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Hélène Kessous : “Bollywood ose aborder des sujets de société"

Hélène Kessous, docteure en anthropologie sociale et ethnologie et co-commissaire de l'exposition "Bollywood Superstars", jusqu'au 14 janvier au Quai Branly, nous dévoile les origines de sa passion pour l’Inde et son cinéma.

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Hélène Kessous près d'une silhouette d'Amitabh Bachchan présentée à l'exposition "Bollywood Superstars"
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 8 décembre 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Dans la première partie de cet entretien, Hélène Kessous détaille les enjeux et la scénographie de l’exposition et partage son analyse du cinéma indien actuel et à venir.

 

Lepetitjournal.com : Comment vous est venue l’envie de découvrir l'Inde, pourquoi avez-vous décidé de vous y rendre la première fois ?

Hélène Kessous : J'ai toujours été attirée par l'Inde et, pour mes 20 ans, j’ai demandé un billet d'avion pour l'Inde à mes parents. Quand je suis arrivée, je me suis sentie chez moi. Ensuite, je suis retournée en Inde très régulièrement et puis j’ai eu envie de faire quelque chose en rapport avec l'Inde. Mais d'où vient mon amour de l'Inde ? Je ne sais pas vraiment ! 

J’avais un Bouddha chez moi. Même si ce n'est pas très indien, dans le sens où il n’y a plus tellement de bouddhistes en Inde, j’aimais l'histoire du prince Siddharta, qu’on m’avait racontée. La voisine de ma grand-mère était une indienne de Pune. Sublime indienne avec une natte extraordinaire jusque dans le bas du dos, elle portait des saris, des bracelets. Je la trouvais toujours incroyablement belle et peut-être que ça a mis l'Inde quelque part sur ma carte mentale.

Comment avez-vous commencé à vous intéresser au sujet du cinéma indien, vous qui êtes anthropologue ?

Il y a plusieurs raisons. Quand je suis allée pour la première fois en Inde en 2003, je ne parlais pas encore hindi, et je voulais absolument aller au cinéma voir un vrai Bollywood. Avec des amies nous sommes allées dans le premier cinéma qu’on a trouvé, dans le quartier des ambassades de Delhi, Chanakyapuri, et nous avons pris un ticket pour le premier film qui passait.

Nous sommes tombées sur Koi... Mil Gaya, avec Hrithik Roshan et Preity Zinta. Un film incroyable, remake de E.T. et de Rencontres du troisième type en même temps, pour la fan de Spielberg que je suis, il n’en fallait pas plus ! J'étais totalement conquise.

affiche du film indien Koi... Mil Gaya

 

Dès que je suis rentrée à Paris, je suis allée à La Chapelle toutes les semaines, j'achetais 5 DVD pour 20 €. Je demandais 5 “Shah Rukh Khan”, 5 “Amitabh Bachchan”, et j'ai regardé tout ce que j'ai pu comme ça pendant de longues années.

Et c’était les bonnes années ! En 2004, il y a eu le festival Vous avez dit "Bollywood" ? à Beaubourg, et peu de temps après, il y a eu une rétrospective Bollywood sur Arte.

arte bollywood 2005

 

Ensuite, j’ai arrêté mes études de philo et je suis partie à l’INALCO pour apprendre le hindi, parce que je voulais absolument faire quelque chose en rapport avec l’Inde.

Et en anthropologie, vous avez fait du cinéma indien votre sujet de recherche…

Quand j’ai vu le film Koi... Mil Gaya, je me suis tout de suite rendue compte de la différence physique entre les acteurs et les Indiens que j’avais rencontrés pendant un mois de voyage.

Ça m’a tout de suite interrogée sur la représentation des Indiens, extrêmement clairs de peau dans les médias. Cela a été le point de départ de ma recherche anthropologique.

Évidemment dans ma thèse et dans mes recherches, je m'éloigne du cinéma, j'ai questionné tous types d'images, la miniature, la pub, tous types de représentation.

Au cinéma, je me suis aussi intéressée aux évolutions. Par exemple, Shah Rukh Khan ou Kajol se sont éclaircis au fil du temps, et pas que visuellement. Quand Shah Rukh Khan a la peau sombre à l’écran, il a des rôles de méchant, de comique de service ou de jeune maladroit, dans ses premiers films. Et petit à petit, il devient ce héros romantique qui vit à Londres ou qui travaille aux États-Unis, et il adopte une blancheur qui est plus culturelle. Dans Kal Ho Naa Ho (2003), tourné à New York, on ne fait pas la différence entre Preity Zinta et une new-yorkaise “blanche”.

affiche du film Bollywood Kal Ho Naa Ho

 

Quel est votre film préféré ?

C’est trop difficile de répondre à cette question donc je vais faire un top des plus bizarres ! J’adore un film de Salman Khan, dont je ne suis pourtant pas fan absolue, Chori Chori Chupke Chupke. J'adore parce qu’il y a une partie du film qui est un remake de Pretty Woman, et parce qu’on parle d'un sujet de société important. C’est une femme qui ne peut pas avoir d'enfant et qui, pour en donner un à son mari, lui propose d’avoir une relation sexuelle avec une prostituée, qui porterait son enfant. Lors d’une scène très émouvante, l’épouse cache la prostituée sous le voile de son sari pour qu'elle aille recevoir les bénédictions pour l'enfant à venir. Le champ-contrechamp, où on voit la prostituée recevoir les bénédictions et la femme légitime se cacher dans sa chambre, à l’étage, c’est un beau moment de cinéma.

Je trouve ça très audacieux de la part de Bollywood, qui, contrairement aux idées reçues, aborde des sujets de société que nous n’osons pas toujours aborder dans les films français.

affiche du film Bollywood Chori Chori Chupke Chupke

 

Ensuite, j'ai vu Veer-Zaara je ne sais combien de fois. La musique est tellement entêtante qu’on le regarde encore et encore. J’ai une faiblesse aussi pour Kabhi Khushi Kabhie Gham, pour le lien avec l’Inde, parce que j’écoutais les chansons en Inde. J’en aime beaucoup d’autres !

J’aurais plutôt un film préféré par décennie, au minimum. "Mr. India" pour les années 80. "Satyam Shivam Sundaram" pour les années 70, un film extrêmement beau. 

Quels sont vos autres projets en cours ou à venir ?

Je viens de publier la partie cinéma de ma thèse sous le titre Blanc Bollywood : Invention d'une peau cinématographique, et j’ai une nouvelle fonction depuis le mois de juin, au musée des Arts Asiatiques de Nice, où je suis adjointe scientifique. Parallèlement je continue mes recherches. J’ai deux projets que j’aimerais mener à bien, qui en sont encore au stade embryonnaire…

 

Couverture du livre Blanc Bollywood d'Hélène Kessous

 

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