Donald Tusk, chef de file de la coalition des forces pro-européennes, a été élu lundi soir au poste de Premier ministre polonais par la Diète (chambre basse), après huit ans de gouvernement populiste-nationaliste.
248 députés ont voté pour lui, 201 contre.
Contrôlée par l'alliance pro-UE de M. Tusk, la Diète avait rejeté plus tôt lundi la proposition de nouveau gouvernement des populistes nationalistes au pouvoir depuis 2015.
Après son élection, l'ancien chef du Conseil européen a remercié les Polonais pour leur confiance accordée lors des élections du 15 octobre.
"C'est un grand jour pour tous ceux qui, pendant de nombreuses années, ont cru que les choses iraient mieux, que nous chasserions les ténèbres, le mal", a-t-il déclaré.
"A partir de demain, nous pourrons redresser les torts, afin que chacun se sente chez lui en Pologne", a-t-il ajouté.
En répondant à M. Tusk, le chef des populistes de Droit et Justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski, l'a traité à la tribune "d'agent allemand".
M. Kaczynski accuse depuis longtemps la Coalition civique et M. Tusk lui-même de représenter les intérêts allemands et russes.
"La Pologne de mes rêves est celle sans hommes politiques qui vont agir en faveur des Etats étrangers", a-t-il déclaré plutôt dénonçant "un malentendu social" et clamant "la fin de la démocratie" en Pologne.
Le vote sur la candidature de M. Tusk a eu lieu après l'échec d'une tentative des populistes de former un nouveau gouvernement.
Dans la journée, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a présenté au parlement son discours de politique générale mais a perdu aussitôt le vote de confiance par 266 voix contre et 190 favorables.
Même si la coalition des forces pro-européennes a remporté les législatives du 15 octobre, c'est au pouvoir nationaliste sortant que le président Andrzej Duda, son allié, a d'abord confié la tâche de constituer un gouvernement, retardant de près de deux mois la fin des huit ans du camp nationaliste populiste au pouvoir.
Composée par la Coalition Civique (KO, centre), la Troisième Voie (démocrate chrétien) et La Gauche, la coalition pro-européenne dispose de 248 députés, face à 194 élus du PiS et 18 autres de la Confédération (extrême droite), sur au total 460 sièges.
Mardi, M. Tusk devrait, selon les annonces officielles, présenter son propre discours de politique générale et son gouvernement, et se soumettre immédiatement au vote de confiance, avant de prêter serment mercredi pour achever les procédures requises par la Constitution et mettre formellement un terme aux huit ans du pouvoir nationaliste en Pologne.
M. Tusk compte ainsi pouvoir représenter son pays au prochain sommet européen, jeudi et vendredi à Bruxelles.
"J'ai hâte de travailler avec vous, en commençant par l'important sommet européen de cette semaine", a d'ailleurs réagi lundi soir sur X la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen. "Votre expérience et votre engagement fort envers nos valeurs européennes seront précieux pour rendre l'Europe plus forte", a-t-elle ajouté.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est lui aussi félicité de l'élection de M. Tusk, en appelant à "l'unité" face à Moscou.
Lors de la campagne électorale, M. Tusk s'est fait fort de débloquer des milliards d'euros d'aide européenne qui ont été gelés en raison de tensions de longue date entre Bruxelles et le gouvernement sortant.
Il a également déclaré qu'il rétablirait la crédibilité de la Pologne au sein de l'UE et qu'il lui donnerait une voix importante dans le contexte de la guerre en cours dans l'Ukraine voisine.
"Je suis content que la Pologne retrouve le chemin du développement", s'est félicité le leader historique du syndicat Solidarité et ancien président polonais Lech Walesa qui a assisté au débat parlementaire.
- Opposition puissante -
Les attentes sont énormes envers ce futur gouvernement pro-européen, mais les nationalistes populistes resteront une opposition puissante et continueront à contrôler plusieurs institutions d'Etat.
Les analystes parlent d'"une toile d'araignée" tissée par le PiS autour de l'Etat, d'autant plus solide que le mandat présidentiel de M. Duda ne s'achève qu'en 2025 et qu'il peut à tout moment jouer de son droit de veto sur les lois adoptées par le parlement.
Le PiS a profité des deux mois de pouvoir supplémentaires qui lui ont été offerts en cadeau par le chef de l'Etat "pour se renforcer institutionnellement et financièrement", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Jaroslaw Kuisz.
Le parti nationaliste a ainsi nommé ses représentants à la tête de différentes institutions, avec des mandats souvent irrévocables, des procureurs au parquet national et environ 150 nouveaux juges, choisis par un organe critiqué par Bruxelles pour sa dépendance au PiS.