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HERVE COMBAL, DG D’EDENRED POLOGNE – « Nous réexistons depuis 4 ans »

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 27 octobre 2015, mis à jour le 28 octobre 2015

 

Produit phare d'Edenred, le ticket restaurant est connu de tous en France et ailleurs dans le monde. Créé en 1962, il est le symbole des avantages sociaux français cofinancés par l'entreprise et son collaborateur. Mais jouit-il de la même popularité en Pologne ? Hervé Combal, Directeur général d'Edenred Pologne évoque les spécificités du marché polonais et une entreprise qui se réinvente.

Pouvez-vous nous présenter brièvement Edenred Pologne et nous dire quels sont les produits que vous commercialisez ?  

Edenred a inventé le concept des  avantages sociaux offerts aux salariés par leur entreprise. Le plus connu est notamment le ticket restaurant qui au moment de sa création était une marque. Elle a été intégrée au groupe Accor dans les années 80 et en 2010 a eu lieu une scission des activités entre Accor Hôtels et Accor Services qui est devenu Edenred et a fait son entrée à la Bourse de Paris. Mais rien n'a changé, nous avons 50 ans d'expérience dans ce métier et sommes présents aujourd'hui dans 42 pays.

En Pologne, l'équipe est composée de 43 personnes et nous commercialisons 3 familles de produits : des cartes cadeau universelles ou dédiées à certains domaines (sport, culture, vacances?), des produits de motivation et récompense et enfin, une troisième famille qui est assez innovante : elle concerne la gestion des frais professionnels à travers un produit nommé Spendeo. Mais les produits liés aux avantages sociaux constituent notre c?ur de métier.

Y a-t-il une spécificité du marché polonais ou d'Europe centrale ? Quelle est la stratégie de développement qui en découle ?

Bien que nous soyons installés en Pologne depuis 20 ans nous « ré-existons » depuis 4 ans. C'est-à-dire que peu après la création d'Edenred, un nouveau départ a été donné à cette filiale. Le ticket restaurant n'a pas rencontré le même succès qu'en France ou ailleurs en Europe, ce qui nous a amenés à nous repositionner. Nous nous sommes tout d'abord concentrés sur des solutions digitales  en créant des cartes magnétiques de prépaiement (à la place des tickets en papier) dans les trois familles de produits, ce qui fait de nous un des plus gros émetteurs de cartes prépayées non bancaires en Pologne et une filiale 100% digital (sachant que le taux de digital du groupe est d'environ 70%).  Ainsi, un nouveau métier est né, avec des solutions qui intègrent beaucoup de technologies. Par ailleurs, la suppression du papier signifie que le métier de logisticien a disparu au profit de celui de créateur de services. Ce qui suppose une évolution de compétences pour l'équipe dont une grande partie se consacre aujourd'hui à la recherche et au développement. 

L'autre spécificité du marché polonais c'est la saisonnalité de notre activité. Parmi les produits que nous commercialisons, celui qui rencontre le plus de succès sont les cartes cadeau. Ce qui signifie que les périodes de pics, Noël et Pâques, génèrent la plus grande partie de nos ventes annuelles. Notre stratégie face à la saisonnalité est de nous diversifier en créant des solutions récurrentes,  comme Spendeo, par exemple.

Comment expliquez-vous l'échec du ticket restaurant en Pologne ? 

Deux facteurs essentiels l'expliquent. Je ne vais pas refaire 20 ans d'histoire à laquelle je n' ai pas participé, mais disons que premièrement nous nous sommes attachés à reproduire le modèle français en Pologne alors qu'il n'est pas adapté (pas vraiment de pause déjeuner instituée, absence d' habitude de sortir du bureau pour déjeuner entre collègues?). Deuxièmement, le code du travail et le droit fiscal doivent  être aménagés pour favoriser les avantages sociaux, au-delà du cadre existant qui parfois prête à confusion. Un travail de  lobbying devrait être mis en place mais la démarche reste compliquée en Pologne et encore plus en cette période électorale.

Comment se situe la Pologne dans le marché local et mondial ?

Avec 30% de parts de marché, nous sommes le leader mondial de ce métier qui est un savoir-faire français. Concernant le marché polonais, si nous avons un taux de pénétration très élevé dans toute l'Europe et notamment en Europe centrale, ce n'est pas le cas en Pologne. En réalité, on ne peut pas comparer la Pologne aux autres pays d'Europe centrale où nous sommes essentiellement présents à travers le ticket restaurant.

Le marché polonais est extrêmement compétitif. Mais nous avons un avantage sur nos concurrents à travers nos cartes. Nous sommes émetteurs, c'est-à-dire que nous possédons une licence qui nous permet de ne pas sous-traiter l'émission et donc de ne dépendre d'aucune institution financière, contrairement à nos concurrents. Nous avons donc une position de leaders sur le marché des cartes. Certes, notre position se réduit si l'on prend en compte le marché des titres papier, mais ce dernier a tendance à se contracter et au moins notre positionnement est très clair vis-à-vis de l'innovation.

