Les arbres abattus à Białowieża en quasi toute impunité, ou les indices de particules fines qui s’affolent dans les grandes agglomérations. Les indicateurs ne donnent pas cher de l’état de santé de l’écologie en Pologne, ces derniers temps. De quoi faire un peu tache, à un peu moins de six mois de la COP24, prochain sommet pour l’environnement. Surtout lorsque celui-ci doit se dérouler à Katowice, au beau milieu du bassin minier le plus important et le plus polluant d’Europe. Si l’objectif initial de la désignation de Katowice pouvait être de contrecarrer la force écrasante d’un lobby du charbon local, les soutiens de l’énergie renouvelable ne semblent plus croire en l’effondrement d’une production qui pèse tout de même près de 82.000 emplois rien que dans la capitale de Silésie. Mais si l’essentiel était ailleurs ?
Guérilla civile et drone renifleur
La région de Haute-Silésie et de Zagłębie est un merveilleux exemple de ce qui peut être réalisé grâce à une politique cohérente de développement durable et de transformation économique. Fermez les guillemets, et vous aurez le ressenti de l’ancien Ministre de l’Environnement, Jan Szyszko. Pas vraiment connu pour ses positions très révolutionnaires sur le sujet, l’inamovible dinosaure du PiS – présent au Parti depuis sa fondation, en 2001 – a le mérite d’être très certainement honnête. Le plan économique et environnemental de Katowice a tout l’air de l’exemple à suivre pour les autres agglomérations du Sud de la Pologne. En bref, Katowice cherche désormais à s’imposer comme un pôle émergent dans les secteurs de l’innovation et des nouvelles technologies, notamment pour contrer les fâcheux désavantages d’une exploitation du charbon qui chauffe 80 % des foyers de la région. Le développement et la mise en état d’un drone « renifleur » de smog par une équipe d’ingénieur de Katowice a fait les gros titres de la presse locale pendant un certain temps. Ajoutons à cela l’action insolite d’un planteur d’arbres auto-baptisé « Partisan de la Guérilla Witold », et la Pologne se réjouit déjà d’une société civile « en marche » vers l’initiative citoyenne et la prise de conscience collective. Joli tableau. En attendant, les lobbyistes du charbon ne sont toujours pas inquiétés et les énergies renouvelables encore freinées : la grande révolution verte peut encore attendre derrière la porte, lui ouvrir ne semble pas être dans les plans des collectivités locales et du gouvernement central.
Les énergies renouvelables, grandes absentes de Pologne : un « problème politique »
Le constat est là : le pouvoir, en suivant les volontés exprimées par les Polonais dans les sondages, souhaite s’atteler à un combat frontal face au phénomène du smog. Mais cela ne devrait pas passer par de lourds investissements dans le secteur des énergies renouvelables. Sous Donald Tusk déjà, on préférait avancer le nucléaire et le gaz de schiste comme les alternatives les plus crédibles à la pollution du charbon et la dépendance tant redoutée du gaz russe. Si la fraction a finalement été abandonnée suite à la complexité du processus et à la frilosité des marchés énergétiques, le nucléaire reste le cheval de batailles principal du PiS en matière d’énergie. Le groupe public PGE – EDF Polonais – a ainsi adopté un plan d’investissement de quelques 330 Milliards de zlotys en février 2012, répartis entre 2012 et 2035, le temps d’installer les deux premières centrales du pays. Le portefeuille risque donc d’être assez maigre pour les énergies renouvelables pour encore un certain temps. La renationalisation entamée du secteur de l’électricité ne devrait également pas mettre en avant le secteur du renouvelable, puisque le principal profiteur de la situation se retrouverait être … le PGE. « Depuis la prise en charge de la gestion énergétique par le Ministère actuel, les énergies renouvelables ont été discriminées, expliquait début juin le président d'Ambiens, l'une des principales entreprises polonaises spécialisées dans le domaine du conseil environnemental, Michał Kaczerowski. Les objectifs de la politique climatique fixée par l’Europe à l’horizon 2020 (soit une proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale, NDLR) ne seront pas atteints. » Et pour cause : le renouvelable se heurte à un mur politique. « Tous les problèmes du renouvelable en Pologne sont politiques, résume Ewa Sufin-Jacquemart, présidente de la fondation Verte. L’éolien est détruit par le PiS pour un simple enjeu populiste : des protestations locales faisaient état d’une peur de soi-disants radiations, ainsi qu’un bruit gênant provenant des éoliennes. Nous avons un potentiel offshore inutilisé : on sait par exemple que nous pouvons créer 8000 emplois dans l’éolien offshore. Tous les pays européens de la Baltique à la Manche font ce genre de projets, qui sont généralement de belles réussites. Nous sommes les seuls à ne toujours pas investir nos côtes. Un magnat polonais avait lancé le projet, mais depuis sa mort il y a deux ans, de nombreux acteurs économiques ont voulu s’accaparer les potentielles retombées économiques et ont fait couler le projet. Enfin, en ce qui concerne la géothermie, c’est encore plus politique : Père Tadeusz Rydzyk, très connu en Pologne pour tenir la station de radio Radyo Maryja, a indiqué qu’il souhaiterait exploiter cette source d’énergie. Le problème, c’est qu’il a utilisé son influence médiatique pour demander à ses auditeurs de financer la géothermie, par l’intermédiaire de dons à Radyo Maryja. Évidemment, ça n’a pas plu du tout.”
Et que dire de la passivité de la Pologne face aux traveaux d’Olga Malinkiewicz, inventeuse d’une sorte de perma kit en spray permettant d’utiliser des vitres et écrans comme des panneaux solaires ? La Pologne a les moyens, mais n’a pas encore décidé de les valoriser. A 35 ans, Malinkiewicz a été obligé de s’installer … au Japon. Le Pays du Soleil Levant lui a délivré de nombreux fonds afin qu’elle puisse créer son entreprise Saule Technologies pour commercialiser son produit.
L’heure n’est plus aux discussions stériles, et gare à la Pologne de bien appréhender l’échéance 2030, faute de respecter celle de 2020. Dix ans après, l’Europe attendra une proportion de l’énergie renouvelable à hauteur de 27% de la consommation énergétique totale. “ Il n’y a aucun doute que les énergies renouvelables peuvent s’imposer chez nous, si elles peuvent le faire en Allemagne et au Danemark qui partagent notre climat et nos mers”, assure Ewa Sufin-Jacquemart. La copie de la Pologne est pourtant encore bien pâle face à celles de ses voisins.