Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

HISTOIRE - L’opinion publique française face à la révolution hongroise de 1956 - Première partie

Écrit par Lepetitjournal Budapest
Publié le 20 octobre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

 

Les sources étudiées dans les archives françaises et hongroises, ainsi qu'au secrétariat international de l'OTAN (Bruxelles), ont inspiré les conclusions suivantes: la diplomatie française avait des informations précises sur la révolution hongroise de 1956. Ses prises de positions et sa marge de manoeuvre furent fortement influencées à long terme par le statu quo européen - dominé par les États-Unis et l'Union soviétique -, et la guerre d'Algérie. A court terme, c'est l'expédition de Suez qui exerça sur elle un effet considérable. Conformément à ces facteurs, la politique étrangère française réagit d'une manière très prudente aux événements de Hongrie. Tout en évitant même l'apparence d'une intervention directe, son activité se limita aux discours prononcés à l'ONU et à la participation aux programmes d'aide humanitaire en faveur des réfugiés hongrois et de la population restée en Hongrie. Les rapports franco-hongrois, qui avaient connu une période de progrès en relation avec la détente internationale, se dégradèrent jusqu'à leur minimum protocolaire à cause de la répression de la révolution par l'URSS en novembre 1956. Néanmoins des relations bilatérales quasi normales se rétablirent en automne 1958

Toutes les sources disponibles témoignent que la révolution hongroise et son écrasement brutal par l'armée soviétique eurent une répercussion particu­lière­ment marquée dans la société française. Une synthèse des rapports des préfets préparée au ministère de l'Intérieur constata à juste titre que : « Durant le mois de Novembre l'opinion publique s'est révélée d'une sensibilité inac­cou­tu­mée aux problèmes internationaux dont la gravité était, il est vrai, de nature à acca­parer toute son attention. Les affaires d'Algérie et les problèmes intérieurs sont, de ce fait, passés au second plan des préoccupations. » Précisant ce point, le document expose en premier lieu la réaction aux nouvelles de la révolte hongroise : « Les événements de Hongrie ont eu une résonnance profonde dans l'opinion indignée par la brutalité de la répression soviétique et unanimement émue par la résistance désespérée des insurgés. » Selon Professeur Bernard Michel, aucun événement depuis 1945 n'eut un tel effet dans l'opinion française. Toutes les classes sociales furent atteintes. La conscience morale fut dans ce cas plus forte que les réflexes de groupe ou de classe : aussi bien les étudiants et les intel­lec­tuels au sens large du mot que les ouvriers fortement encadrés par les syndicats, notamment par la CGT d'obédience communiste, furent concernés.

La révolution triomphante: Budapest octobre 1956 (Photo: www.privatplanet.com)

La réaction de l'opinion publique française comprenait deux éléments. D'une part la mani­fes­ta­tion de la solidarité envers la Hongrie et les Hongrois, d'autre part l'indignation contre l'action de l'Union soviétique et le Parti communiste français qui l'avait approuvée. La profonde compassion avec le peuple hongrois se traduisit, dès le début de l'insurrection, par l'aide aux victi­mes sur place (sous forme de dons en espèce mais également en vêtements ou vivres de toutes sortes, et de collectes de sang organisées par divers organismes etc.). La Croix relate le 3 novembre 1956 l'élan de solidarité des Strasbour­geois, qui en quelques heures inondèrent le hall de l'Hôtel de Ville de dons pour la Hongrie, à la suite d'un appel de la radio Europe n° 1. Après l'intervention militaire soviétique du 4 novembre, la sympathie de la population française s'expri­­ma également par de nombreuses initiatives apparues dans tous les domai­nes en faveur des réfugiés. Vêtements et nourriture furent collectés et distribués. Selon l'article de Michel Legris paru dans Le Monde le 5 décembre sur la situa­tion des réfugiés hongrois, « spontanément des offres d'emploi, d'héber­ge­ment et d'adoption, pour les enfants » affluaient. La lettre d'Odile Levesque, fillette campagnarde au président de la République, René Coty, illustre le sentiment de ces milieux : « Dans notre village on voudrait recevoir des Hongrois. Pouvez-vous nous en envoyer ? Nous avons rempli 4 autos d'habits, de boîtes de conserve, et nous avons ramassé beaucoup d'argent pour eux. »

Indignation contre le PCF
La deuxième réaction était la colère suscitée par la répression soviétique. L'URSS bénéficiait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale d'un immense prestige grâce au rôle décisif de l'Armée rouge dans l'écrasement de l'Allemagne nazie. L'étouffement de la révolte hongroise a causé une considérable perte de son prestige dans l'opinion publique française. En décembre 1956, 65% des Français interrogés par l'Institut français de l'opinion publique (IFOP) avaient un jugement négatif ou très négatif  sur l'Union soviétique, contre 13% qui avaient une opinion moyenne et 5% une bonne ou très bonne opinion. Un an auparavant les chiffres étaient respectivement de 36, 27 et 13%. Le PCF ayant bénéficié indirectement de l'attrait de l'URSS, et directement de son rôle majeur dans la Résistance, devint le premier parti du pays après la Libération. Même si le nombre des adhérents diminua de 800.000 à 360.000 entre 1945 et 1954, aux élections de janvier 1956, il recueillait encore 25,9 % des suffrages. L'approbation sans réserve de la politique soviétique en Hongrie suscita une grande indignation contre le « parti des fusillés » en France. « L'hypocrisie des dirigeants du P.C. n'a pas manqué d'être violemment stigmatisée. En province les responsables commu­nistes se sentent le plus souvent gênés devant l'émotion qui se manifeste en faveur des Hongrois, et ils éprouvent une sensation d'isolement en présence de la réaction unanime de l'opinion (y compris celle de beaucoup de leurs électeurs) », dit la synthèse des rapport des préfets du mois d'octobre 1956. Se fondant sur l'analyse des lettres des lecteurs adressées aux journaux, certains attirent l'attention sur « les Français » honteux d'être impuissants devant la tragédie hongroise.

Gusztáv Kecskés D. (www.lepetitjournal.com/budapest.html) mercredi 20 octobre 2010

Publié le 20 octobre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

Flash infos