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Ignacy Jan Paderewski, un homme au destin hors du commun

Pianiste, compositeur, diplomate, philanthrope, orateur, homme d’Etat, Ignacy Jan Paderewski, né en 1860, mena une vie hors du commun guidée par l’amour de sa patrie et par la volonté de la voir libre. Après tout, si la Pologne est ce qu'elle est aujourd’hui, c’est un peu grâce à lui…  

Ignacy Jan PaderewskiIgnacy Jan Paderewski
Écrit par Marie-Line Naves
Publié le 24 août 2023, mis à jour le 17 novembre 2023

 

Le pianiste et le compositeur

Né en 1860, Ignacy de Paderewski est  issu d’un milieu modeste. Suite à des décès familiaux, il se plonge dans la musique. Sa rencontre avec l’actrice polonaise Helena Modrzejewska lance sa carrière. Elle organise une levée de fonds pour lui permettre d’aller étudier à Vienne. Trois ans après, en 1887, il fait ses débuts dans la capitale de l’empire austro-hongrois : sa carrière décolle, il ne quittera plus la scène. 

Sa technique de piano puissante et son charisme incroyable, en font  un des premiers interprètes des romantiques Chopin et Liszt. Mais il ne se cantonne pas à interpréter les plus grands comme Beethoven ou Bach et des compositions personnelles voient le jour. Des formes classiques de morceaux (sonates, variations, symphonies et concertos) aux formes romantiques (fantaisies, Lieder, polonaises et autres danses polonaises), Paderewski est un musicien principalement influencé par Chopin mais aussi par Debussy et la musique française en général.

En 1888, il fait ses débuts à Paris et en 1890 à Londres. Son succès ne semble pas avoir de limite. L’année suivante, il franchit l’Atlantique où ses représentations connaissent un véritable triomphe. Les Etats-Unis deviennent le cœur  de son public et au cours de son existence, il traversera plus de cinquante fois le pays. Ses tournées l’emmènent sur plusieurs continents : Amérique du Sud, Afrique et Australie. 

Il laisse derrière lui plus de 70 musiques d’orchestre, instrumentale ou vocale. On peut aussi y ajouter un célèbre opéra, Manru, ou citer une de ses compositions célèbres, Fantaisie polonaise sur des thèmes originaux pour piano et orchestre. 

 

Le philanthrope et le diplomate 

Dès 1910, sa fortune est assurée. Il la consacre notamment  en donations à de nombreuses associations et causes philanthropiques (orphelins polonais, bourses pour des jeunes musiciens, réhabilitation des cliniques et maternités). Pour le 500e anniversaire de la victoire du roi Jagellon sur l’ordre teutonique, il finance la statue du roi à Cracovie. 

Parmi ses nombreux talents, on compte celui de grand orateur. En tant qu’artiste et philanthrope, il échappe aux logiques politiques et aux factions, ce qui fait de lui un champion de la Pologne alors partagée entre ses voisins russe, prussien et austro hongrois.

L’éclatement de la première guerre mondiale est l’occasion de faire pression pour la cause d’une Pologne indépendante auprès de la communauté internationale. Résidant en Californie, Paderewski devint le représentant américain du comité national polonais à Paris, l’entité politique qui préparait, avec l’Entente (la France, la Russie et le Royaume-Uni) l’indépendance de la Pologne. 

Ce grand patriote use de toute son influence pour atteindre son but. Entre apparitions publiques, levées de fonds et réunions, il met ses tournées pour quelques années entre parenthèses, afin de se consacrer exclusivement à  la diplomatie. Paderewski est chargé, par le conseiller du président américain Woodrow Wilson, de préparer un memorandum sur la question polonaise, à la veille de l’entrée en guerre des Etats Unis, en janvier 1917.

 

Parmi les quatorze points énoncés par Wilson en janvier 1917, figure l’établissement d’un « Etat polonais indépendant ». A cette époque la majorité du territoire polonais est aux mains des militaires polonais. A la fin de la guerre, Paderewski est choisi pour mener la délégation à Versailles. 

 

En 1919, il devient premier ministre et ministre des affaires étrangères. Son gouvernement fait face à des événements importants : élections démocratiques d’un parlement, ratification du traité de Versailles en 1919, mise en place d’un système d’éducation publique. La même année il démissionne et même s’il cesse d’être Premier ministre, il continue de représenter la Pologne à l’étranger lors de conférences internationales et à la Société des Nations. Parlant couramment sept langues, il fut le seul délégué qui n’eut pas de traducteur.

En 1921, il démissionne de tous ses postes officiels et se retire dans sa villa en Suisse. Il se dédie à nouveau au piano et en 1923, il repart en tournée.

 

Dans le gouvernement polonais en exil

Sa seconde femme, Helena Paderewska avec qui il est marié depuis 1899, elle-même philanthrope, meurt en 1934 alors que la montée du fascisme en Europe et du nazisme en Allemagne propulsent de nouveau Paderewski dans la sphère politique. Sa maison devint le lieu de discussions entre hommes politiques polonais en exil. En 1939, suite à l’agression allemande puis soviétique, la Pologne en tant qu’Etat indépendant cesse à nouveau d’exister. Malgré sa santé fragile, Paderewski prend alors part au gouvernement polonais en exil, d’abord basé en France puis en Angleterre. Il fait de nombreuses allocutions à la radio américaine pour les exhorter à s’impliquer dans le conflit. A la fin de l’année 1940, il s’y rend, pour défendre en personne sa cause, aider l’Europe et défaire le nazisme.

En juin 1941 il tombe malade et meurt à New York. Presque 40.000 personnes assistent à ses funérailles à la cathédrale Saint Patrick.

En 1992, ses restes sont transférés en Pologne et ses cendres placées dans la crypte de la cathédral Saint Jean à Varsovie ; sa dernière volonté est accomplie.