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LES VERTS EN POLOGNE – Pourquoi ça ne marche pas ?

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Écrit par Hervé Lemeunier
Publié le 9 avril 2018, mis à jour le 11 avril 2018

Voilà déjà quinze années que Partia Zieloni (le Parti Vert, en polonais) a vu le jour, en 2003. Mais, au moment de souffler les bougies du gâteau vert, le parti écolo ne compte aucun député à la Diète, et pas plus d’élus locaux dans les villes et voïvodies du pays. Les enjeux environnementaux ne semblent pourtant pas manquer ces derniers temps : la déforestation de Białowieża, les smogs urbains et les remontrances de l’Union Européenne interrogent de plus en plus les Polonais sur leur mode de vie. Dès lors, comment expliquer ces résultats si modestes enregistrés par Partia Zieloni, courageux mais solitaire porte-drapeau du mouvement écologique polonais ? Voici quelques éléments de réponses recueillis directement au QG des écolos, sur la Plac Konstitucji de Varsovie.

 

Le Partia Zieloni, compagnon d’infortune des verts européens

 

Quand on est un parti politique relativement récent en Pologne, le mieux à faire est de bien s’entourer et de compter sur des soutiens de poids. Pari réussi pour le PZ, plus attaché à l’Europe qu’un nostalgique de Jacques Delors. Toute la genèse du Parti se concentre ainsi sur le Parlement Européen et le groupe Vert qui y siège. Créé en 2003 dans l’optique de l’entrée de la Pologne dans l’UE et des élections européennes en 2004, le PZ a toujours eu des liens ténus avec de nombreux verts européens. « Les députés européens écolo de différents pays européens étaient déjà bien organisés à l’époque, se souvient Ewa Sufin-Jacquemart, présidente de la fondation Verte affiliée au Parti. Ils nous ont encouragés à créer le nôtre, pour pouvoir faire remonter nos enjeux nationaux lors des sessions du Parlement Européen où nous étions susceptibles de figurer. Les Grünen allemands de différents Länders sont même venus deux semaines en Pologne par leurs propres moyens, afin de nous former. Ils nous ont tout appris : créer un parti, comment le mettre en avant etc. »

 

Résultat ? Un score de 0.37 % des voix recueillies, loin du minimum pour s’assurer un siège à Strasbourg. Pire : le PZ ne fera pas mieux lors des élections européennes suivantes, en 2009 : pas candidat et 2014 – 0.32 %. Tout le problème réside dans le fait que le PZ ne peut pas vraiment compter sur ce qui fait sa force, à savoir ses liens européens. « Il faut savoir que la loi polonaise dispose que les partis politiques ne peuvent pas avoir de membres candidats qui soient de nationalité autre que polonaise, explique Maciej Józefowicz, porte-parole des Verts polonais. De plus, nous ne pouvons pas recevoir de subventions venant de l’étranger, de personnes étrangères ou d’organisations de quelque nationalité que ce soit. En Pologne, les financements de partis politiques ne peuvent se faire que par le biais de personnes privées, résidant en Pologne et étant en possession de la citoyenneté polonaise. » Difficile, dès lors, d’obtenir les moyens financiers et logistiques suffisants pour atteindre un électorat potentiel.

 

Victime du système électoral et des problèmes de la gauche

 

Cette relative invisibilité face au grand public handicape grandement les Verts. Par exemple, les candidats pour les élections présidentielles doivent être validés par un parrainage de 100 000 citoyens. « Pour un petit parti comme le nôtre, c’est difficilement réalisable », concède à son tour Marek Kossakowski, à la tête du Parti. Anna Grodzka, première députée transgenre de Pologne et candidate pour le Parti Vert en 2015, en a fait l’amère expérience : elle n’a ainsi, même pas réussi à faire valider sa candidature, malgré une immense popularité chez la communauté pro-LGBT*. La Diète ne semble pas plus accessible que le Palais Présidentiel. Las, les Verts n’ont pas encore réussi à obtenir le quota nécessaire de 5 % de voix pour installer un député au Parlement. La solution d’une coalition de gauche, qui demanderait alors un seuil minimum de 8 % des voix, n’a pas non plus porté ses fruits par le passé. Surtout quand le jeune parti de gauche, Razem, boude autant ses proches politiques en refusant toute coalition. « Nous nous mobilisons ensemble contre certains événements locaux, comme l’abattage d’un arbre dans le parc de Grabiszyński, à Wroclaw, précise cependant Kossakowski. Nous sommes ouverts à toute coalition pour donner un maximum de chances à l’écologie. Mais il faut reconnaître que nous avons une identité politique bien différente de Razem. » Les soixante longues années passées sous un régime se revendiquant du communisme, couplées à l’individualisme traditionnel polonais ne doivent pas non plus aider à dresser un portait élogieux du Partia Zieloni.

 

Zieloni, roi du local

 

Un motif d’espoir cependant : le parti écologique réussit une percée intéressante à l’échelle locale. Ses mobilisations dans des actions sociétales et environnementales lui ont apporté du crédit auprès de mouvements civiques, groupes féministes, pro-LGBT et environnementaux, mais également auprès des sphères politiques locales. « Nous sommes une véritable école d’activistes, avance Ewa Sufin-Jacquemart. De nombreux agriculteurs, citadins et politiciens animent notre mouvement partout dans le pays. C’est ainsi que le maire de Slupsk, Robert Biedron, militant LGBT et fervent soutien de l’écologie, s’est encadré de nombreux techniciens issus du PZ… quand bien même il n’est pas de notre Parti ! » C’est également lors d’élections locales, celles de 2010, que le parti enregistra « son plus gros succès » : 5 sièges sur l’ensemble du pays, dont un au Conseil Municipal de Varsovie. « Nos programmes sont également beaucoup repris par nos adversaires, dans les villes où nous n’avons pas remporté des sièges, surenchérit Józefowicz. Cela montre que les idées vertes s’ancrent bien dans le local.  » Une recette du succès toute trouvée pour les Verts, qui mettent justement en avant la participation citoyenne. « Nous fondons beaucoup d’espoir dans les villes, car nous voulons y intégrer l’idée de démocratie directe et de participation active des citoyens, comme ce qui peut se faire à Barcelone et à Grenoble. Puisque le pouvoir central est inatteignable, nous pensons que des villes devenues progressives peuvent faire pencher la balance et donner un exemple d’innovation et d’harmonie aux autres villes. » Le Fearless City Congress, qui réunit annuellement des partisans du municipalisme et qui aura lieu cet été à Varsovie, prend déjà des airs d’amuses-bouches avant les élections locales de novembre.

 

 

*(Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres)

Publié le 9 avril 2018, mis à jour le 11 avril 2018