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S. Cazebonne : "Je ne veux pas d’une école uniquement de gens aisés"

samantha cazebonnesamantha cazebonne
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 19 novembre 2019, mis à jour le 19 novembre 2019

La députée de la 5e circonscription des Français à l’étranger, Samantha Cazebonne, nous a accordé un entretien exclusif dans lequel elle évoque sans langue de bois la réforme de l’enseignement français, les violences conjugales à l’étranger et sa proposition de loi pour interdire l’accès à la corrida aux mineurs.

 

lepetitjournal.com : Dans le cadre du Grenelle des Violences Conjugales, vous avez souhaité avec Madame la députée Amélia Lakrafi évoquer la question des victimes françaises à l’étranger. Quelle est la situation pour ces victimes et leurs recours à l’étranger ?

Samantha Cazebonne : Nous nous sommes associées à cette démarche nationale pour attirer l’attention de la Ministre car ce problème concerne aussi les femmes et les hommes expatriés. Les problèmes de violence ne s’arrêtent à nos frontières. Il faut qu’on les aide.

Pour bien appréhender ce sujet il faut en avoir des exemples vécus. A l’étranger, j’ai été peu sollicitée sur ces cas, ce qui est en soi un questionnement. J’ai posé cette question aux services consulaires, qui m’ont répondu qu’évidemment il y avait quelques personnes qui passaient par les services français mais que les Français s’adressaient essentiellement aux services locaux. Autre questionnement : pourquoi les associations de Français à l’étranger ne nous interpellent pas sur ces questions-là alors que la violence existe aussi chez les expatriés ? Ce sujet est tellement complexe dans son appréciation et dans le peu de moyens ou solutions dont bénéficient les agents consulaires que dans le fond, certains services se retournent alors derrière les autorités locales ou des associations françaises.  Mais soulignons que malgré les faibles moyens des consulats, sous l’action d’agents impliqués sur cette question, certains ont développé l’aspect de lutte contre les violences conjugales de leur mission comme le Consulat général de Madrid cela demande à être accompagné et développé dans le monde entier. 

Pour contribuer au Grenelle national, on a donc cherché avec Amélia Lakrafi des regroupements de femmes qui ont vécu ces situations et nous avons été le relais de leurs propositions. L’une d’elle est très facile et réalisable : la création d’un numéro d’urgence disponible 24h/24 et accessible depuis l’étranger. Il faudra donc des personnes compétentes pour répondre à tout le monde et également former les agents consulaires à ces problématiques délicates. Notre chantier dans l’année qui vient est d’avoir ce numéro actif, d’assurer des formations pour les agents consulaires et ceux du MEAE mais également d’avoir un visuel dans les consulats et les associations de Français à l’étranger pour que les femmes et les hommes sachent quel numéro appeler. L’information doit également se retrouver sur les sites internet des consulats.

 

Il faut pouvoir parler à l’ensemble de la communauté française.

 

Vous aviez remis en février dernier un rapport avec 147 recommandations pour insuffler une nouvelle dynamique à l’enseignement français à l’étranger. Etes-vous satisfaite de la réforme telle que présentée par le gouvernement ?

Je suis satisfaite d’une chose, c’est que désormais l’enseignement français à l’étranger ait pris à la mesure de ce qu’il mérite. Souvent, on l’a laissé se développer assez modestement. Désormais, il y a une véritable ambition à répondre à davantage de familles qu’elles soient françaises ou étrangères et surtout d’amener notre modèle d’éducation à plus grande échelle. 

Les mesures qui ont été proposées comme l’augmentation du nombre de détachements qui va passer à 10.000 au total, démontre une véritable volonté du Ministre JM Blanquer et de son ministère de l’Education nationale. Nous devons aussi être fiers des 25 millions d’euros débloqués, ce qui contribue à en faire le budget le plus important depuis 2013. Si on attribue ce budget à l’AEFE, c’est pour lui permettre d’irriguer l’ensemble des établissements partenaires en développant et créant des centres de formation, notamment dans des zones stratégiques où il y a un vrai potentiel de développement d’établissements comme en Afrique Sub-saharienne, en Inde ou en Amérique latine. Les fonds publics ne seront plus là pour développer l’immobilier mais ce sont essentiellement les partenaires qui vont permettre cela par des fonds privés. J’insiste cependant dans mon rapport sur le fait que l’Etat doit garantir la qualité de l’enseignement via l’homologation, certes assouplie dans sa partie administrative, mais pas sur ses exigences pédagogiques.

