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Les traces indélébiles de la fuite du puits Lisama 158

Lizama 158 pollution ColombieLizama 158 pollution Colombie
Matéo Larroque
Écrit par Matéo Larroque
Publié le 6 novembre 2018, mis à jour le 6 novembre 2018

Plusieurs mois après la catastrophe écologique, les populations locales et l'écosystème souffrent toujours des conséquences de la fuite du puits de pétrole. Le Petit Journal s’est rendu sur place.
 

Le 2 mars, une fuite se déclare dans le puits de pétrole Lisama 158, géré par la compagnie Ecopetrol. L'équivalent de 24.000 barils pollue alors terres et rivières, entraînant la mort de 2.500 animaux. 70 personnes sont déplacées et des centaines durablement sinistrées.

Le puits, inactif depuis 2015, aurait dû être scellé afin d’éviter toute fuite. Une obligation dont Ecopetrol s’est dispensée car elle n’aurait pas eu le budget nécessaire. L’entreprise publique a tout de même réalisé 20 milliards de dollars de bénéfices en 2017. Malgré la situation, elle n’a activé le plan d’urgence que deux semaines après la fuite, et sous la pression des autorités locales.

Luis Gilberto Murillo, le ministre colombien de l’Environnement, avait rapidement promis des “sanctions drastiques” envers la compagnie. Une annonce qui n’a pas eu de suite…
 


La Fortuna, village sinistré

À La Fortuna, dans le Santander, on vit de la pêche. Le village est une zone de transit entre Barrancabermeja et Bucaramanga, et nombreux sont les habitants des alentours qui viennent y acheter le poisson du fleuve de la Cascajera.

 


Depuis 8 ans, Sonia et son mari se sont établis au bord du fleuve. Il pêche, et elle cuisine le poisson dans leur restaurant. Tout fonctionnait plutôt bien, mais ça c'était avant la fuite...
 

Matéo Larroque
Sonia et ses proches dans leur restaurant.


”Les gens ne viennent plus à cause de la pollution” confie cette mère de 5 enfants, les larmes aux yeux. Son mari doit dorénavant faire de longues distances en bateau pour trouver des poissons. Lors de sa dernière sortie, il n’en a pêché que cinq en trois heures. Il y a six mois, il pouvait en ramener jusqu’à 80...

“Après la fuite, j’ouvrais les poissons, ils étaient noirs. La texture, l’odeur et le goût avaient changé”. Aujourd’hui, elle assure qu'ils ne sont plus contaminés. Cependant elle ne se fait pas d’illusions : le pétrole a durablement tâché l'image du fleuve et de son restaurant. Seuls certains membres d’associations de pêcheurs ont été indemnisés par Ecopetrol. Ce n’est pas le cas de son mari qui pêche pourtant depuis toujours.


Emel Dorio Anayce, président de l’association Apetras (pêcheurs et paysans locaux) raconte : “La Fortuna était connue pour la qualité de ses poissons. Mais, depuis la contamination, les gens ne viennent plus. Ce sont aux pêcheurs de se déplacer pour vendre leurs poissons dans les villages des alentours”. Au coût du transport s’ajoutent alors des frais de réfrigération.

Enrique Alias Contreras, le président de l’action Communale, déplore l’absence de compensations pour les habitants : “Le problème c’est que les zones reconnues comme impactées par la fuite sont celles situées en aval du puits, mais les poissons infectés en aval remontent le courant...”. Il poursuit en riant jaune : “La seule aide d’Ecopetrol, ça a été d’embaucher 600 pêcheurs le premier mois pour nettoyer le fleuve, mais seulement 150 le deuxième mois. Mais ici nous sommes 1200 travailleurs à temps plein ».
 

Une rivière propre” ?

Le processus de “florestation” (“créer la flore”) qu’Emel préfère appeler “restauration” se déroule en trois étapes. Tout d’abord, récupérer les résidus de pétrole à la surface du fleuve, puis éliminer ce qui s’est déposé au fond de l’eau grâce à un produit qu’Ecopetrol promet “biodégradable”; et enfin, planter des arbres pour recréer la flore affectée. Cette réparation, prise en charge par l’entreprise, en serait à son étape finale.

La direction d’Ecopetrol, qui qualifie l'événement d’”imprévisible” et “extraordinaire”, n’a pas voulu nous rencontrer. Sur place, les salariés de l’entreprise pétrolière affirment que “la rivière est propre maintenant”, et qu’il ne faut pas écouter les habitants qui “déforment la réalité pour réclamer de l’argent”.

Pourtant nos images permettent de douter de ces affirmations. Non seulement le pétrole a pollué la rivière, mais il a aussi imbibé la terre jusqu’aux plants de cacao et de citrons…
 

Par capillarité, le pétrole s’immisce jusque dans les feuilles des plantations.

 

Reinaldo Penson, paysan de 65 ans, nous annonce avoir “perdu le tiers de sa récolte annuelle” soit 15 millions de pesos (4 300 euros).

 

La marée noire a laissé des marques sur les arbres après la décrue de la rivière mitoyenne de ses deux terrains.

 

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Publié le 6 novembre 2018, mis à jour le 6 novembre 2018

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