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“Ce port va faire mourir Taganga”

tagangataganga
Écrit par Nicolas BAGGIONI
Publié le 16 janvier 2020, mis à jour le 16 janvier 2020

Taganga, petit village de pêcheurs sur la côte caraïbe, n’est qu’à quelques kilomètres de Santa Marta. Les touristes ont pris l’habitude d’y passer le week-end. Plongée, balades en bord de mer... “Tout cela risque d’être bientôt terminé,” selon les locaux. Pour cause, la construction d’un nouveau port, et la destruction de l’écosystème qui va avec.

 

Ils ont signé un contrat illégal, ils n’ont pas le droit de construire ici. C’est une réserve naturelle,” explique Sophie Baodista, membre du centre de plongée Poséidon. “Ils”, se sont “Las Américas”, la société portuaire qui prévoit d’établir un nouveau port dans la baie de Taganga. Cette entreprise, partenaire de Daabon Agency, souhaite développer l’industrie de l’huile végétale dans la région de la Magdalena. Pour atteindre cet objectif, “Las Américas” prévoit de développer les importations et les exportations, par le biais d’un nouveau port, placé à deux kilomètres du village de Taganga.

On n’en veut pas de ce port !,” clame l’un des villageois, les pieds dans l’eau. “Il vont tuer notre village, notre économie, notre tourisme.. Ce port va faire mourir Taganga !” Si cet habitant est si remonté, c’est que dans quelques mois, les travaux devraient débuter. Un immense chantier, censé “développer l’économie locale”, selon Daboon Agency. “L’afflux de bateaux va émettre une quantité astronomique de carbone dans la mer,” explique Sophie. “C’est toute la vie marine qui est menacée, alors qu’on a la chance d’avoir une quantité importante d’espèces rares de poissons et de coraux dans la baie.”

 

taganga

 

Même si “les constructions n’ont pas encore commencé”, selon un plongeur, bouteille d’oxygène sur le dos, le projet est en bonne voie d’être adopté. Pour l’instant, le destin de Taganga repose entre les mains de l’Autorité Nationale des Licences Environnementales [Anla], qui est chargée d’analyser le dossier pour, à terme, donner ou refuser le feu vert à la construction. “Leurs rapports ne sont qu’un tissu de mensonges,” s’exclame Diana Bedoya, gérante d’un commerce en bord de mer. “Par exemple, ils affirment que tout le village est favorable à la la construction, ce qui est totalement  faux, personne ici ne veut de ce port. Sauf ceux qui acceptent des pots-de-vin...” 

taganga port Colombie

En nous montrant sur une carte l’emplacement du futur chantier, elle ajoute “que seuls ceux qui sont d’accord avec le projet ont le droit de participer aux réunions de l’Anla. Les autres, sont refoulés à l’entrée. Ca m’est déjà arrivé !” À Taganga, les détracteurs se réunissent de leur côté au sein de l’Action Communale pour “contrer l’envahisseur.” Leur principal argument : “Il existe déjà plein de ports dans la région, il y a celui de Santa Marta, Ciénaga, et Barranquilla.” 

L’odeur iodée de la mer envahit ce village littoral. Elquin, pêcheur local, regarde un match de foot les pieds dans le sable. Entouré de ses amis, il nous fait la comparaison : “Tu n’as qu’à regarder les alentours du port de Santa Marta, la terre est noire, c’est entièrement pollué. ça va être la même chose ici. ” Il s’ensuit : “Les poissons vont s’éloigner au large, et leur corps deviendra tout noir à cause de la pollution. On va devoir aller pêcher à plus de deux kilomètres, et nous, on va sans cesse respirer les effluves du port.

Mais selon un communiqué de Las Américas, "si dans la phase de construction et d'exploitation de ce projet portuaire, l'activité de pêche artisanale est affectée, l'entreprise devra mettre en œuvre les mesures nécessaires pour atténuer ou compenser de tels impacts”. Les habitants de Taganga n’ont plus qu’à les croire sur parole...

 

Nicolas Baggioni
Publié le 16 janvier 2020, mis à jour le 16 janvier 2020

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