Nombreux sont ceux à caresser le rêve de tout laisser et partir à la découverte du monde, sans jamais sauter le pas. Christine, Romain et leurs deux enfants l’ont fait. En 2020, cette famille de l’Ain a acheté un catamaran devenu leur maison depuis trois ans. Ils racontent l’aventure de leur vie, ponctuée de rencontres et de péripéties.
“On aime l’endroit mais pas la raison pour laquelle on est là !” Derrière ce “on” se cachent Christine et Romain, un couple de trentenaires, et leurs deux enfants, Stephen et Ethan. Quand ils nous reçoivent, c’est dans leur catamaran, Gilly.B. Le bateau de 98 m² se dresse fièrement dans le port de Valencia Mar. Le soleil de midi frappe sur le pont, bien qu’une légère houle fasse doucement tanguer l’embarcation.
Quand la foudre dicte un autre cap à une famille de marins
La vie au port de Valencia Mar semble idyllique pour la famille, à un détail près. Les quatre devraient déjà avoir dépassé les Îles Canaries depuis un moment, direction la Martinique pour leur voyage transatlantique. Mais la météo en a décidé autrement. La famille est arrivée à Valencia le 8 septembre. Une semaine plus tard, le 15 septembre à six heures du matin, un grand boom les réveille : la foudre a frappé le bateau. L’électricité, l'électronique et les moteurs ne répondent plus, les obligeant à rester à quai jusqu’à réparation. Depuis, ils suivent leur routine habituelle, rythmée par l’école des enfants et la météo. Un nouveau train de vie avec vue sur mer adopté il y a trois ans, bien différent du précédent.
On voulait découvrir autre chose.
“Avant la pandémie, nous voulions changer d’horizon après 10 ans de mariage”, explique Christine. La petite famille de l’Est de la France rêve de grand voyage. Elle se renseigne, s’imagine un tour du monde en avion. “Trop coûteux et stressant”, conclut-elle. Même bilan avec l’idée d’un camion aménagé : “10 m² pour quatre, c’est non”. Elle continue ses recherches en même temps que ses escapades en France, jusqu’à un week-end passé sur une péniche. L’idée fait mouche et la famille se projette finalement sur un catamaran.
Si séduisant, cet appel de la liberté se trouve rapidement mis entre parenthèses, quand le monde est touché par la pandémie de Covid-19. Comme beaucoup à cette période, la famille se sent à l’étroit dans sa maison de l’Est de la France. L’appel du grand air et de la découverte se fait de plus en plus fort. “Nous voulions montrer à nos enfants qu’il existe autre chose que la France”, raconte Romain. Le projet se concrétise enfin quand le couple profite de la conjoncture favorable en sortie du premier confinement pour s’acheter à un prix imbattable ce qui deviendra leur nouveau nid familial : Gilly.B.
L’appel du grand bleu
Pourtant, aucun des deux parents n’est originaire d’une région de bord de mer. Bien au contraire : “J’ai des origines suisses et Romain est jurassien”, précise Christine. Le couple de montagnards n’a même jamais navigué. Loin d’être intimidés, ils prennent des cours particuliers pour apprendre les rudiments de la navigation. Ils se font la main en mouillage pendant plusieurs mois, durant le deuxième confinement de 2020 (période lors de laquelle les navigations étaient interdites), avant de vendre leur maison dans l’Ain. Débute alors une nouvelle vie, faite de météo capricieuse, de rencontres du bout du monde et de découvertes quotidiennes.
Le quotidien entre mer et port
Sud de la France, Corse, Grèce, Malte, Sardaigne, Sicile… La famille s’accoutume à la vie sur un bateau en mer Méditerranée, ponctuée par les découvertes culinaires, la langue et les paysages des pays où ils accostent. Mais comme sur la terre, une routine s’impose. Les parents ont arrêté de travailler et se concentrent exclusivement sur la navigation et les études des enfants, dispensées par le Cned. “Au lieu d’être assis sur un banc face à un tableau, ils sont assis sur un banc face à la mer”, rigole Christine.
Autonome en eau et en électricité, le bateau apporte une certaine flexibilité dans leurs mouvements. “Ça nous a aussi appris que ce n’est pas comme dans les vidéos, où on voit les gens en maillot toute la journée dans une mer turquoise”, s’amuse Christine. Trouver une place dans un port, une météo incertaine, des problèmes techniques : autant d’éléments qui peuvent devenir des obstacles au quotidien. “On planifie sur du non-contrôlable. La dernière fois que nous devions aller chercher quelqu'un en bateau, nous avions 20 jours d’avance et nous sommes finalement arrivés le jour J”, complète Romain.
Si la vie au gré des vagues et du vent réserve son lot de surprises, elle permet des rencontres aussi courtes qu’intenses. L’une des priorités des parents est d’ailleurs de trouver des ports familiaux pour permettre à Stephen et Ethan de jouer avec d’autres enfants. Une tâche pas toujours facile, car “les familles itinérantes en bateau sont rares”, selon le couple. Pourtant, en trois ans, la famille a tissé des liens forts au gré de leurs voyages. Des rencontres pour une journée, un mouillage ou un voyage, avec des gens confrontés aux mêmes problématiques qu’eux. Christine et Romain racontent leurs relations avec ces “amis de la mer”.
La vie à Valencia Mar poursuit son cours. Stephen et Ethan étudient entre deux parties de basket ; les parents gèrent les contacts avec l’assurance et les réparations du catamaran. Tous espèrent pouvoir partir avant le 10 novembre, date butoir qu’ils se sont fixée pour réaliser leur traversée. En attendant, la famille profite de sa vue sur mer et n’oublie pas l’aventure qui l’attend, de l’autre côté de l'Atlantique.
Pour suivre le quotidien de Christine, Romain, Stephen, Ethan et Gilly.B, rendez-vous sur leur blog gillyb.net.