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Inde, la pollution de l’air fait son retour à Mumbai et Delhi

C’est une compétition dont on se passerait bien... Qui de la capitale économique ou de la capitale politique atteindra le statut de ville la plus polluée de l’Inde ? Dès que la mousson prend fin, les niveaux de pollution des grandes villes de l’Inde retrouvent des niveaux dangereux pour la santé. Comment les municipalités répondent-elles à cette urgence ?

Le smog sur DelhiLe smog sur Delhi
Le smog sur la ville de Delhi. Photo Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier via flickr
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 25 octobre 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Comment sont calculés les niveaux de pollution  ?

L’Indice de Qualité de l’Air (AQI en anglais) est un système de mesure normalisé utilisé dans de nombreux pays pour évaluer la qualité de l’air ambiant. Il s’agit d’un chiffre qui indique la quantité de polluants atmosphériques présents dans l’air et permet d’évaluer les effets potentiels sur la santé humaine. Néanmoins, il n’existe pas d'indice universellement reconnu par tous, chaque pays peut créer son propre indice en fonction de ses normes environnementales.

Les systèmes d’indices de qualité de l’air utilisent généralement une échelle de couleurs ou de chiffres pour indiquer le niveau de pollution atmosphérique et son impact sur la santé humaine. Les couleurs peuvent varier selon les pays, mais elles suivent généralement une logique similaire :

🟢 Bonne (0-50) : Bonne qualité de l’air, risque faible pour la santé.

🟡 Modérée (51-100) : Acceptable, risque modéré pour certaines personnes sensibles.

🟠 Mauvaise pour les groupes sensibles (101-150) : concerne les enfants, personnes âgées, personnes atteintes de problèmes respiratoires.

🔴 Mauvaise (151-200) : pour tout le monde, risque élevé pour la santé.

🟣 Très mauvaise (201-300) : risque de problèmes de santé plus graves.

🟤 Dangereuse (301-500) : urgence sanitaire.

En Inde, le Central Pollution Control Board (CPCB), l'organe du gouvernement qui surveille la pollution, considère huit principaux polluants à prendre en compte pour le calcul de l’IQA, à savoir les particules (PM10) et particules fines (PM2,5), le monoxyde de carbone, l’ozone, le dioxyde d’azote, le dioxyde de soufre, l’ammoniac et le plomb. Pour calculer l’IQA, des données pour un minimum de trois polluants doivent être présentes, dont l’un est obligatoirement les PM10 ou les PM2,5. L’indice de qualité de l'air du gouvernement indien, qui va de 0 à 500, admet des concentrations différentes pour chaque polluant et détermine leurs effets sur la santé en conséquence. Il est en moyenne plus souple que l’IQA de l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé).

Pour traquer ces niveaux de pollution, de nombreuses applications sont disponibles pour la population.

taux de pollution  de villes d'Inde pour le 24 octobre 2023 selon l'organisme SAFAR

 

 

Mumbai vs Delhi 

L’indice de qualité de l’air de Delhi a atteint 346 lundi 23 octobre, le plus haut parmi les 110 villes mondiales suivies par l'entreprise suisse IQAir, selon Bloomberg. Dans la capitale financière de l’Inde, Mumbai, l'IQA était de 177. Selon Gufran Beig, directeur de l’organisme SAFAR (System of Air Quality and Weather Forecasting And Research) et professeur titulaire à l'Institut national d'études avancées de Bangalore, “Delhi est désavantagée en raison de sa géographie enclavée, mais Mumbai est une ville côtière qui bénéficie d'un avantage naturel en matière de nettoyage. Des vents de surface plus forts favorisent une dispersion plus rapide et les cycles d'inversion des vents de fortes brises de mer balayent les polluants atmosphériques de la terre”.

La combustion de chaume, la pollution des véhicules, la construction et les centrales électriques au charbon sont les principaux facteurs contribuant à la pollution de l’air à Delhi-NCR. C’est généralement entre novembre et février que la qualité de l’air à Delhi est la plus mauvaise. Cette fois, l'IQA a atteint un niveau record bien avant les festivités de Diwali.

Selon les données d’IQAir, Delhi a enregistré 296 microgrammes de particules fines (PM2,5) par mètre cube d’air, ce qui est presque 20 fois le niveau recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé.

