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Goûtez la philo avec Héléna Pinna

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Écrit par Loanne Jeunet
Publié le 16 décembre 2018, mis à jour le 17 mars 2024

Des goûters philosophiques pour les enfants à travers le monde : c’est le concept qu’a lancé Héléna Pinna, avec Goûtez la Philo en septembre 2018. Les prochains rendez-vous seront organisés dans plusieurs villes du monde, à commencer par Madrid et Casablanca. Entretien

Les premiers goûters philosophiques ont eu lieu à Bali en Indonésie, et Bangkok en Thaïlande. Pour le dernier en date, Héléna Pinna a donné rendez-vous aux participants dans les locaux de l’Atelier Ligne 13, où les créatrices de vêtements Estelle et Marion les ont accueillis. Leur collection inspirée par les Gauchos d’Amérique Latine faisait écho au projet de Goutez la Philo : tournée vers le monde avec une philosophie éco-responsable. L’objectif d’Héléna Pinna ? Apporter la philosophie aux plus jeunes et permettre aux enfants de suivre tous les rendez-vous de Goûtez la philo dans le monde entier et de voyager ainsi par procuration en écoutant les réflexions de chaque groupe. Ce petit bout de femme brune, douce et motivée, professeure de philosophie titulaire de l’éducation nationale aborde lors de ces rendez-vous gratuits et adaptés à l’âge des participants, des sujets divers comme l’écologie, la gourmandise, le désir, la justice, la conscience et de nombreuses notions philosophiques de façon ludique. La jeune femme prévoit d’organiser ses futurs goûters aux quatre coins du monde : Madrid, Casablanca, Quito, Bogota, Rio, Santiago, Papeete, Nouméa et Port Villa.

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Café philo à Paris, Atelier ligne 13 

lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous parler de vous et de votre parcours, en quelques mots ? Qui êtes-vous ?

Héléna Pinna : Je suis passée par une classe préparatoire en France, et ai suivi 2 cursus : philosophie et espagnol. Par la suite, j’ai eu la chance de partir au Mexique en tant qu’assistante de langues, et j’ai voulu continuer sur cette voie en Espagne. J’ai d’abord travaillé dans la traduction puis j’ai été recrutée par un lycée français à Madrid pour enseigner la philosophie. J’ai passé le CAPES de philo. Ensuite, j’ai postulé pour un lycée français en Colombie ; ce fut une très belle expérience, humainement et professionnellement ! L’an dernier, j’ai enseigné au lycée français à Bali en Indonésie. Le problème de la pollution en Asie m’a donné envie de me lancer dans un projet d’éducation solidaire. L’idée était de mobiliser les enfants pour réfléchir, notamment sur l’impact de l’homme sur la nature, entre autres.

Comment vous est venue l’idée de ce projet de goûters philosophiques ?

C’est venu d’un projet antérieur de coopération, que j’avais mené en République Démocratique du Congo. J’ai eu envie de repartir sur un projet de coopération dans lequel je pourrais mettre à disposition mes compétences en matière de philosophie et ça a donné lieu à Goutez la philo né en septembre 2018.

Comment amenez-vous les enfants à échanger entre eux de façon philosophique ?

Il est important de bien réfléchir à la question qu’on propose. Elle diffère selon l’âge des enfants. L’environnement dans lequel nous nous trouvons ainsi que l’âge des participants déterminent la formulation des questions, par exemple avec un groupe d’élèves de 10-11 ans, j’ai abordé la question de la gourmandise alors qu’avec des élèves de terminale, j’aurais formulé la question en abordant la notion de désir. Le goûter philo en Indonésie se déroulait sur le thème de la gourmandise, dans un restaurant reconnu pour ses crêpions pâtissières tenu par un couple franco-indonésien qui a fait l’école Paul Bocuse. A force de discussions autour de la dégustation, les enfants se sont rendu compte qu’en étant gourmets, ils étaient aussi plus conscients de ce qu’ils mangeaient et qu’ils pouvaient réduire leur impact négatif sur la planète. A Bangkok,  comme il s’agissait d’élèves de terminale, le thème du goûter devait correspondre à la partie du programme de philosophie qu’ils étaient en train d’étudier : « Suis-je maître de mes pensées ? ». Au début, certains étaient un peu intimidés, et finalement les langues se sont déliées : ils se posaient tous des questions, sur l’intelligence artificielle par exemple, et énormément sur l’impact des réseaux sociaux, notamment lors des élections.

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Café philo à Bali, 

Quel âge ont les participants en général ?

C’est très variable. A Bali, ils avaient entre 9 et 11 ans.  A Bangkok, c’étaient des lycéens en classe de terminale. J’ai proposé des activités entre 8 et 18 ans, mais j’aimerais beaucoup descendre en dessous de 8 ans. Ça se prépare, il faut s’adapter ! Certains collègues de primaire ont déjà tenté d’introduire des prémices de philosophie avec des plus petits. Mais il faut passer soit par des dessins, soit par des petites fables, rendre l’activité la plus ludique possible. Enfin il y a une minorité d’adultes, qui reste plus en retrait pour ne pas intimider les enfants. Je prévois aussi de faire des activités pour adultes.

