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INES WE CAN - Inès, gamine invincible : 44 mois de vie, 24 de survie

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 16 mai 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

Engagée depuis deux ans dans un combat contre le cancer, Inès, trois ans et demi, née à Madrid de parents français, a débuté au mois d'avril un traitement aux Etats-Unis. Face au coût exorbitant des soins médicaux outre-Atlantique, certains membres de la famille et amis proches, issus de la communauté française de Madrid, se sont regroupés en association pour récolter des fonds. Depuis le 29 mars dernier, Inès we can a ainsi recueilli environ 50.000 euros, sur les 200.000 dollars nécessaires

(Sandrine, Inès et Carlos / Photo lepetitjournal.com)
Confortablement installée dans le canapé du salon, petite guitare rose entre les mains, elle reprend à s'égosiller le refrain de la chanson Someone like you, d'Adele. Spectatrices amusées de la scène, sa mère et sa grand-mère maternelle ironisent sur une prestation quelque peu théâtrale. Des rires fusent. Le bonheur simple et innocent d'une enfant de trois ans, qui adore le chant. Un petit bout de femme débordant de vie, prénommée Inès mais que tout le monde appelle affectueusement Princesita, Inesita ou Championne. Comment serait sa vie sans ce cathéter légèrement visible en haut de la poitrine, et ces deux cicatrices dans le cuir chevelu, qui partent au-dessus de chaque oreille pour former un arc-en-ciel imaginaire en demi-cercle ? Inès ne le sait pas, elle qui lutte depuis deux ans contre la maladie, pour la vie. Le quotidien sans cancer, elle n'en a aucun souvenir, peut-être même l'impression de ne jamais l'avoir connu. C'était dans une autre existence. La première. Trop courte. Celle qui n'a pas laissé aux rêves de bébé et promesses de bonheur le temps de survivre.

Le quotidien sans cancer, elle n'en a aucun souvenir, peut-être même l'impression de ne jamais l'avoir connu
Mercredi 19 mai 2010, premier jour de la deuxième vie : la benjamine d'une fratrie de quatre enfants tous nés en septembre, seule fille, n'a que vingt mois lorsque Sandrine, la maman, remarque une boule "grosse comme un melon" à l'estomac. Elle prévient Carlos, le papa, ORL spécialiste de la tête et du cou, qui rentre en urgence lors de la pause déjeuner. IRM immédiate, diagnostic impitoyable. Presque définitif. Cancer. "On se dit que ce genre de choses ne nous arrivera jamais. On a une vie plutôt agréable, avec une bonne étoile qui veille sur nous. D'un coup, l'étoile disparaît, tout s'effondre. Non, ça n'arrive pas qu'aux autres", confie Sandrine. Et d'ajouter : "C'était la descente aux enfers. En plus, le jour de mes 40 ans. Un beau cadeau..." Six mois d'hospitalisation continue suivront ce premier choc.

"La masse trouvée faisait 12 cm"
"La masse trouvée faisait 12 cm. C'était vraiment un très gros cancer. Un neuroblastome. Avec de la chimio de mai à juillet 2010, puis une opération abdominale en août, à Paris. Et dans la foulée une greffe de moelle en octobre, de la radiothérapie en janvier 2011 et enfin une période de rémission complète jusqu'en septembre", détaille Carlos, titulaire d'un DEA de biologie moléculaire bien utile pour le suivi des traitements, presque gêné d'expliquer que son réseau professionnel a pesé dans l'accès plus rapide à certains examens, notamment une IRM d'urgence à l'automne 2011 : "En octobre, Inès a connu une grosse rechute, avec des métastases cérébrales. Elle a été opérée en urgence à Madrid pendant six heures, car cela lui comprimait le cerveau. Ils l'ont sauvée". S'en suivra une deuxième période de traitements lourds avec radiothérapie cérébrale associée à une chimiothérapie concomitante, suivi d'une chimiothérapie de consolidation jusqu'à la mi-février 2012. Nouvelle rémission complète et vrai espoir de guérison définitive. Carlos s'active tout de même pour éviter que l'histoire de ne se répète : "J'ai cherché partout, mais les rechutes cérébrales de cette tumeur, il n'y a qu'un seul centre au monde qui parvient à les traiter avec d'excellents résultats. Il est à New-York. La première fois, j'ai fait l'aller-retour depuis Madrid sur vingt-quatre heures pour rencontrer l'équipe médicale. Depuis, nous y sommes allés ensemble trois semaines et demi, début avril. Pour Inès, on déplacerait des montagnes". Des océans, aussi. En l'occurrence l'Atlantique. Pas le temps d'attendre que le traitement arrive un jour en Europe. "On voudrait que notre cas soit utile pour réveiller certaines consciences. Existe-t-il un sentiment pire que cette impuissance quand on pense que l'on n'a pas les moyens de permettre à sa fille de guérir ? ", s'exaspère Sandrine, dont les journées sont dédiées à sa progéniture, depuis la maladie.