Les orientations de la réforme me plaisent mais on n’ira jamais assez loin pour moi. Il faut pouvoir parler à l’ensemble de la communauté française. Un tiers des enfants sont touchés par ces mesures mais il faut parler aux deux tiers restants, ceux qui habitent trop loin, qui n’ont pas pu avoir de place, ou qui ne peuvent pas se le permettre financièrement. il faut qu’on travaille davantage avec le CNED, les alliances, les instituts mais aussi les Flam, pour que ces enfants gardent un lien avec la France. il ne faut pas qu’on les oublie. 

Je travaille aussi actuellement avec l’ambassadrice du Portugal sur le fait qu’on ait aussi une filière bilingue en portugais, comme c’est le cas déjà avec l’Espagne. Il faut également qu’on ait une école réellement inclusive dans tout l'EFE et qu’on se donne les moyens pour accueillir dans les écoles françaises des accompagnants scolaires qui doivent être pris en charge aussi dans les critères de bourses. 

Je trouve aussi inquiétant que le nombre d’élèves boursiers soit en baisse. Peut-être que nos critères ne sont pas adaptés et ne permettent pas aux familles de classe moyenne de pouvoir y prétendre. Il est essentiel pour moi que l’on garde cette mixité sociale au sein de nos établissements français à l’étranger. Je ne veux pas d’une école uniquement de gens aisés. 

 

Comment expliquer la fermeture du Consulat général de Séville et la relance d’Andorre annoncée par Emmanuel Macron ?

Je vais commencer par la bonne nouvelle. Je suis ravi de la réouverture en Andorre, qui traduit les bonnes relations entre les deux pays. Je vous avoue que la fermeture Séville n’a pas été accueillie de gaité de coeur, mais c’est un choix qui a du être fait sur l’autel de la répartition de la population française dans le monde. Je me bats dans chacun de mes déplacements à l’étranger pour que les Français aillent faire des actes administratifs dans leur consulat. On m’en parle notamment lorsque je vais à Porto, où il n’y a pas de consulat actuellement. Le problème est que si les Français ne s’inscrivent pas sur les listes consulaires, on ne pourra pas assurer un service sur place par manque de ressortissants. Il faut que la communauté française montre que ce besoin est réel.

 

La refonte du STAFE a généré une certaine polémique chez des acteurs en Espagne, qui se sont estimés lésés. Quelle est votre position à cet égard ?

Je ne suis pas totalement satisfaite non plus. Ce qui me déplait c’est qu’on a voulu avec la fin de la réserve parlementaire neutraliser l’impact clientéliste, ce qui est bien. On a délégué le budget aux conseillers consulaires mais les remontées que j’ai démontrent qu’assez fréquemment les dossiers qui sont retenus sont soutenus par certaines associations qui ont un lien direct avec les décideurs. Il faut donc être vigilants sur ce point et revoir certains points du dispositif. 

 

Ce qui m’importe plus que tout, ce sont les enfants.

 

Pouvez-vous nous parler de votre proposition de loi visant à protéger les enfants de l’exposition à la violence exercée sur les animaux ? 

Je suis très engagée sur les droits des enfants mais également tout ce qui expose les enfants à la cruauté sur les animaux. Je ne m’en prends pas à la corrida. Je ne l’aime pas, je n’y participe pas mais je respecte malgré tout ceux qui considèrent cela comme un spectacle. Ce qui m’importe plus que tout, ce sont les enfants. Surtout quand on rentre dans le cadre du 30e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant à l’ONU et que cela fait deux fois que nous sommes retoqués sur ces questions. Des enfants sont sincèrement et réellement traumatisés et il faut agir. D’ailleurs, on est en accord avec les citoyens pour légiférer sur ce sujet . La grande majorité (plus de 80%) des Français est favorable à cette proposition qui protège les enfants d’une certaine violence. J’irai me déplacer dans des circonscriptions taurines pour expliquer mon argumentaire avant de déposer ce texte pour co-signature. Je veux leur démontrer ma sincérité et que l’on puisse discuter de l’âge d’accès aux arènes, ce qui reste une variable non tranchée définitivement.