N’est-ce pas compliqué de leur faire comprendre certaines choses à leur âge ? Est-ce qu’ils connaissent déjà les philosophes dont vous leur parlez ? Comment faites-vous pour vulgariser ?

Ce n’est pas toujours évident. Parfois, les enfants vont amener des réflexions spontanées sur la mort ou la maladie. L’idée est toujours d’accueillir ce qu’ils proposent en essayant de les guider et de proposer des outils philosophiques. Les enfants ont des réflexions très pertinentes, sans forcément avoir les bons mots mais ils touchent du bout du doigt la réflexion philosophique. Par exemple, à Bali, nous avons fait un café sur le thème « Pourquoi l’enfant fait-il des bêtises ? ». Parfois, on le fait sans faire exprès et parfois consciemment parce que c’est légitime de ne pas respecter l’interdiction. Au début du rendez-vous, ils ne connaissaient pas le mot ni la notion de « légitimité ». A la fin, ils étaient capables de comprendre  « l’état de nécessité » qui peut pousser un père ou une mère à enfreindre une loi pour le bien de ses enfants.

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Comment choisissez-vous les thèmes que vous allez aborder avec les enfants ?

Je définis le thème en fonction du cadre qui nous accueille, c’est à dire, si c’est une pâtisserie ou un centre culturel, mais surtout selon l’âge des enfants et s’ils se connaissent entre eux ou non.  Au cours de mon voyage, j’interviendrais principalement auprès d’enfants francophiles et francophones mais je pense faire des cafés en espagnol, en partenariat avec une ONG en Colombie qui travaille avec des enfants de quartiers défavorisés.

Dans quel état d’esprit sort-on de vos rendez-vous, petits comme grands ?

On est surpris par le chemin de pensée des plus jeunes, qui sont parfois déstabilisés, qui montrent beaucoup d’affectivité et rient volontiers. Avec les plus grands, c’est très stimulant intellectuellement, pour eux comme pour moi. En revanche, ils ont parfois plus de retenue, plus de peur du jugement. Il faut donc les mettre à l’aise. C’est pour ça que le fait de mettre tous les participants en cercle permet de donner à chacun sa place et de favoriser le dialogue. Au cours d’un café philo, ce ne sont pas forcément les élèves qui s’expriment d’habitude en classe mais plutôt les autres qui parlent moins, les timides ou ceux qui sont moins scolaires qui prennent la parole. J’essaye d’encourager tout le monde à parler, on se rend compte qu’on réfléchit mieux à plusieurs.

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Café philo à Bangkok

Vous avez prévu d’organiser vos rendez-vous de Goûtez la Philo un peu partout dans le monde. Comment faites-vous pour vous organiser, trouver le lieu et le financement ?

Pour l’instant, ce projet est autofinancé. J’aimerais pouvoir  le développer et le structurer mais ce n’est pas facile de trouver les bons partenaires. J’ai eu de la chance de trouver le bon lieu à Bali et ça s’est très bien passé. J’ai des idées de lieux francophiles pour la suite, par exemple l’Institut français et l’Alliance Française à Madrid et Quito mais aussi le plus souvent les lycées français des villes que je traverserai :  Madrid, Casablanca, Rio, Santiago…

Quels sont vos projets pour la suite de Goutez la Philo, et tout autre projet annexe ?

Pour la suite de Goutez la Philo, j’aimerais développer des podcasts radio, mais aussi peut-être un format vidéo afin de montrer comment se déroule un rendez-vous philosophique, les différentes étapes pour faire en sorte qu’enfants et adultes soient à l’aise dans le groupe, leur façon de s’exprimer, leur progression dans la réflexion. Ça permettrait de faire une synthèse des points importants. Enfin, j’aimerais faire un projet de guide pour les professeurs qui voudraient se lancer. Ce n’est pas évident en tant que professeur de philosophie de toucher les plus jeunes, mais il y a de plus en plus de formations qui vont dans ce sens-là. On peut amener la réflexion mais en passant par différentes techniques.

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Je souhaite remercier tous ceux qui ont soutenu le projet : Anaïs Bouissou, Thomas Reytier, Trésia et Aurélien, le Warung gouthé, Géraldine Leturcq, Corinne Escaig, Gérard Colavecchio, Alain Gouzy, Ellia Foucard-Tiab, Estelle Zanatta et l'Atelier ligne 13, l'AEFE , les lycées français de l’étranger,  et lepetitjournal.com.

Le prochain café philosophique Goûtez la philo aura lieu à Madrid en Espagne, en janvier et le suivant à Casablanca au Maroc.

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Publié le 16 décembre 2018, mis à jour le 17 mars 2024