Sur cette dernière semaine, Mumbai a dépassé les limites de niveaux de pollution au moins deux jours. La raison principale : la pollution liée aux chantiers de construction. En effet, selon Bhagwan Kesbhat, le fondateur de l’ONG environnementale Watavaran, "la poussière résultant de l'augmentation des PM10 sur les chantiers de construction et les débris de construction ont été identifiés comme l'une des cinq principales sources de pollution." Les quatre autres sont : la poussière des routes et son déplacement, le brûlage à l'air libre des déchets solides et des ordures, l'utilisation de combustibles impurs dans les restaurants et autres dhabas, et une gamme d'industries, dont celles qui utilisent des usines de béton prêt à l'emploi (RMC, Ready Mix Concrete). L’an passé, plus de 2500 permis de construire ont été délivrés par la ville : ce sont plus de 6000 chantiers publics (coastal road, métro) et privés (nouveaux bâtiments) qui sont menés chaque jour à travers la ville.

Une grande enquête du quotidien The Indian Express sur la pollution de l’air à Mumbai et leur visite de différents chantiers de construction révèle que les recommandations et normes de sécurité du BMC (la municipalité de Mumbai) ne sont presque jamais suivies. Ainsi, la plupart du temps, aucun des travailleurs ne porte de masque de protection, il n’y a pas de plastique couvrant autour de la zone du chantier pour limiter la propagation des poussières de débris et celles-ci ne sont souvent pas arrosées, ce qui permettrait de les maintenir au sol.

Pourtant, la pollution par particules tue. Dans un précédent article, nous expliquions pourquoi la pollution de l’air est la plus grande menace pour l'humanité. Aujourd’hui, avec des taux de pollution pouvant dépasser un IQA de 300, c’est comme si chaque jour, nous fumions 5 ou 6 cigarettes. Une étude récente a prouvé qu’une exposition constante à une pollution de l’air avait des conséquences sur le développement des poumons des enfants. Selon l'organisme SAFAR, entre 2016 et 2021, 14 396 individus sont décédés des suites d'une bronchopneumopathie chronique obstructive, soit 6 personnes par jour. De même, sur la même période, 1220 personnes sont mortes de bronchite et 6757 d’asthme dus à la pollution de l’air. Une autre étude récente lie une augmentation des taux de cancer des poumons, mais aussi de cancer du sein, avec une exposition régulière aux micro particules polluantes.

 

 

Quels outils pour réduire les risques liés à la santé ?

À la suite de cette série d’articles, Iqbal Singh Chahal, commissaire municipal de Mumbai et administrateur désigné par l'État, a annoncé un nouveau plan de mitigation des poussières pour lundi dernier, mais celui-ci n’a pas encore été mis en place, faute de consensus avec les parties prenantes. Une source du journal cite une demande de délai afin d’obtenir la logistique nécessaire pour se mettre en règle avec les nouvelles mesures. Celles-ci devraient être publiées aujourd’hui. Parmi les solutions avancées : élever des barrières de protection a une hauteur de 7 à 10 mètres, asperger d’eau les débris de chantier, envoyer une notice d’obligation d'arrêt des chantiers ne respectant pas les nouvelles normes, accroître la surveillance des chantiers au moyen de caméras de surveillance. Des solutions qui étaient déjà plus ou moins présentes dans le précédent guide.

Avant cela, dans un communiqué officiel, le Maharashtra Pollution Control Board et le BMC ont déclaré déléguer des experts pour vérifier le niveau de pollution causé par les raffineries de la ville, la centrale de Tata Power et l’usine de RCF (Rashtriya Chemicals and Fertilizers). Ils ont aussi demandé aux agences gouvernementales qui exécutent des projets de métro, de routes et d’autres chantiers d’intérêt public de suspendre les travaux et de fournir des systèmes de gicleurs et des canons anti-smog.

Les canons anti-smog fonctionnent en émettant de l'eau sous forme de fines gouttelettes dans l'air. Ces gouttelettes captent les particules en suspension, les poussières et d'autres polluants atmosphériques, ce qui contribue à les agglomérer et à les faire retomber au sol. Cela permet d’améliorer temporairement la qualité de l'air dans une zone spécifique. Ces derniers ont déjà été déployés dans huit zones à haute pollution : Worli Sea Face, Haji Ali, Pedder Road, Girgaum Chowpatty, Nariman Point, Fashion Street, Badhwar Park et World Trade Center.

À Delhi, où ces solutions sont en place et où 13 hotspots sont déjà identifiés, il a été décidé de déployer des équipes spéciales chargées d’identifier les sources locales de pollution dans 8 nouvelles zones où l’IQA est au-dessus de 300.

Le ministre de l’Environnement Gopal Rai a aussi ordonné à la Delhi Metro Rail Corporation (DMRC) d’augmenter la fréquence du métro et a demandé à la Delhi Transport Corporation d’augmenter la fréquence des bus au gaz naturel et des autobus électriques, et même de louer des autobus privés pour encourager l’utilisation des transports en commun et réduire le nombre de véhicules sur les routes.

 

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