"Existe-t-il un sentiment pire que cette impuissance quand on pense que l'on n'a pas les moyens de permettre à sa fille de guérir ?"
La pitchoune au visage d'ange, jamais seule dans l'épreuve, écoute tout. "Comprend tout", affirme Carlos : "Plus elle grandit, plus elle a besoin d'explications. Elle est en avance sur son âge car elle a toujours vécu dans un monde d'adultes". Les apparences sont trompeuses. Provocatrices, même. Aucun signe ne suggère qu'une épée de Damoclès plane sur Inès, cernes prononcées sous de petits yeux revolver en forme d'amende -"verts et pas bleus !" d'après la propriétaire-, cheveux courts qui ne demandent qu'à (re)boucler, mais vive, dynamique, sociable à souhait -Inès signifie "sociabilité" en berbère, taillé sur mesure-, en permanence dans une relation d'affection qu'elle rend forcément réciproque. En cet après-midi de début mai où l'été s'est invité dehors, elle sautille, chante, rigole, s'amuse, prend soin d'aller chercher la canne pour sa grand-mère qui se lève -"elle est très attentive aux autres", souligne mamie-, répète à l'envi sa faim de goûter. Dans deux jours, pourtant, elle recommencera de l'immunothérapie, à New-York, pendant que d'autres du même âge joueront dans les cours de récréation. L'école, elle n'y est allée qu'un mois durant, en septembre dernier. L'illusion d'une existence qui reprenait le cours logique des choses n'a pas duré. Le chemin de l'hôpital l'a rattrapée. Pour l'instant. "C'est sa deuxième maison et en cela c'est un pari gagné. On lui donne tout mais elle nous rend plus encore, nous facilite vraiment les choses. C'est un bébé joie de vivre ! Cette bonne humeur permanente, c'est sa force", remarque Carlos. Inès s'est même adaptée au langage médical : "Elle dit souvent à ses frères ?demain, je vois mon oncologue', ou ?moi, j'en ai deux' en évoquant les cathéters (à celui sur la poitrine s'est ajouté à une période un de dérivation dans le cuir chevelu) et ?demain, on va enlever un peu de ketchup' avant les prises de sang", dévoilent dans un sourire les parents.

"C'est un bébé joie de vivre ! Cette bonne humeur permanente, c'est sa force"
Sandrine se souvient, lors de la première hospitalisation, d'une phrase entendue, à laquelle elle s'accroche depuis : "Avec cette étincelle dans les yeux, elle ne peut que s'en sortir". Deux ans plus tard, la remarque est plus que jamais d'actualité, les pupilles brillent toujours autant. Voilà notamment pourquoi certains membres de la famille et amis proches, issus de la communauté française de Madrid, se sont regroupés en association pour récolter des fonds. Papi fait office de trésorier, par exemple. La vente de petits bracelets de couleur rose -la préférée d'Inès- avec l'inscription sobre "Inès we can" est une des nombreuses actions entreprises. A eux seuls, les trois frangins en ont vendu plus de 5.000, avec un prix de départ symbolique fixé entre 3 et 5 euros. "Mais on accepte jusqu'au million !", précise dans un éclat de rire Stéphanie, très active au sein de l'association. L'objet est prétexte de don. Premier bilan : 50.000 euros récoltés depuis le 29 mars, sur les 200.000 dollars nécessaires. Le départ est encourageant, même si l'objectif sera difficile à atteindre. "C'est déjà énorme pour un début, surtout qu'au mois de juin, nous devrons verser un nouvel acompte. Aux Etats-Unis, tu dois payer avant d'être soigné", assène Sandrine.

Inès we can, 50.000 euros recueillis depuis mars, sur un total nécessaire de 200.000 dollars
"Guérir a tout prix", leitmotiv pas donné. Encore moins outre-Atlantique. Heureusement, selon Carlos, "il y a plus de 80% de probabilité d'une guérison définitive avec ce centre. Mais si on n'était pas superstitieux, désormais on touche du bois". De la parole à l'acte, la malle qui fait office de table basse dans le salon, devant la cheminée. Sandrine s'exécute aussi : "Superstitieux, on le devient... Même ceux qui rencontrent Inès pour la première fois. Elle est tellement attachante..." Deux opérations, une de six heures, crâne ouvert; deux pertes de cheveux; une greffe... 44 mois de vie, dont 24 de survie. Inès, gamine invincible. Avec dans le regard cette lueur éclatante, prescience d'un avenir heureux. D'une victoire (enfin) définitive, qui mettra K.O. cet ennemi invisible. Et après ? "Tu voudrais faire quoi quand tu seras grande ?", lance Sandrine. La réponse fuse à la vitesse de l'évidence : "Comme Adèle". Chanteuse, Inès ? "Elle répond souvent 'docteur, comme papa'. On verra ", recadre la mère. Dans le premier cas, elle pourrait reprendre La vie en rose, titre mis en pratique dans ses choix vestimentaires et matériels au quotidien. Dans le second, rendre un peu de ce que lui aura donné la médecine. Dans les deux, c'est elle seule, après avoir été privée de petite enfance, qui aura choisi le sens à donner à son existence. On touche du bois.

Texte et photos Benjamin IDRAC (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 16 mai 2012

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Publié le 16 mai 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

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