Qui sont vos clients ?

Nous nous sommes d'abord adressés plutôt aux grands comptes, car ce marché n'est pas encore saturé. Mais nous nous  déplaçons de plus en plus vers les moyennes entreprises pour enfin cibler également les petites. Ce dernier segment étant très spécifique, nous devons opérer une transformation de notre force des ventes pour développer les canaux adaptés. Nous sommes par exemple en train de digitaliser la partie vente, où nous allons pouvoir raccourcir nos délais de vente et surtout acquérir de nouveaux clients en ligne.

Quels sont vos objectifs pour les années à venir?

Nous avons émis 450.000 cartes cette année et avons un objectif de 600.000 l'année prochaine. Nous voulons maintenir notre leadership sur le segment digital et travailler à améliorer le contexte pour ce produit. C'est-à-dire faire comprendre aux autorités qu'il s'agit d'une bonne solution pour les employés, pour les commerçants, donc pour l'économie du pays et cela signifie mettre en place une vraie démarche de communication publique. Donner une vie à part entière au ticket restaurant, qui ne bénéficie qu'à 2% des travailleurs aujourd'hui (la moyenne européenne centrale avoisinant les 30%). Maintenir notre avance dans la diversification en enrichissant nos solutions de gestion des frais professionnels  (comme Spendeo) pour se différencier de la concurrence qui n'est pas encore vraiment sur ce marché car elle n'en a pas encore la compétence.

Comment l'entreprise a-t-elle évolué depuis sa séparation avec le groupe Accor ?

En termes de clarté d'image, nous y avons gagné. Dans les phases d'investissement clefs, nous sommes parvenus à attirer des investisseurs différents. En tant que groupe hôtelier, on ne pouvait pas attirer les partenaires capitalistiques des métiers du prépayé. De ce point de vue, c'est un succès. Le revers de la médaille, c'est qu'il faut travailler la marque. Si on peut encore dire en France que nous sommes Ticket Restaurant avant de dire Edenred, ce n'est pas le cas à l'étranger, où il faut se faire connaître. De plus, la communication est très orientée vers un certain public, les DRH notamment. La construction de la marque n'a donc pas été simple et nous n'en sommes qu'au début.

Sur l'aspect capitalistique pur, je suis assez réservé. Le fait d'être coté à la bourse de Paris sous le chapeau Accor nous permettait de traverser certaines crises sans être exposés. Aujourd'hui, nous sommes plus visibles, ce qui nous a valu par exemple d'être chahutés en bourse à cause de la crise brésilienne.

Que laisse présager la victoire du PIS pour Edenred ? 

Cela peut être vecteur d'opportunités, car c'est le signe d'un mécontentement. Or, s'il y a mécontentement, il y aura potentiellement des réformes, des opportunités de  faire passer des aménagements de progrès pour le pays. Toutefois, il faut être vigilant au conservatisme véhiculé par le PIS : euroscepticisme, préférence nationale? Difficile de faire des pronostics pour l'heure.

Vous êtes en Pologne depuis 7 mois seulement. Comment voyez-vous la Pologne à travers le prisme de vos expatriations passées ?

Je fais partie de cette catégorie de personnes qui ont travaillé 80% de leur temps hors de France. Après l'Amérique latine et la Bulgarie, j'ai eu l'impression en arrivant en Pologne de revenir dans le monde occidental. Pour moi, ici, ce n'est pas vraiment l'Europe centrale. D'un point de vue développement, civisme, comportement ou corruption (élément important dans le monde des affaires !).  Parfois le modèle polonais se rapproche d'avantage du modèle allemand voire scandinave (pour certains aspects), avec des collaborateurs qui accordent beaucoup d'importance à la qualité de vie. Je ne voyais pas cela en Bulgarie, par exemple, plus proche de l'Europe du Sud. De plus, je trouve que la Pologne est un monde plus normé, avec un cadre en général plus clair ; on ne craint pas en permanence le coup fourré dans le business contrairement à la Bulgarie où tous les coups sont permis? !

J'ajouterai également que le travailleur polonais est très exigeant sur les aspects liés au salaire, comme les avantages sociaux. Il y a beaucoup de revendications, d'attentes. Un des premiers motifs démission est précisément  l'insatisfaction sur la rémunération. Nous sommes très attentifs à ces aspects car ce sont des indicateurs clé nous permettant d'améliorer notre offre de services. Nous avons d'ailleurs inclus la Pologne dans le périmètre du baromètre IPSOS-Edenred sur le bien-être et la motivation des salariés européens.

Et les avantages sociaux chez Edenred ? Le cordonnier est-il toujours le plus mal chaussé ? 

Bien évidemment, on se préoccupe beaucoup de la satisfaction de nos collaborateurs. Mais on fait avec nos moyens. Le taux de satisfaction des collaborateurs dans l'entreprise est de 94%. Un chiffre qui parle de lui-même? !

Propos recueillis par Laura Giarratana (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mercredi 28 octobre 2015

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Publié le 27 octobre 2015, mis à jour le 28 octobre 2015