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L’art baroque colombien s’invite au Louvre

Lechuga oeuvre d art colombie louvre parisLechuga oeuvre d art colombie louvre paris
Photo d’Eleonora Plantagenet
Écrit par Juan Duputel
Publié le 21 décembre 2017, mis à jour le 21 décembre 2017

L’année France-Colombie vit l’un de ses moments les plus forts : l’arrivée à Paris de deux chefs d’œuvre de l’art baroque colonial colombien que sont la statue de la Sainte Barbe et l’ostensoir de la lechuga  « la laitue » appelée ainsi en raison de ses 1486 émeraudes.

C’est au milieu de la salle Murillo du musée du Louvre que sont exposées ces deux pièces.  Elles résument la période coloniale la plus riche ethnologiquement parlant de l’époque de Bogota, dont le métissage culturel mêlait les cultures espagnoles, amérindiennes et africaines.

Bogota était alors l’une des plus grandes villes du royaume de la Nouvelle-Grenade (région correspondant approximativement aux actuels États de Colombie, Panamá, Venezuela et Équateur).  

Cette période dite baroque (XVI-XVIII siècle) fut marquée par la menace croissante du protestantisme aux Amériques et par l’acculturation religieuse des populations indigènes dans les territoires de la couronne espagnole, allant du Mexique jusqu'à l’Argentine.

L’ordre des jésuites a participé à ce processus en adaptant les traditions catholiques aux croyances locales afin de convertir les autochtones à la religion officielle du Royaume espagnol.

Dans ce contexte de ferveur religieuse fut créée la statue de Sainte Barbe. La sainte, vêtue aux couleurs de la couronne espagnole, est représentée lors de son martyre, lorsque seule demeure la lame plantée dans sa poitrine.

Statue de Sainte Barbe, photo de la Revista Dinners
Statue de Sainte Barbe, photo Revista Dinners

Quant à l’ostensoir, son histoire est digne d’un film. Catalan José de Galaz, un orfèvre espagnol réputé entame, en 1700, l’une des œuvres de sa vie sous la commande des Jésuites qui lui confient l’élaboration d’un ostensoir qui accompagnera les processions du Corpus Christi, aidé d’orfèvres Muiscas. Après sept ans de travail, et grâce au commerce transatlantique des pierres précieuses venues d’Afrique et d’Asie, l’orfèvre achève enfin son œuvre.

Mais les jésuites accordent aux indigènes trop de droits et d’éducation au goût de la couronne espagnole (ils instaurent par exemple dans certaines régions la durée du travail de 6 heures par jour pour les indigènes et leur enseignent la musique et à la danse). Devenus une menace, la couronne espagnole décide d’expulser les jésuites de leurs territoires et de leur confisquer leurs biens. En tant que propriété de l’ordre, L’ostensoir de la Lechuga est menacé par le décret de confiscation. Sauvé in extremis par les paroissiens, l’ostensoir échappera à la confiscation. Afin de conserver l’œuvre, les jésuites useront même par la suite d’un stratagème audacieux : organiser de fausses funérailles pour cacher l’ostensoir dans un cercueil, où il restera caché de longues décennies.   

L’ostensoir réapparaitra dans les années 1980, décennie marquée le conflit armé et la violence des cartels de la drogue. L’ordre des jésuites décide de contribuer à la transformation sociale du pays en initiant des projets de développement au sein de la population et se résout à vendre l’ostensoir à l’état colombien contre la promesse d’assurer sa conservation. L’argent de la vente permit au père Francisco de Roux de mettre en place le programme de développement et paix dans le nord-ouest de la Colombie (Magdalena medio).

Ainsi, l’ostensoir de La Lechuga fut le témoin du déroulement de l’histoire colombienne, et ses émeraudes continuent aujourd’hui de briller de la couleur de l’espoir, alors que la Colombie entre dans une dynamique de post-conflit et de réconciliation.

Si vous rentrez en France pour les fêtes ne manquez pas cette exposition qui vous permettra d’en savoir plus sur l’art et l’histoire colombienne. L’exposition se terminera le 15 janvier prochain, ne tardez pas!

Juan Duputel
Publié le 21 décembre 2017, mis à jour le 21 décembre 2017

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