin ajouter qu’”il faut être conscient du travail au quotidien de ces acteurs de la francophonie, et de l’énergie qu’ils dépensent.” Un dernier message parfaitement entendu.