La disparition brutale du grand chanteur hongrois laisse un grand vide aux amateurs de l'opéra
Une voix d'or s'est tue.
Il était Sarastro, Felipe, Barbe Bleue et Gurnemanz,... c'était László Polgár.
Une voix profonde, chaude et ronde qui vous envahissait l'âme et en prenait possession juste quelques heures, il vous remplissait le coeur de tant d'émotions qu'on quittait l'opéra l'âme légère et les sens rassasiés de bonheur. Sa voix de basse est l'une des plus belles qui ait jamais résonné sur tant de scènes du monde entier. Je lui suis tout particulièrement reconnaissante de ne jamais être tombé dans le piège des interprétations ?spectaculaires' où d'autres s?époumonent aux limites du possible. Sa voix a toujours été empreinte de dignité tout en donnant à ses personnages leur ampleur et leur profondeur légitimes.
Un regard de braise, une allure inoubliable, László Polgár était un magicien qui vous laissait le coeur accroché à ses notes.
Il nous a quitté brusquement dimanche laissant un grand vide. Ses personnages s'en vont avec lui : pourrait-on encore écouter "Ô Isis und Osiris" sans l'invoquer ? Pourrait-on revoir Parsifal sans guetter sa présence ? J'aurais presque l'impression de lui faire une infidélité si d'aventure il me venait l'envie de voir Barbe Bleue. Il nous a tant donné...
Savait-il au moins combien on l'aimait ? Que dire alors de ces derniers articles assassins qui lui souhaitaient une belle retraite pour faire place aux jeunes... Que dire alors de ces spectateurs discourtois qui avant la fin du petit quart d'heure d'applaudissements se pressent pour être les premiers à récupérer leur manteau à la garde-robe...
Outre son parcours professionnel, ses prix et récompenses reçus ici ou là, je voudrais lui rendre hommage avec ces quelques lignes : il s'en est allé retrouver Cesare Siepi et György Melis qui nous ont quittés tout récemment et József Gregor il y a plus longtemps : le Paradis est bien chanceux de les avoir dans son choeur des anges.
Aux larmes de bonheur tant de fois versées en l'écoutant, se mêlent à présent celles de la tristesse : une voix chère à mon coeur s'est tue à jamais.
Claire Hunyadi (www.lepetitjournal.com/Budapest) mercredi 22 septembre 2010
Photo: operavilag.hu