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La question du pétrole divise le pays

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Écrit par Sébastien Cretegny
Publié le 4 avril 2018, mis à jour le 4 avril 2018

La fuite de pétrole du puit Lizama 158 à Barrancabermeja (Santander) déclarée ce 2 mars et le désastre environnemental qui s’en suit mettent le doigt sur une situation délicate. La réputation de la  Colombie fait d’elle « un pays avec du pétrole, mais pas un pays pétrolier ». Elle est d’ailleurs a un tournant de son histoire et les colombiens ont tous un avis différent sur la manière de l’aborder.

 

Une gestion irresponsable

 

Les puits secs ou abandonnés doivent être scellés selon des normes clairement établies pour éviter tout risque de fuite. Dans le cas de Lizama 158, abandonné en 2015, l'entreprise publique d'Ecopetrol ne les a pas respectées en invoquant un budget insuffisant. Alors que la fuite s’est déclarée entre le 2 et 3 Mars, Ecopetrol n’a déclaré le plan d’urgence qu’après le 16 Mars, suite aux dénonciations des autorités locales de Barrancabermeja. À l’heure actuelle, ce sont plus de 24 000 barils répandus, infiltré dans la terre et souillant plusieurs rivières. "Tous les poissons de notre élevage on été tués" annonce un pêcheur de la région. Après plus d'un mois de fuite continue, la situation serait sous contrôle d'après Ecopetrol.

Tout aussi alarmant, un rapport indique qu’il y aurait 38 autres puits dans la même situation d’abandon, présentant des risques similaires.

 

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photo - ErIn

 

Principal produit d’exportation

Même si le cours du brut a chuté entre 2014 et 2015, passant de près de 120 USD à 45 USD le baril (159 litres), le pétrole reste le principal produit d’exportation du pays. Le pétrole brut représente 26% des exportations en plus de 6.5% pour le pétrole raffiné, qui rapporte dans les 10 milliards de dollars. À titre de comparaison, c’est quatre fois la somme des exportations de café.

2015 était aussi l’année de la plus forte production, 1 millions de barils par jour, alors qu’elle se situe aux alentours de 885'000 barils aujourd’hui.

 

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photo - Shawn Bagley

 

L’environnement

C’est forcément une grande préoccupation. La Colombie jouit de la 2ème biodiversité la plus riche au monde et chaque fuite la met en péril. À ce titre d’ailleurs, les guérillas ont une grande responsabilité morale. En 2017 encore, l’ELN était responsable de la fuite de 1.6 millions de barils dans la nature suite à des d’attentats.

L’autre préoccupation est l’avidité d’entreprises pétrolières au mépris des risques. Des concessions ont été octroyées dans des parcs naturels, comme le páramo de Sumapaz par exemple. D’autres, à La Macarena situé à seulement 68 kilomètres de Caño Cristales, ont heureusement été retirées par le Président lui-même, mais sous la pression populaire.

 

Les enjeux

La Colombie n’a, pour ainsi dire, jamais eu de vision à long terme sur la gestion de ses champs pétrolifères. Elle a toujours laissé la prospection et exploitation à des compagnies étrangères en échange de concessions. Ecopetrol a d’ailleurs été créée par obligation, quand les premières concessions touchaient à leur fin.

Cependant, c’est une manne financière importante dont le pays pourrait difficilement se passer. Elle s’en est rendu compte à peu près au même moment qu’elle apprenait que ses réserves étaient limitées et s'épuiseraient dans 5 ans. À moins de trouver de nouveaux gisements, la Colombie perdra sa principale source de revenus en 2023.

À noter aussi que la deuxième source est le charbon et une vingtaine de pays industrialisés ont annoncé y renoncer pour favoriser les énergies renouvelables. Ces pays représentent 35% des achats de charbon colombien.

Sans pétrole et moins de charbon, les exportations totales pourraient donc se réduire d’un tiers du jour au lendemain, dans quelques années seulement.

 

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rentes pétrolières - colombie

 

Que décider ?

Les avis divergent selon les préoccupations principales de chaque individu. Le Département de Mines et Énergies a déjà autorisé le fracking en 2017 pour justement pouvoir augmenter les réserves des puits existants. L’Agence Nationale des Licences Environnementales (ANLA) de son côté octroie des licences de prospection à tour de bras dans l’espoir de trouver de nouveaux champs, notamment dans des zones autrefois inaccessibles à cause de la guérilla.

En face, les voix se sont entendre pour mettre un terme à l’exploitation des sous-sols tout comme la protection de la faune et de la flore. Plusieurs candidats présidentiels, comme Humberto De La Calle, Gustavo Petro et Sergio Fajardo par exemple, disent très clairement que le pays doit renoncer à l’extraction. Le secteur touristique, en constante augmentation, appuie forcément la protection de l’environnement arguant des merveilles naturelles uniques au monde que le pays a à offrir aux visiteurs.

De plus, le fracking est une technique controversée qui consiste à fracturer la roche. Les conséquences à long termes ne sont pas connues et les défenseurs de l’environnement sont résolument contre.

 

Un tournant de son histoire

La Colombie fait face à de grands changements et de nombreux éléments pèsent dans la balance. L’économie nationale devra compenser la baisse des exportations très rapidement, au moment où elle doit prendre en charge le dédommagement et réparation aux victimes du conflit, ce qui devrait coûter très cher. Le tourisme montre déjà la voie d’une diversification possible des activités économiques tandis que l’industrie en général aussi profite de l’ouverture du pays.

Le marché national est solide, très diversifié et se suffit à lui-même, ce qui est idéal pour résister aux crises comme elle a pu le démontrer plusieurs fois. Mais une réduction des exportations entraînerait une dévaluation de la monnaie avec des conséquences difficilement évaluables aujourd’hui.

Les doutes subsistent sur la capacité de la Colombie à se passer des hydrocarbures alors qu’elle semble avoir tout en main pour devenir une puissance économique incontournable du continent latino-américain.

 

Pour en savoir plus

L’auteur de cet article a rédigé une étude très complète sur ce sujet sur son blog Vivre en Colombie que vous pouvez consulter ici : Le pétrole en Colombie. Vous connaîtrez l’histoire, l’exploitation, la production, les revenus et pourquoi le prix à la pompe est aussi cher.

 

Fiche auteure sébastien
Publié le 4 avril 2018, mis à jour le 4 avril 2018

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