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Amérique latine : le continent oublié par la France ?

Amérique Latine Franck Riester Ivan Duque ColombieAmérique Latine Franck Riester Ivan Duque Colombie
Franck Riester avec le Président de Colombie Ivan Duque, lors de sa visite le 6 décembre 2021
Écrit par Capucine Taconet
Publié le 8 décembre 2021, mis à jour le 8 décembre 2021

Alors que Franck Riester, ministre chargé du Commerce extérieur célèbre la relation franco-colombienne à l’occasion de sa tournée en Amérique du Sud, beaucoup d’américanistes jugent que la France n’en fait pas assez pour entretenir ses liens avec le continent latino-américain.

Dix visites sous le mandat de François Hollande, contre une seule sous celui d’Emmanuel Macron. Un chiffre qui illustre un manque d’intérêt de l’État dans les liens avec l’Amérique latine juge Paula Forteza, députée des Français d’Amérique latine. À quelques mois des présidentielles 2022, celle-ci a souhaité mettre le sujet sur la table en rassemblant des experts des relations avec l’Amérique latine, au cours d’un colloque : « France-Amérique latine : construire les liens de demain ».

 

Paula Forteza prend la parole lors du colloque
Paula Forteza, députée des Français d'Amérique latine plaide pour faire de la relation avec le continent une priorité

L'Amérique latine marquée par des incertitudes majeures

« L’Amérique Latine n’a pas été la première des priorités de la France en terme de relations internationales au cours de ce mandat », regrette Paula Forteza, la députée à l’origine du colloque. Pourquoi le continent a-t-il donc été relégué au second plan de l’agenda politique du Président de la République ? Yves Saint-Geours, historien de l’Amérique latine et ancien ambassadeur de France à Brasilia, avance plusieurs hypothèses : les tensions européennes qui ont accaparé le champ de la politique étrangère, l’épuisement des organisations régionales, le jeu des politiques nationalistes de puissances.

 

Sans compter que la pandémie a frappé de plein fouet le continent et l’a considérablement affaibli. En 2020, il enregistre la récession la plus forte du monde, et également la plus importante de son histoire au cours des dix dernières années, avec une baisse de 7%. Si sa croissance a connu un rebond de 6% en 2021, le Covid 19 a laissé des traces durables dans l’économie du continent latino-américain. 26 millions de personnes ont perdu leur emploi depuis la crise tandis que les experts estiment que le niveau de richesse par habitant de 2015 ne sera pas récupéré avant 2025. Une situation critique qui peut donner l’impression d’une « nouvelle décennie perdue » pour le développement du continent, témoigne Slim Dali, responsable des questions économiques du département Amérique latine de l’AFD, et éclairer sur l’absence de l’Amérique latine dans les préoccupations de l’Élysée.

 

Delphine O parle au micro lors du colloque
La première table ronde animée par Carlos Quenan invitait Delphine O et Slim Dali à prendre la parole

Des liens historiques avec la France qui perdurent au cœur de la pandémie 

Les indicateurs économiques de l’Amérique latine n’invitent pas tous à l’optimisme, reconnaissent sans peine les intervenants du colloque « France-Amérique latine : construire les liens de demain ». Pourtant, tous évoquent la vitalité des relations qui unissent notre pays avec le continent depuis plusieurs décennies. « Entre 2009 et 2020, l’Agence Française de Développement (AFD) a accordé près de 11 milliards d’euros de financement à la région », explique Slim Dali. Sous la forme de crédits verts, de prêts projets aux entreprises publiques, ou encore de prêts de politique publique, ces financements permettent « d’influencer et d’infléchir des politiques énergétiques sur le long terme », ajoute-t-il, citant l’exemple de la Colombie qui a adopté une stratégie de décarbonation pour 2050 suite à l’action de l’AFD.

 

Les liens de la France et de l’Amérique Latine ont également pu être renforcés lors de la pandémie. La maire de Mexico a ainsi fait appel à la France « pour s’informer sur les dispositifs mis en place pendant le 1er confinement afin d’aider les femmes victimes de violence conjugales », note Delphine O, ambassadrice et secrétaire du Forum mondial générations et égalité.

 

table ronde animée par Florence Pinot de Villechenon
Deuxième table ronde "Réseaux, acteurs et dynamiques de la présence française en Amérique latine", animée par Florence Pinot de Villechenon

France-Amérique Latine : « Proposer des liens nouveaux pour demain »

Alors que la campagne présidentielle prend de plus en plus de place dans les médias, les américanistes appellent de leurs vœux un renouvellement des liens avec l’Amérique Latine. Un continent d’avenir avec lequel beaucoup de projets restent à construire et de défis à relever. Alain Fohr, conseiller Culture à la Commission Française pour l’UNESCO, est convaincu que le socle de cette nouvelle relation doit être l’échange. « La diplomatie française parle beaucoup de Soft Power mais oublie de parler d’échange », estime-t-il. « Il faut aussi se demander ce que l’Amérique latine attend de nous ». La France doit faire preuve d’adaptation face à ses interlocuteurs pour répondre à la variété des demandes et attentes des pays latino-américains.

 

Le partenariat France-Amérique Latine a déjà permis de belles réussites, telles que la co-organisation du forum mondial générations et égalité par le Mexique et la France cette année. Ce sommet international a joué un rôle d’entraînement pour les pays latino-américains dans leur engagement pour la lutte contre les violences faites aux femmes, dont plusieurs ambitionnent devenir leaders de ce thème. Un des multiples atouts de l’Amérique Latine qui font dire aux américanistes que nos relations avec le continent sont encore trop négligées : « nous pouvons faire plus et mieux », martèlent-ils. Espérons qu’ils soient cette fois-ci entendus au sommet de l’État.