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PRISON PAWIAK - Une mémoire prisonnière finalement libérée

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 27 novembre 2016, mis à jour le 29 novembre 2016

 

Comme une envie d'accomplir un impératif de devoir de mémoire ? En plein c?ur du quartier Muranów, rue Dzielna, qui traverse l'ancien ghetto de Varsovie, se cache le bâtiment principal de la tristement célèbre prison Pawiak, construite au XIXe siècle et devenue prison de la Gestapo en 1939. Aujourd'hui convertie en musée, ce qu'il reste de la prison renferme des témoignages visuels et sonores du terrible quotidien de ses prisonniers, hommes te femmes, sous la torture nazie.

 

Aujourd'hui, fait office de musée l'aile de la prison qui était réservée aux hommes. Seule cette partie a subsisté après la destruction de l'autre par les Allemands. Pawiak occupait alors, avec le bâtiment des femmes, la rue Dzielna et la rue Pawia (d'où le nom « Pawiak »). La prison s'étendait sur 1,5 hectares. Construite en 1835 et demeurée sous l'autorité de la Russie tsariste jusqu'en 1918, c'est en mai 1940 qu'elle s'est transformée en véritable prison de la Gestapo. La gestion était alors partagée entre la Gestapo,  le Stronnictwo Demokratyczne (SD, le parti social-libéral polonais) et le commandant de la police de sécurité. Derrière le bâtiment principal aujourd'hui restant se trouve une large cour dans laquelle les exécutions de masse et autres exactions quotidiennes avaient lieu.

En arrivant sur la place qui se trouve en face du musée, un arbre est dédié à la commémoration des prisonniers qui ont trouvé la mort à Pawiak. Tout de bronze, en symbole de l'éternité, il prend place là où se  trouvait un arbre véritable abattu à la fin de la guerre. Son tronc est entièrement recouvert de plaques portant des noms de disparus. À la gauche de cet arbre se trouve une partie de l'entrée d'origine, reconnaissable avec son bras de fer recouvert de fils barbelés. 

L'arbre de Pawiak, recouvert de plaques commémoratives, sur lequel Jean-Paul II est venu se recueillir

L'intérieur du musée est également habité par de nombreux souvenirs : certains appartenant aux familles des prisonniers, d'autres aux prisonniers eux-mêmes, retrouvés quand leurs corps furent exhumés entre 1950 et 1965. Certains objets dénotent leur grande ingéniosité et capacité de résistance. On peut citer l'exemple des « gryps », messages secrets qui constituaient une correspondance parallèle à celle qui était contrôlée par les officiers nazis. Une jeune étudiante polonaise avait ainsi rédigé un message sur un petit morceau de papier toilette en le trouant avec une simple épingle. Ces messages étaient ensuite jetés de l'autre côté des barbelés, transmis avec succès aux familles souvent grâce à la complicité des médecins et infirmières polonais de l'hôpital de Pawiak. Parmi les nombreux témoignages que recèle ce lieu de mémoire, il y a aussi les lettres des prisonniers dans la deuxième salle du musée.

  Caricatures dessinées par un prisonnier de Pawiak

« Gryp » d'une étudiante polonaise, lettre entièrement rédigée à l'aide d'une aiguille

Puis la visite nous emmène vers les cellules dans lesquelles s'entassaient les prisonniers. En effet, alors qu'elles ne pouvaient accueillir au maximum que deux personnes, plus d'une vingtaine y étaient confinées. De véritables microcosmes se constituaient : certains en profitaient pour enseigner des langues étrangères, d'autres pour jouer aux échecs (faits de mie de pain).

Il demeure que la pire réalité de la prison Pawiak est qu'elle servait de lieu de transfert vers les camps de la mort : 60 000 prisonniers furent déportés (la majorité à Auschwitz) et 37 000 furent exécutés sur les lieux mêmes de la prison. À  l'image de la Juste Irena Sendlera qui passa trois mois à Pawiak, de nombreux prisonniers subirent de terribles interrogatoires Aleja Szucha, l'avenue où se  trouvaient les bureaux de la Gestapo, située à proximité de la prison. La population pénitentiaire était jusqu'en 1943 majoritairement constituée des membres de l'Armia Krajowa (la plus importante des organisations de résistance polonaise), de prisonniers politiques et de criminels. En mai 1943, après la liquidation du ghetto de Varsovie, les juifs furent aussi envoyés à Pawiak avant d'être déportés à Auschwitz, Rävensbruck et Gross-Rossen. Les transferts cessèrent finalement au moment de l'Insurrection de Varsovie en 1944.  Les derniers prisonniers de Pawiak furent exécutés, les archives de la prison détruites et le bâtiment des femmes dynamité par les nazis en fuite. 

Un groupe de jeunes résistants surnommé « Ma?e sabota? » (« Petit sabotage ») a peint en 1943 sur des murs de l'Aleja Jerozolimskie, l'inscription  «Pawiak Pomscimy», («Venger Pawiak»). Ce fut chose faite en 1965 seulement, et non dans l'immédiat après-guerre, avec l'ouverture du musée qui a rendu pérenne le douloureux souvenir de cette prison contre la volonté nazie de le faire totalement disparaître. 

© commons.wikimedia.org

 

Remerciements à Varsovie Accueil pour l'invitation à la visite de la prison Pawiak ainsi qu'à notre guide.

Eve-Angéline Marchipont (lepetitjournal.com/Varsovie)  - Lundi 28 novembre 2016

© Photos: Eve-Angéline Marchipont

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Publié le 27 novembre 2016, mis à jour le 29 novembre 2016