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« J'ai pleuré comme un gosse », retour de Cucuta

Venezuela migrantsVenezuela migrants
Pont Simon Bolivar.
Écrit par Alexandre Octave BEDDOCK
Publié le 24 février 2019, mis à jour le 25 février 2019

Nous nous sommes rejoints avec l'ami Julien Defourny, à Cucuta, pour travailler sur un documentaire sur les migrants en provenance du Venezuela. Ce soir là, il part rallier la côte caraïbes à vélo pendant que je prends le bus pour Carthagène des Indes ...

 

Il y a ces histoires, que nous ne préférons ne pas entendre, ne pas lire, et ne jamais écrire... Ce genre de jour où la vie "me duele el alma". Quelques lignes de retour de Cucuta.

 

Nous venions de finir de filmer à la frontière du Venezuela. Quelques discussions avec les locaux qui nous hébergeaient nous avaient fait comprendre combien la migration vénézuélienne avait transformé la ville durant l'année qui venait de s'écouler.

 

interview

 

Pendant près d'une semaine, nous avions arpenté la ville. Le poste frontière où ils sont des dizaines de milliers à traverser chaque jour ; le terminal de bus où ils s'entassent en désordre avec leurs valises ; et ces innombrables parcs et places où ils "tuent" la journée, la soirée, puis la nuit. Avant de recommencer au petit matin..

 

Nous avions rencontré Pedro, 55 ans qui avait travaillé plusieurs années aux États Unis. Depuis 10 mois il recycle des morceaux de cartons pour manger, avant de s'allonger sous un porche face au stade. Kelly et Yenni, deux voisines souriantes, de Caracas, qui venaient d'arriver et vendaient des cigarettes au détail dans l'espoir de se payer un ticket pour Bogota. José, la quarantaine, rongé par la culpabilité d'avoir laissé sa famille de l'autre côté de la frontière, qui m'affirmait qu'il repartirait dès le lendemain “chez lui” en espérant arriver à temps pour l'anniversaire de sa fille, peu importe la dureté, ou le coût du voyage.

 

Pedro

Nous avions accompagné les parents de Bryan et Alexandra, 3 et 5 ans, sur la place Santander peu avant la tombée de la nuit. Les enfants riaient et jouaient avec moi avec une bouteille en plastique vide. J'ai vu les larmes couler sur la joues de Manuela en arrivant face à l'église où elle a laissé tomber ses affaires, et l'émotion dans les yeux d'Hector. Pour la première fois ils allaient dormir tous ensemble, avec les enfants, dans la rue.

 

Ce médecin qui me disait qu'il avaient commencé à manger ce qu'il trouvait dans les poubelles, même s'il était conscient, de par sa formation, des risques qu'il encourt. Mais c'était ça ou mourir de faim.

 

Ce groupe de jeunes dont nous étions les aînés, avec qui nous partagions quelques cigarettes. Perdus et fatigués, il avaient dû partir sans leur famille et restaient ensemble pour se protéger des voleurs qui rôdent la nuit.

 

Ce professeur d'université qui venait pour la première fois à la distribution de nourriture et s'inquiétait auprès de ses compatriotes si il y allait avoir à manger pour tous.

 

hector

Ces histoires ne sont pas restées derrière moi ou dans l'une des cartes mémoire du caméscope.

Moi qui me plaignais d'avoir 16h de bus ce soir là pour arriver jusqu'à Carthagène... Je suis reparti de Cucuta la tête lourde d'images. Ceux qui marchent le long de la route pour Bucaramanga, ceux qui vivent dans la rue, ceux qui dorment dehors. Ces filles qui vendent leurs magnifiques cheveux, et trop souvent davantage pour survivre. Et tous ceux qui m'ont dit que leur vie ne serait jamais comme avant.

 

Tout a tourné dans ma tête, mêlé aux beaux accents de la langue de nos amis. Je me suis installé sur le siège à l'arrière du bus, à côté de la fenêtre. J'ai pleuré comme un gosse.

 

 

Palabras de Refugiados - Venezuela (Voices of Refugees 2) from Voices of Refugees on Vimeo.

 

Identite
Publié le 24 février 2019, mis à jour le 25 février 2019

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